Ainsi parla Béru-le-Grand, ce jour-là, dans une ville de Pennsylvanie.
Philipp Edward J. Morton se mit à pleurer dignement. Il avait le chagrin sobre, donc touchant. Ses larmes faisaient sérieux et coulaient lentement, avec à-propos.
— Vous n’avez pas le droit de m’abandonner, soupira-t-il. Vos prestations sont uniques au monde, dear Bérurier. Jamais on ne vit spectacle plus érotique. Moi-même, lorsque vous en avez terminé, suis obligé d’aller culbuter une des mes infirmières afin de me calmer les nerfs.
Le Gravos hocha la tête. Il était sobrement vêtu de son slip à fleurs et de son chapeau et il se coupait les ongles des pieds avec la lame de son Opinel.
— Ecoutez, Morton, j’sus navré. Mais vos mannequins n’limeront jamais plus. Y sont court-circuités à vie. On aura beau faire, moi et ma femme, inventer l’ininventabl’, trouver trente-six poses nouvelles, y rest’ront comm’des bœufs. Vos compliments nous touchent. Hein, Berthe ? Et si vous voudrez, avant d’partir, ell’ peut vous éguesécuter ses principals divertissements : l’casse-noisette, l’épagneul breton, l’radeau d’la Méduse, tout ça pour vous défrayer un peu d’not’voiliage. Mais donner d’aut’galas à votre public de déchibrés, c’est plus possib’.
Les larmes de Morton redoublèrent. Je le soupçonnai de tenir aux Bérurier pour son compte propre, l’intérêt de ses clients représentant à ses yeux l’argument subsidiaire.
Alors j’interviens.
— Cher ami. Je vous fais une proposition honnête. Mon ami va me suivre pendant quarante-huit heures, histoire de se changer les idées. Son épouse restera ici, à se reposer et à vous initier à ses fabuleux secrets. Ce délai écoulé, peut-être Alexandre-Benoît sera-t-il revenu sur sa décision.
Le Gros s’apprêtait à repousser ma propose, mais je lui alignais un tel coup de latte dans sa jambe droite qu’il gémit seulement et s’abstint.
Puis très vite, je l’arrachais à la magnifique clinique du Dr Morton.
L’emmenai dans un bar où nous nous mîmes à boire du bourbon pendant que je lui exposais la situation et ce qu’elle exigeait de lui.
VII
L’INVITATION
La musique mouline sur la ville. C’est une cité quiète, somme toute, que Noblood-City. Y a des haut-parleurs dans les rues, les carrefours. Les transports publics sont également équipés de système de phonie et tu te régales les tympans. Ça ne joue pas des machins hot ou pop ou lulure qui te biscornent l’intérieur des feuilles, mais de la vraie zizique caramélisée qui fait du bien par où qu’elle passe !