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On va dans le parc qui sent bon la richesse parfaitement entretenue par des non-smigards. Y a plein de fleurs odoriférantes qui me sont inconnues et que je me bats l’œil.

Je pense à l’allure que baise un lapin. La dégrouillance de la gamberge est une planche de salut, bien souvent. L’Antonio, il se dit, textuel : « Les rascals (j’ai lu des polars américains d’avant-guerre, y en avait plein le grenier à papa) tablent sur un temps d’adaptation. Ils croivent (comme dit Béru) que les choses vont traîner en longueur. Par conséquent, si je veux espérer les biter, faut urger. Y aller en trombe. Qu’ils aient pas le temps de sursauter que déjà, l’oiseau et l’oiseleur se sont envolés, telles les hirondelles (de saucisson) avant les frimas (des gaules). Mais se tailler comment t’est-ce que ? La cage est belle, mais c’est une cage, et les barreaux ont beau en être dorés, ils n’en sont pas moins solides, comme l’écrivait Alphonse Mauriac qu’avait du style en plus de son pinard. Ici, le grand Tantonio doit se mouliner la cervelle pour trouver la belle feinte à Jules très suprême, garantie bon teint, irrétrécissable.

— Abigail…

— Oui ?

— A partir de dorénavant, arrangez-vous pour avoir sur vous les papiers dont vous m’avez parlé. J’ignore comment nous allons jouer la belle, mais je sais qu’il ne faut pas traîner et saisir l’opportunité (je traduis de l’anglais) dès qu’elle se présentera.

Elle répond simplement « d’accord ».

On parvient à un petit temple d’amour, style grec, revu Hollywood. Des colonnettes, de la mosaïque, des sièges pour fusée interplanétaire. Je l’installe dans l’un d’eux. Je me flanque dans l’un d’autres. Et puis je contemple le panorama et au bout de moins de temps que ça, l’idée me vient. Et je suis tout joyce. Et je me dis que, qu’est-ce que tu veux, ben San-Antonio ça existe. Et que c’est pas plus mal que sur le catalogue de la Redoute.

Le déjeuner fut simple, mais copieux : salades mêlées, poulet froid avec des chiées de sauces, crème au foutre nappée de sirop de merde, le tout extrêmement sucré, de quoi carboniser ton métabolisme des glucides, ô toi qu’on suce par gourmandise !

A l’ombre d’un parasol, servi par le loufiat grand style à frime d’hypocrite, le tout arrosé d’un vin rosé de Californie susceptible de transformer n’importe quel estomac bien trempé en grille d’égout, mais servi frais.

La môme Abigail, son chef-d’œuvre de simulation, c’est à table. Faut voir ses gestes patauds pour porter les aliments à sa bouche. Dolorosa est obligée de guider sa main, par moments. Du grand art.

Et alors, le gars moi-même se demande, non sans un serrement de cœur qui vaut largement celui du Jeu de Paume : « Et si cette grognace était folle tout de même ? Et si sa folie consistait justement à mimer la folie ? Car enfin, seize piges de berlure, faut les tenir. Et jamais louper son numéro. Marcher en crétine, bouffer en déconnecté moteur, conserver le regard vide, s’abstenir de moufter ou ne lâcher çà et là qu’une onomatopée ou un tronçon de mot, ça dénote, non ? Une telle contraignance, c’est pas chez les jeunes filles doucettement gougnottes du club « Sport et Vie » que tu les rencontres.

Tu me vois maller avec une jobrée qui, tout à coup, au plus délicat de la belle, m’interprétera le grand air d’Aïda ?

La chose que je me raccroche, elle est fragile fragile, déjà anéantie : c’est le brin de larme plein de soleil qui lui est venu tout à l’heure sur le bateau. Je me dis qu’il faut être intelligent pour pleurer. Les biches exceptées, un animal ne pleure pas. La peine, c’est une émanation de l’esprit. Donc, j’ai confiance en cette larme.

Le beau gosse du barlu se nomme Brendon. Ce qui ne me dérange pas le moins du monde. La pécore brune continue de le bouffer du regard après — j’espère pour lui — l’avoir bouffé au sens malpropre du terme, quoique ces hyper-latins à peau ocre sont réticents sur la pipe. Ils en sont encore à l’âge de la pierre polie et de la chemise à trou. La dégueulasserie, faut déjà vivre dans des zones tempérées pour la pratiquer. Elle est de tendance nordique. Un Noir, bon, il lime, il lime et puis merde. Y a qu’aux Pyrénées que ça commence, le turlututu et autre zizipanpan. Tout de suite après, versant Lourdais, ça y va à la manœuvre. Et plus tu remontes, plus la fornique se fait inventive, salace en plein, lubrique tout azimut, jusqu’à ce que les grands froids polaires éteignent la gigue. L’Esquimau, par moins quarante, il peut pas se permettre de se faire sucer, malgré son appellation hautement qualificative. Qu’à peine y se détortille la peau de phoque d’autour miss Zézette pour jauger sa gerce enduite d’huile de foie de morue, la verger rapide sur ses banquises avant que son bigoudoche ne gèle et ne se brise entre ses paluches mouflées…

Cette fille archi-brune est dingue de l’archi-blond. Lequel m’ignore délibérément.

— Cette promenade en mer a été formidable, assuré-je, y a rien de meilleur au monde.

Banal, mais je ne suis pas là pour dévisser Hemingway. J’entends seulement, par cette déclaration creuse, relancer l’idée des promenades à bord du Sea Star.

— Ça paraît faire un bien énorme à Abigail, j’ajoute, toujours dans la connerie courante, style Mme Michu chez la boulangère.

— Vous croyez ? dit Dolorosa.

— Sur le bateau, elle paraissait détendue. C’est un truc qui lui réussit. Elle m’a regardé d’une façon presque intelligible…

La Portoricaine saute sur l’occase à pieds joints.

— On pourrait retourner tantôt, après la sieste d’Abigail, ne croyez-vous pas, Sammy ?

Le Sammy qui devait avoir des projets hausse les épaules.

— Il fera du vent tantôt, la météo l’annonce.

— Eh bien, si le vent est trop fort, nous rentrerons. M. Meredith m’a bien recommandé de lui faire faire un maximum de promenades en mer.

Un silence. Le nom de Meredith est venu à propos convaincre le beau Wikinge de mes chères deux qu’il aurait intérêt à remettre son rancard en ville à plus tard.

— O.K., dit-il avec un maximum de sobriété.

On écluse un moka sélectionné spécialement au Brazil pour Fredd Meredith, selon Dolorosa, et puis on grimpe se dodofier un chouilla, chacun dans sa turne. Avant de quitter Abigail, je lui place un petit bécot sur la joue, entouré des mots suivants :

— Les papiers !

Point à la ligne.

J’ai deux plombes pour m’équiper.

Bien entendu, la voilà qui grimpe auprès de son valeureux loup de mer, Dolorosa. Pimpante dans un bermuda jaune et un bustier de même métal. Faut voir ses rondeurs, la façon trémoussante qu’elles ont d’escalader l’échelle verticale !

Ce qu’il y a de rassurant, dans l’existence cafardeuse, pour un mâle digne de cette appellation contrôlée, c’est ça : les belles frangines carrossées Bertone, avec leurs somptueux accessoires bien lubrifiés, leur charme, leur salinguerie. Les ardentes nous sauvent de la vie. Sauf une que j’ai connue, y a de ça un lustre, et qui avait un mort sur la conscience. Note que sa conscience se situait entre ses cuisses délectables. Mimi : une passionnata grand style, dont la folie consistait à se faire minoucher la galaxie. Elle panardait si fort, les cas échéants, qu’elle en perdait le contrôle de son self, la chérie. Et un jour fatal, qu’elle s’opérait un petit assistant de cinoche, un gentil rouquin blafard, elle s’est tant tellement mise à serrer ses cannes pendant qu’il lui délectait le train des équipages qu’elle se l’est étouffé recta, le gars Etienne. En pleine asphyxie, il luttait désespérément, et plus il lui pompait l’air de la chaglatte, plus elle grimpait aux extases, miss Mimi. Et plus elle extasiait, plus elle crispait des cuissots. Le pauvre biquet tentait de retirer sa tronche de l’étau farouche, mais elle avait des jambeaux qui bloquaient pis que des sabots de Denvers. Quand elle a poussé son grand cri sauvage, style Jane lorsque Tarzan la fourre dans les lianes, elle a rouvert son armoire normande, Mimi. Y avait un cadavre à la place de son slip. L’Etienne était clamsé, tout bleu, la menteuse longue de vingt-cinq centimètres. De profundis ! Victime de l’amour. Le héros de la minette ! Mort au chat d’honneur, l’assistant, faute d’assistance précisément. Va-t’en expliquer ça à la police, after.