FAIS-MOI UNE CONCLUSION
Béru, Pinaud, Mathias…
Ils causent! Me gratulent! Me demandent comment est-ce que je vais-je; me racontent comment ils vont, eux! Me montrent la une des grands baveux. La plus effroyable affaire de l’après-guerre. Petiot? Un angelot! Landru? Une dame patronnesse!
Les Manzardin ont passé des aveux complets. La collaboratrice du doc aussi. Seize meurtres de garçonnets! Les greffes du cerveau inabouties. Pas de survie qui dépassât huit jours. Aucune trace de conscience chez les patients.
Le cadavre de la Mahékian retrouvé près des nénuphars, ces plats à barbe aquatiques…
Béru arrive plus à se passer de la pharmacienne. Il la pine seize fois par jour; lui amène des amis dans l’intervalle, en priant ceux-ci de laisser «un petit quelque chose» à la pauvre chère chômeuse. Paraît qu’au plan amoureux, elle fait des progrès à cul de géante.
Moi, je pense à la grande sœur ritale du pauvre petit Jérôme Couchetapiana. Faudra que j’allasse lui dire bonjour quand les toubibs me laisseront sortir de l’hosto où Europe-Insistance m’a rapatrié. Ou bien j’irai bouffer une pizza. Une romaine!
Mathias m’apprend que lui, il a une touche sérieuse avec Yvette Bonatout, la concierge de la rue de Rennes. Paraîtrait qu’elle suce à la perfection, pratique à laquelle Mme Mathias n’a jamais consenti, cette chochotte de mes deux!
Tout est bien. Ça baigne, la vie. Jusqu’à mon nouveau pote Stanislas Gude qui m’a avoué s’être embourbé la fille Barnes pendant que j’allais chasser le grand fauve dans les rues de London!
L’infirmière entre pour virer tout le monde. Paraîtrait que ça suffit comme ça, les visites. J’ai besoin de me refaire une santé.
Une fois mes potes jetés, elle se penche sur mon lit. Eblouissement! Mes deux potes: labourage et pâturage sont bien là, à cru sous sa blouse bâillante. Elle me les déballe en plein pour que je puisse leur pratiquer un petit salut aux couleurs, la gosse! Une brune capiteuse. Du sang espingo, je parierais. Attends que je puisse me remuer et tu verras ce boulot. Ça grincera dans les chaumières!
Quand je lui ai titillé les cabochons du bout de la menteuse, elle rengaine son matériel.
— Il y a une lettre pour vous, commissaire.
Elle va la prendre sur la tablette du radiateur et me la tend. Je reconnais sur la grande enveloppe l’écriture écolière de Toinet.
— Dois-je vous la décacheter?
— S’il vous plaît, oui.
Elle sort deux feuillets qu’elle me présente. Un troisième, de modeste dimension, est agrafé aux deux autres. Je lis:
Mon Tonio,
Je croye que je sus douer pour écrire des flims pornos et je t’envoye ce nario, que je sus certain qu’on pourrait tourner avec un bidule bandant du tonnaire!
Lése-toi bien sogné, sans oubliyer de passé ta main sous la blouze de l’infirmiaire que j’é trouver vachment seksi.
Je t’ambrasse.
Garnement!
Et dire que s’il ne m’avait pas parlé de ce sagouin de Blérot!..
En geignant, je me redresse un peu sur mon oreiller pour prendre connaissance du chef-d’œuvre que me soumet Toinet.
En voici le début:
Sa comanse dans la sale de bin. Toto est dans l’abbé noir. Il a juste la taite de son neu qu’ait sorti. Dessu, il a posé deu mouche qu’il lui a arachet les zailes. Les deux mouch se coure aprè. Toto a une trique come un batton d’agen. A ce moman, sa cousine Zézète rente dan la sale de bin, pou venir chécher sa culote don elle a mit saiché.
Je m’arrête de lire.
A quoi bon aller plus loin? Toinet a compris le système. Il a réuni tous les ingrédients. Il sait l’essentiel.
Mais il ignore encore que la vie n’est pas une valeur sûre!
1
Astuce affligeante sur «parabellum».
2
Se royaumer, expression helvétique signifiant quelque chose comme se goberger, prendre du bon temps.
3
C’est pauvre, mais y a encore trois quatre débiles que ça amuse. Moi, je suis l’auteur qui ne néglige rien et c’est ce qui conforte mon emprise sur le marché du book. Jamais hésiter à se prostituer du moment que tu peux faire jouir un moudu. Là se trouve la vraie charité chrétienne bien ordonnée.
4
Il arrive que mes contemporains chopent le torticolis ou le vertige, parfois les deux, lorsqu’ils la contemplent trop longuement.
San-A.
5
Ancien président de la République française à la fin du siècle dernier.
Larousse
6
En argot «porter le deuil» signifie porter plainte.
7
Sois sans crainte pour mes chevilles, je porte des brodequins montants.
San-A.
8
Soit deux livres, naturellement.
9
Quand je parle des «certaines» dames, c’est par galanterie.
San-A.
10
Comme dirait Bernard.