Выбрать главу

— Alors, donc, poursuis-je, connaissant le penchant du Duc pour le beau sexe, ils mirent l’aguichante Alicia sur son chemin. La sémillante personne joua de ses charmes…

— Je t’en prie, Santonio, j’sus mineure ! sermonne Marie-Marie.

D’un hochement de menton, le Dabe me recommande de ménager et de bien choisir mes expressions.

— Elle entra dans l’intimité du souverain et mit sur pied la promenade en forêt au cours de laquelle Daudeim et Andréano devaient s’emparer de sa personne. Seulement le hasard voulut que ce jour-là, nous organisions l’opération Marie-Marie… et que le Duc fasse faux bond à Alicia. Andréano qui attendait dans son arbre, non loin du souterrain, fut bloqué par la mise en place de mes hommes. Daudeim, quant à lui, resta tapi à son poste parmi les fougères, en ignorant ce qui se passait. Je laisse maintenant la parole à Marie-Marie. Moustique, raconte à monsieur le directeur la façon dont s’est opéré ton enlèvement.

— J’ai horreur que tu m’appelles Moustique, proteste la Chipie. Bon, je suivais donc mon allée tranquillement lorsque tout à coup, j’aperçois quoi t’est-ce que, par terre ? Une pierre précieuse !

— Le truc utilisé par Daudeim pour faire se dérouter les gens, enfants ou prince, qu’il se proposait de kidnapper —, monsieur le directeur.

Marie-Marie flanque un violent coup de règle sur le bureau.

— Quoi, merde, c’est toi z’ou moi qui raconte, Santonio ?

Le Big Boss éclate de rire.

— C’est toi, mon trognon, apaise-t-il. Continue.

— D’ac, mais j’veux pas qu’on m’dise trognon non plus, ça fait connard, tranche la narratrice. J’vous racontais qu’y avait une pierre précieuse dans l’allée : une grosse camériste bleue. Je la ramasse. Bon. V’là que j’en aperçois t’une autre, une rouge, genre rugby si vous verriez ce que je veux dire. Je la ramasse aussi. Et chaque fois que j’emparais une pierre, une nouvelle m’attirait l’œil.

— Le coup du Petit Poucet, dis-je. Daudeim balisait le parcours depuis l’allée jusqu’à l’entrée du souterrain pour que ses victimes s’y dirigeassent d’elles-mêmes. Astucieux, non ?

— Quand t’auras fini ton blabla, je continuerai, Santonio !

Vite, la musaraigne repart.

— J’avais cinq ou six pierres lorsque j’aperçois un trou au beau milieu des fougères. J’approche. Je me penche pour regarder, et à cet instant, un type me saute dessus. Il avait un tampon de…

— De chloroforme, môme !

— Merci, j’aurais trouvé toute seule ! Qu’il me place sur le nez, tant et si bien que je m’évanoise. Quand j’sus revenue à moi, j’étais enfermée dans une pièce sans fenêtre, av’c d’autres mômes. Des garçons qui chialaient après leurs mères, ces mouillettes ! Vu que j’ai passé six semaines à leur remonter le moral ! Un matin, on nous a fait une piqûre. Et vroum ! La grosse ronfle. On s’est réveillé au Canada, dans une grande ferme perdue où que notre entraînement a commencé.

— Quel entraînement ? demande le Boss.

— Pour piloter les petits avions téléguidés. Notez que c’est intéressant comme distraction, on s’est bien fendu la pipe, avec Lulu, Patoche et Glin-glin. C’était moi la meilleure aviateuse.

— Pourquoi diantre ces gens venaient-ils kidnapper des gosses en France ? murmure mon Vénéré Patron.

— Parce que des gosses enlevés au Canada, n’auraient pu y être utilisés sans risque. En outre, si ces rapts avaient été commis là-bas, cela risquait de paralyser la liberté de mouvement de la bande !

— Très juste. Mais revenons à vous, mon cher…

— Déjà ! fulmine Marie-Marie dont la croisière aux Amériques n’a pas arrangé le caractère ; j’ai pas fini de vous raconter ma vie au Canada, moi !

— Attends mon petit chou, après, tu me raconteras… Je t’emmènerai goûter à la Marquise de Sévigné.

— Ah bon, s’épanouit Miss Tresses, enfin un homme qui sait vivre !

— Voyez-vous, attaque le Daron, la question qui étonne surtout est la suivante : pourquoi vous ? Qu’est-ce qui les a amenés à prendre un policier comme cobaye ? C’était jouer avec le feu.

Je contemple le front accordéonne du Vieux. Son regard brillant de curiosité me fait bicher secrètement.

— Vous ne devinez pas, monsieur le directeur ?

Il y a un léger défi dans la voix de votre San-A., mes troublantes. Et il le sent, le vieux bougre ! Il le sait. Ça l’excite. Son prestige est en cause. Il se caresse le menton, puis le crâne. Il fait jouer dans la lumière le camée de sa chevalière.

— J’ai naturellement ma petite idée, sentencieuse-t-il.

— Je peux la connaître, patron ?

— Après vous avoir neutralisé, dans leur maison de la forêt, ces gens se sont aperçus que vous ressembliez à Édouard Moran, non ? Et ils ont essayé d’exploiter cette ressemblance ?

— Non, monsieur le directeur. Je ne suis pas le sosie d’Édouard Moran pour l’excellente raison qu’Édouard Moran est un mythe. Un être fictif, enfanté par l’imagination de Samuel Polsky. Il a créé cet archétype d’homme de main à la suite de nombreux tests ! Il fallait inventer la personnalité à imposer ; la rendre forte en lui constituant un passé, des manies, des particularités. Édouard. Moran c’est le portrait-robot de l’agent secret idéal !

— Magnifique ! s’enthousiasme le Râclé du mamelon. Quel génie dans le mal !

M’aurait étonné qu’il déballe pas quelque vieux cliché, le Souverain Poncif !

Il se calme et reprend :

— Mais alors j’en reviens à ma question initiale : pourquoi vous ?

— À cause de cela, monsieur le directeur.

Je tire une photographie de ma poche. Il s’agit d’une simple coupure de presse. Il chausse son nez de lunettes cerclées d’or, regarde le cliché et murmure :

— C’est vous ?

— Non, monsieur le directeur, c’est le duc Hon la Joy de Bésaubourg !

— Allons donc !

— Médusant, non ?

Ce phénomène de mimétisme les a d’autant mieux arrangés que le duc souffre de troubles mentaux et qu’il n’aurait pas pu subir le traitement au T.C. Délire érotique ! Son gouvernement l’a fait discrètement entrer dans une maison de santé le jour prévu pour son enlèvement, ce qui explique le lapin posé à Alicia par sa Majesté. « On m’a donc confié le double rôle de Moran et de duc Hon la Joy. Pour mon subconscient j’étais Édouard Moran, et pour le congrès, le Duc.

— Faites voir, que j’me rende compte ! déclare Marie-Marie en arrachant la coupure de presse au Défrisé.

Elle mate et s’écrie.

— Hé ! Ho ! Hé ! Charrie-nous pas, Santonio. Si c’est pas toi, c’est ton frangin, ce gus !

— Non, Moustique, je n’ai pas de frère. Et le duc n’en a pas non plus. D’ailleurs il est né alors que la grande-duchesse, sa mère n’espérait plus avoir de descendance. Elle était si désespérée de son absence de progéniture, la pauvre chère femme, qu’elle est venue faire un pèlerinage à sainte Insémine, en Ardèche. Même qu’elle est descendue dans l’hôtel où travaillait papa.

FIN