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« Le 20, jour fixé pour la cérémonie, je demandai que le corps du maréchal enfermé dans trois cercueils fût pesé et le poids se trouva être de dix-sept cents livres. En conséquence je choisis les vingt-quatre dragons les plus robustes pour le porter, les douze premiers devant être relevés par les douze autres alternativement.

« A huit heures du matin, on sortit le corps du temple neuf et on l’exposa sous un portique construit à cet effet à une des portes et disposé en chambre ardente tendue de noir, décorée d'ornements funèbres, dans laquelle brûlaient une multitude de cierges. Une garde de douze dragons du détachement vint disposer le guidon aux pieds du corps ; quatre dragons y restèrent en sentinelle et deux vedettes1 furent posées en avant, le fusil haut placé sur la cuisse et la baïonnette au canon. A midi le corps des officiers se rendit à la parade.

« Un peu avant quatre heures la marche du convoi s'ouvrit par le régiment du Colonel-général-Cavalerie, celui de Jarnac-Dragons suivait à pied ; ensuite les régiments de Salis-Grisons, Royal-Suède, Beauce, le régiment d’artillerie de Grenoble, enfin ceux d’Alsace et Lyonnais. Toutes ces troupes défilèrent devant le corps par pelotons, le fusil sous le bras gauche. Les officiers supérieurs et les drapeaux saluèrent.

« Après la garnison marchait l’université luthérienne et son clergé chantant des cantiques accompagnés d’une musique lugubre et nombreuse ; ensuite venait le deuil en grands manteaux, les cheveux épars conduits par les deux MM. de Loewenhaupt, petits-neveux du maréchal ; M. le comte de Goré, gentilhomme de la princesse Christine de Saxe, portait son cœur ; puis les hérauts d’armes en grand deuil portaient la couronne ducale, le bâton de maréchal de France et l’épée. Suivait le corps porté sur un brancard par douze dragons ; ils étaient ainsi que les officiers du détachement en gants blancs avec des crêpes au bras gauche. Nos casques étaient enveloppés de grands crêpes flottant jusque sur nos épaules. Les quatre coins du poêle étaient portés par le prince Xavier de Saxe, neveu du maréchal, et par les comtes de Vaux, de Waldner et le baron de Wurmser, lieutenants-généraux. Autour du corps marchaient les officiers du régiment ; le détachement sur deux files, le fusil sous le bras gauche, formait escorte.

« M. le maréchal de Contades, commandant de la province, marchait immédiatement après et était suivi de plusieurs officiers généraux et d’une foule d’officiers tant des garnisons voisines que d’anciens qui avaient servi sous le maréchal, parmi lesquels je remarquai le vieux baron Le Fort qui avait été lieutenant-colonel du régiment et qui pleurait comme un enfant à l’enterrement de son père. On y voyait aussi beaucoup d’officiers étrangers, Anglais et Allemands, ayant tous un crêpe au bras.

« Dès la pointe du jour on avait tiré un coup de canon de demi-heure en demi-heure ; pendant la cérémonie on tira trois volées de douze pièces et la garnison fit trois décharges. L’affluence des étrangers et des spectateurs était si grande que le convoi avait peine à passer quoique les troupes formassent la haie. On fait monter le nombre des premiers à près de quinze mille et il eût été bien plus considérable si on n’avait pas fermé les portes de la ville à deux heures après midi.

« Vers les cinq heures, le convoi arrive au temple de Saint-Thomas à la porte duquel étaient placées deux vedettes du détachement. Tout ce temple était tendu de noir, illuminé, orné, en dehors d’un portique et en dedans de décorations funèbres et des armes du maréchal. Le corps ayant été placé sur une estrade devant le mausolée je mis douze dragons tout autour et je déposai le guidon aux pieds ; il faisait une si grande chaleur que cinq dragons se trouvèrent mal ; on les porta dans une sacristie voisine et on les rétablit promptement avec quelques verres de vin.

« Toute la musique réunie de Strasbourg exécuta divers morceaux à une ou plusieurs voix qui furent terminés par un chœur ; ensuite M. Blessig, jeune lévite luthérien, prononça en français l’oraison funèbre dans laquelle il n’oublia pas de faire l’éloge du régiment ; il fut applaudi par un battement de mains général et très long, plus convenable sur un théâtre que dans une église même luthérienne. On descendit ensuite le corps du maréchal dans le caveau qui est sous le mausolée ; il était pour lors sept heures du soir…

« A neuf heures, je me rendis à l’hôtel du prince Max de Deux-Ponts, colonel du régiment d'Alsace, qui m’avait invité et je n’ai jamais vu une orgie (de champagne) pareille ! »

Cette fois tout était dit. Rien ne manquait plus, même le champagne dont Maurice avait été si friand…

Derrière les portes closes du temple Saint-Thomas rendu au silence, à l’obscurité, il paraît cependant vivre encore, sa haute statue de marbre blanc couronnée de lauriers, cuirassée - incroyablement ressemblante ! -, descendant les marches d’une pyramide. Magnifique et altier, le maréchal semble attendre que revienne sur lui le soleil annoncé par la plus belle aurore…

Saint-Mandé, le 14 février 2007

REMERCIEMENTS

Je tiens à dire un grand merci à mon éditeur, Xavier de BARTILLAT, et à son assistante, Judith BECQUERIAUX, qui se sont efforcés de boucher les trous infligés à ma documentation par l’incendie de ma bibliothèque.

A mon ami Vincent MEYLAN qui constitue à lui tout seul une véritable mine de renseignements sur les familles royales présentes ou passées ainsi que sur les joyaux de toutes les couronnes.

Merci, aussi, aux historiens dont les ouvrages m’ont servi de base.

Le duc de CASTRIES pour Maurice de Saxe

Jean-Pierre BOIS pour Maurice de Saxe

Jacques CASTELNAU pour Le Maréchal de Saxe

Charles-Armand KLEIN pour Chambord, écrin des folies du maréchal de Saxe

André CASTELOT pour Les Grandes Heures des châteaux et cités de la Loire

Paul MORAND pour Ci-gît Sophie-Dorothée de Celle

Evelyne LEVER pour Madame de Pompadour

Jean-Christian PETITFILS pour Le Régent

Philippe ERLANGER pour Le Régent

Henri TROYAT pour Terribles tsarines

Pierre GAXOTTE pour Le Siècle de Louis XV

Alfred FIERRO et Jean-Yves SARRAZIN pour Le Paris des Lumières d’après le plan de Turgot.

La ville de Quedlinburg qui a bien voulu envoyer des photographies.

Enfin, un étonnant écrivain :

Le baron Adrien de TRICORNOT, lieutenant-colonel de Schomberg-Dragons, dont les Mémoires à peu près inconnus, parce que tirés à quelques rares exemplaires pour la famille, m’ont permis d’offrir à mes lecteurs un pittoresque « reportage » sur le transfert des cendres du maréchal de Saxe, et font de leur auteur l’incontestable ancêtre des guides touristiques. Il pousse même le souci jusqu’à indiquer les distances entre ses différents points de passage tout au long de ses Mémoires.

Notes

CHAPITRE I

1- Voir tome I : Aurore.

2- Henri Ier l'Oiseleur.

3- Voir tome I : Aurore.

4- Environ soixante mètres.

CHAPITRE II

1- Château familial des Koenigsmark près de Stade.

2- Il n’était pas exceptionnel que la Diète polonaise élise un étranger. Cela avait été le cas du duc d’Anjou, futur Henri III, qui s’était hâté de rentrer en France à la mort de son frère, abandonnant la couronne polonaise. Il y avait eu aussi Etienne Bathory, un Hongrois, sans compter des Suédois.