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— Non, je ne le savais pas », dit Hodges.

Sur son carnet, il écrit : STOVER ENVISAGEAIT COURS COMPTABILITÉ EN LIGNE, puis il le tourne vers Holly pour qu’elle puisse lire. Elle hausse les sourcils.

« Bien sûr, il y avait des larmes et de la tristesse de temps à autre, mais dans l’ensemble elles étaient heureuses. Du moins… je ne sais pas…

– À quoi pensez-vous, Nancy ? »

Il l’appelle par son prénom — une autre vieille technique de flic — sans même s’en rendre compte.

« Oh, c’est sûrement rien. Marty semblait aussi heureuse que d’habitude — c’est une vraie boule d’amour, celle-ci, et tellement de spiritualité, vous ne le croiriez pas, elle voit toujours le bon côté de tout — mais Jan avait l’air un peu absente, ces jours-ci, comme si quelque chose la tracassait. Je me disais que c’était peut-être des soucis d’argent, ou bien simplement le cafard d’après Noël. Je n’aurais jamais imaginé… » Elle renifle. « Excusez-moi, il faut que je me mouche.

— Bien sûr. »

Holly s’empare de son carnet. Son écriture est petite — constipée, comme il le pense souvent — et il doit presque coller son nez à son carnet pour arriver à lire : demande-lui pour le Zappit !

Alderson fait un bruit de trompette alors qu’elle se mouche dans son oreille.

« Désolée.

— Ce n’est rien. Nancy, sauriez-vous si par hasard Mme Ellerton possédait une petite console de jeu portable ? Une rose ?

— Bonté divine, comment savez-vous cela ?

— Je ne sais pas grand-chose, à vrai dire, dit Hodges avec sincérité. Je ne suis qu’un inspecteur retraité avec une liste de questions à vous poser.

— Elle a dit qu’un homme la lui avait donnée. Il lui avait assuré que le gadget était gratuit tant qu’elle promettait de remplir un questionnaire et de le renvoyer à la compagnie. C’était à peine plus grand qu’un livre de poche. Ça a traîné dans la maison pendant un moment…

— Quand était-ce ?

— Je ne me rappelle pas exactement mais avant Noël, ça c’est certain. La première fois que je l’ai vu, il était sur la table basse du salon. Il est resté là avec le questionnaire plié à côté jusqu’après Noël — je m’en souviens car il n’y avait déjà plus leur petit sapin. Et puis un jour, je l’ai aperçu sur la table de la cuisine. Jan disait qu’elle l’avait allumé par curiosité et qu’elle avait découvert tout un tas de jeux de solitaire dessus, une douzaine peut-être, du genre Klondike, Picture et Pyramid. Et comme elle s’est mise à l’utiliser, elle a rempli le questionnaire et l’a renvoyé.

— Le chargeait-elle dans la salle de bains de Marty ?

— Oui, c’était le plus pratique. Elle était très souvent dans cette partie de la maison, vous savez.

— Mmh-mmh. Vous disiez que Mme Ellerton était devenue absente… ?

— Un peu absente, corrige aussitôt Alderson. Elle était le plus souvent égale à elle-même. Très affectueuse, comme Marty.

— Mais quelque chose la tracassait.

— Oui, je pense.

— La tourmentait.

— Eh bien…

— Cela correspond-il à peu près à l’époque où elle a reçu cette console de jeux ?

— Je suppose que oui, maintenant que vous me le dites, mais pourquoi diable jouer au solitaire sur une petite tablette rose l’aurait-il déprimée ?

— Je ne sais pas », dit Hodges, et il écrit DÉPRIMÉE sur son carnet.

Il trouve qu’il y a une différence significative entre être absent et être déprimé.

« La famille a-t-elle été prévenue ? demande Alderson. Elles n’avaient pas de proches en ville mais je sais qu’elles avaient des cousins dans l’Ohio, et dans le Kansas aussi, je crois. Vous devriez trouver leurs noms dans le carnet d’adresses de Jan.

— La police doit s’en charger à l’heure où je vous parle », dit Hodges, mais il appellera Pete plus tard pour s’en assurer. Ça agacera sûrement son ancien coéquipier mais Hodges s’en fiche. Il perçoit de la détresse dans chaque mot que prononce Nancy Alderson et il veut la réconforter du mieux qu’il peut. « Puis-je vous poser une dernière question ?

— Oui, bien sûr.

— Auriez-vous aperçu quelqu’un en train de traîner autour de la maison, par hasard ? Quelqu’un qui n’aurait pas eu de raison particulière de se trouver là ? »

Holly hoche vigoureusement la tête.

« Pourquoi me demandez-vous cela ? » Alderson semble étonnée. « Vous ne pensez quand même pas qu’un intrus…  ?

— Je ne pense rien, répond doucement Hodges. J’aide seulement la police à cause des réductions d’effectifs de ces dernières années dans notre ville. Grosses coupes budgétaires.

— Je sais, c’est terrible.

— On m’a remis une liste de questions et ce sera la dernière.

— Eh bien, je n’ai vu personne. Je l’aurais remarqué s’il y avait eu quelqu’un, à cause du passage couvert entre la maison et le garage. Le garage est chauffé, donc c’est là qu’il y a le cellier et la buanderie. Je suis constamment en train de faire des va-et-vient et je peux voir la rue depuis le passage. Il n’y a pratiquement personne qui monte jusque-là, parce que la maison de Jan et Marty est la dernière au bout de Hilltop Court. Après, c’est rien que le cul-de-sac. Bien sûr, il y a le facteur et UPS, et parfois FedEx, mais à part ça, sauf si quelqu’un se perd, nous avons le bout de la rue pour nous.

— Donc vous n’avez vu absolument personne ?

— Non, monsieur, personne du tout.

— Pas même l’homme qui a donné la console à Mme Ellerton ?

— Non, il l’a abordée à Ridgeline Foods. C’est l’épicerie qu’il y a en bas de la colline, au croisement de City Avenue et de Hilltop Court. Il y a un Kroger environ un kilomètre plus loin, dans le centre commercial de City Avenue, mais Janice ne voulait pas y aller, même si c’est un peu moins cher. Elle disait qu’on devrait toujours acheter local si… si… » Elle lâche brusquement un gros sanglot. « Mais peu importe, n’est-ce pas, elle n’ira plus jamais faire les courses, à présent ! Oh, je ne peux pas le croire ! Jan n’aurait jamais fait de mal à Marty, pour rien au monde !

— C’est très triste, dit Hodges.

— Je vais devoir rentrer aujourd’hui. » Nancy Alderson se parle maintenant à elle-même plus qu’elle ne parle à Hodges. « Il se peut que leurs proches mettent du temps à arriver, et il faut bien que quelqu’un s’occupe de prendre les dispositions nécessaires. »

Dernier devoir d’une femme de ménage, se dit Hodges, et il trouve cette pensée à la fois touchante et horriblement sinistre.

« Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé, Nancy. Je vais vous laisser et…

— Bien sûr, il y avait ce vieux monsieur, là, dit Alderson.

— Quel vieux monsieur ?

— Je l’ai vu plusieurs fois devant le 1588. Il se garait le long du trottoir et il restait là, debout, à regarder la maison. Celle qui se trouve de l’autre côté de la rue, un peu plus bas. Vous n’avez peut-être pas remarqué mais elle est à vendre. »

Hodges avait remarqué, oui, mais il ne dit rien. Il ne veut pas l’interrompre.

« Une fois, il a traversé la pelouse pour aller regarder par la baie vitrée — c’était avant la dernière grosse tempête. Il voulait peut-être acheter. » Elle lâche un petit rire mouillé. « L’espoir fait vivre, comme disait ma mère. Parce qu’il n’avait pas du tout l’air du genre de bonhomme qui peut s’offrir une maison pareille.