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— D’accord, dit Holly, même si ça la terrifie. Je le ferai. » Une idée lui traverse l’esprit et elle s’illumine. « Tu devrais parler au garçon qui t’a sauvée.

— Je sais pas comment le trouver.

— Bill t’aidera, dit Holly. Parle-moi du jeu, maintenant.

— Il est cassé. La camionnette a roulé dessus, j’ai vu les morceaux, et c’est tant mieux. À chaque fois que je ferme les yeux, je vois ces poissons, surtout les roses avec les numéros, et j’entends la petite chanson. »

Une infirmière entre en poussant un chariot de médicaments. Elle interroge Barbara sur son niveau de douleur. Holly se sent honteuse de ne pas avoir pensé à le lui demander, et ce dès son arrivée. Ce qu’elle peut être nulle et maladroite, des fois.

« Je sais pas, dit Barbara. Cinq, peut-être. »

L’infirmière ouvre un boîtier à pilules en plastique et tend un petit gobelet en carton à Barbara. Il y a deux cachets blancs dedans.

« Ces comprimés sont spécialement conçus pour les douleurs de niveau cinq. Tu dormiras comme un bébé. Du moins jusqu’à ce que je vienne contrôler tes pupilles. »

Barbara avale les cachets avec une gorgée d’eau. L’infirmière dit à Holly qu’elle ne devrait pas trop tarder pour laisser « notre petite » se reposer un peu.

« Entendu », dit Holly et, quand l’infirmière est partie, elle se penche plus près de Barbara, le visage attentif et le regard brillant. « Le jeu. Comment te l’es-tu procuré, Barb ?

— C’est quelqu’un qui me l’a donné, un homme. C’était au centre commercial de Birch Hill, avec Hilda Carver.

— Quand était-ce ?

— Juste avant Noël. Je m’en souviens parce que j’avais encore rien trouvé pour Jerome et que je commençais à m’inquiéter. J’avais repéré un super blazer Banana Republic mais il était super cher aussi et puis de toute façon, Jerome va être sur les chantiers jusqu’en mai. Pas vraiment besoin d’un blazer sur un chantier, pas vrai ?

— J’imagine que non.

— Bref, il nous a abordées pendant qu’on mangeait. On n’est pas censées parler à des inconnus mais on est plus des gamines, en plus c’était au centre commercial, y avait des gens partout. Et puis il avait l’air sympa. »

Les pires ont souvent l’air sympa, pense Holly.

« Il avait un costard qu’avait dû coûter supra-méga cher et il avait une mallette. Il nous a dit qu’il s’appelait Myron Zakim et qu’il travaillait pour la compagnie Sunrise Solutions. Il nous a donné sa carte. Il nous a montré quelques Zappit — sa mallette en était remplie — et nous a dit qu’on pouvait en avoir un gratuit si on remplissait un questionnaire et qu’on le renvoyait. L’adresse était sur le questionnaire. Sur sa carte aussi.

— Est-ce que par hasard tu te souviens de cette adresse ?

— Non. Et j’ai jeté la carte. Mais bon, c’était qu’un numéro de boîte postale.

– À New York ? »

Barbara réfléchit.

« Non. Ici, en ville.

— Donc vous avez pris un Zappit chacune ?

— Oui. J’en ai pas parlé à maman parce qu’elle m’aurait fait la morale. J’ai rempli le questionnaire aussi, et je l’ai renvoyé. Pas Hilda parce que le sien ne marchait pas. Il y a eu un flash bleu et puis il est mort. Alors elle l’a jeté. Je me rappelle qu’elle a dit que c’était tout ce qu’on pouvait attendre d’un truc gratuit. » Barbara glousse. « On aurait dit sa mère.

— Mais le tien a marché.

— Oui. Il faisait un peu passé de mode mais il était plutôt… tu sais, plutôt fun, dans le genre un peu kitsch. Au début. J’aurais préféré qu’il soit détraqué, j’aurais jamais entendu la voix. » Ses paupières tombent puis se rouvrent lentement. « Waouh ! On dirait bien que je suis en train de m’endormir…

— Ne t’endors pas tout de suite. Peux-tu me décrire cet homme ?

— Un blanc aux cheveux blancs. Il était vieux.

— Vieux vieux ou juste un peu vieux ? »

Les yeux de Barbara deviennent vitreux.

« Plus vieux que papa, pas aussi vieux que grand-pa.

— Soixante ? Soixante-cinq ?

— Ouais, un truc comme ça. L’âge de Bill à peu près. » D’un coup, Barbara ouvre grands les yeux. « Oh, tu sais quoi ? Je me rappelle quelque chose. J’avais trouvé ça un peu bizarre et Hilda aussi.

— Quoi donc ?

— Il a dit qu’il s’appelait Myron Zakim et c’est ce qu’y avait marqué sur sa carte mais y avait des initiales différentes sur sa mallette.

— Tu te rappelles lesquelles ?

— Non… désolée… »

Pour s’endormir, elle s’endort.

« Est-ce que tu pourras y réfléchir dès que tu te réveilleras, Barb ? Tu auras les idées plus claires, et c’est peut-être important.

— OK…

— Si seulement Hilda n’avait pas jeté le sien », dit Holly.

Elle n’obtient pas de réponse et n’en attend pas, elle se parle souvent à elle-même. La respiration de Barbara est lente et profonde. Holly commence à reboutonner son manteau.

« Dinah en a un, dit Barbara d’une voix lointaine et endormie. Le sien marche. Elle joue à Crossy Road dessus… et à Plantes contre zombies… et aussi, elle a téléchargé toute la trilogie de Divergente, mais elle dit qu’elle l’a reçue tout en désordre. »

Holly interrompt son geste. Elle connaît Dinah Scott, elle l’a vue plusieurs fois chez les Robinson jouer à des jeux de société ou regarder la télé, rester souvent pour dîner. Et saliver devant Jerome, comme toutes les copines de Barbara.

« Est-ce que c’est le même homme qui le lui a donné ? »

Barbara ne répond pas. Se mordillant les lèvres, ne voulant pas la presser mais n’ayant pas d’autre choix, Holly la secoue par l’épaule et demande à nouveau.

« Non, répond Barbara de cette même voix lointaine. Elle l’a acheté sur le site.

— Quel site, Barbara ? »

Sa réponse est un ronflement. Barbara n’est plus là.

25

Holly sait que les Robinson l’attendront dans le hall d’entrée, alors elle se dépêche d’entrer dans la boutique de cadeaux, s’embusque derrière un rayon d’ours en peluche (Holly est la reine de l’embuscade) et appelle Bill. Elle lui demande s’il connaît Dinah Scott, l’amie de Barbara.

« Bien sûr, dit-il. Je connais la plupart de ses amies. Celles qui viennent chez elle, en tout cas. Toi aussi.

— Je pense que tu devrais aller la voir.

— Tu veux dire ce soir ?

— Je veux dire tout de suite. Elle a un Zappit. » Holly prend une profonde inspiration. « Ils sont dangereux. »

Elle ne peut pas encore se résoudre à dire ce qu’elle commence à croire : qu’ils sont des machines à suicide.

26

Dans la Chambre 217, les aides-soignants Norm Richard et Kelly Pelham soulèvent Brady et le remettent au lit sous la supervision de Mavis Rainier. Norm ramasse le Zappit et regarde le ballet des poissons sur l’écran.

« Il pourrait pas juste nous faire une pneumonie et mourir, comme tous les autres légumes ? demande Kelly.

— Celui-là est trop têtu pour mourir », dit Mavis, puis elle remarque Norm fixant les poissons sur l’écran.

Il a les yeux grands ouverts et la bouche béante.