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Et tourne, tourne la flasque en argent. GH & FL, 4Ever. Sauf que rien ne dure 4Ever.

La sonnette de l’entrée retentit et elle sursaute. Elle ramasse la flasque — son seul souvenir du glorieux temps de Gloria — et va répondre à l’interphone. Elle réfrène son envie de lui ressortir son accent d’espion russe. Qu’il se fasse appeler Dr Babineau ou Dr Z, ce type est un peu effrayant. Pas autant qu’un dealer de crystal meth du Paradis des Pedzouilles, mais effrayant quand même. Mieux vaut la jouer direct et malin, et prier Dieu pour pas se retrouver dans trop d’embrouilles si tout le truc lui pète à la gueule.

« Est-ce le célèbre Dr Z ?

— Bien sûr que c’est lui.

— Vous êtes en retard.

— Compromettrais-je d’autres rendez-vous importants, Freddi ? »

Non, rien d’important. Elle n’a aucun rendez-vous et rien de ce qu’elle fait n’est particulièrement important, ces temps-ci.

« Vous avez apporté l’argent ?

— Naturellement. »

Ton impatient. Le vieux mec qui l’avait entraînée dans toute cette histoire dingue avait le même ton de voix impatient. Lui et le Dr Z ne se ressemblent pas du tout, mais ils ont la même façon de parler, à se demander s’ils ne sont pas frères. Mais ils parlent aussi comme quelqu’un d’autre. L’ancien collègue avec qui elle bossait. Celui qui, au final, s’était révélé être Mr Mercedes.

Freddi n’a pas envie de penser à ça, pas plus qu’elle n’a envie de penser à tous les craquages informatiques qu’elle a effectués pour le compte de Dr Z. Elle enfonce le bouton près de l’interphone.

En allant l’attendre à la porte, elle avale une goutte de whisky pour se donner du courage, glisse la flasque dans la poche de poitrine de sa deuxième chemise puis attrape ses dragées à la menthe dans la poche du T-shirt en dessous. Elle imagine que Dr Z n’en aura rien à cirer si son haleine empeste le whisky, mais quand elle bossait chez Discount Electronix, elle avait l’habitude de sucer une dragée après chaque rasade, et les vieilles habitudes ont la vie dure. Elle sort ses Marlboro de la poche de sa chemise du dessus et en allume une. Ça masquera un peu plus l’odeur d’alcool, et la calmera aussi un peu plus, et si ça lui plaît pas d’être fumeur passif, qu’il aille se faire voir.

« Ce type t’a installée dans un chouette appart’ et t’a filé près de trente mille dollars en dix-huit mois, avait dit Gloria. Tout ça pour faire des trucs que n’importe quelle hackeuse qui touche un peu pourrait faire dans son sommeil, c’est toi-même qui l’as dit. Alors pourquoi toi ? Et pourquoi autant ? »

Encore des trucs auxquels Freddi n’a pas envie de penser.

Tout ça a commencé avec la photo de Brady et sa mère. Elle était tombée dessus dans le débarras de Discount Electronix, à l’époque où le personnel venait d’apprendre que la boîte allait fermer. Leur boss, Anthony « Tones » Frobisher, devait l’avoir trouvée dans le casier de Brady et bazardée là quand la nouvelle était tombée que Brady était l’infâme Tueur à la Mercedes. Freddi ne portait pas Brady dans son cœur (même s’ils avaient eu quelques discussions sympas, tous les deux, sur l’identité de genre). C’était sur une impulsion qu’elle avait emballé la photo et l’avait apportée à l’hôpital. Et puis la curiosité avait fait le reste et motivé ses quelques visites suivantes. Plus la petite fierté que lui avait causée la réaction de Brady en la voyant. Il avait souri.

« Il réagit à votre présence, lui avait dit l’infirmière-chef — Scapelli — après une de ses visites. C’est très inhabituel. »

Le temps que Scapelli remplace Becky Helmington, Freddi avait déjà compris que le mystérieux Dr Z qui avait pris le relais pour la renflouer en cash était en réalité le Dr Felix Babineau. À ça non plus, elle préférait ne pas penser. Ni aux cartons qui avaient commencé à arriver de Terre Haute, dans l’Indiana, livrés par UPS. Elle était devenue une experte en non-pensée, parce qu’une fois qu’on commençait, certaines connexions devenaient évidentes. Et tout ça à cause de cette maudite photo. Freddi regrette maintenant de ne pas avoir résisté à son impulsion, mais sa mère avait un dicton : Trop tard arrive toujours trop tôt.

Elle entend le bruit de ses pas dans le couloir. Ouvre la porte avant qu’il ait le temps de sonner. Et la question sort de sa bouche avant qu’elle ait su qu’elle allait la poser :

« Dites-moi la vérité, docteur Z… est-ce que vous êtes Brady ? »

4

Hodges a à peine passé la porte et pas fini de retirer son manteau que son portable sonne.

« Hé, Holly.

– Ça va, Bill ? »

Il voit déjà arriver tous ses appels commençant par cette sempiternelle question. Bon, ça vaut mieux que Crève, charogne.

« Ouaip, ça va.

— Encore un jour et tu attaques ton traitement. Et une fois que tu l’auras commencé, tu l’arrêteras plus. Tu feras tout ce que le docteur te dira.

— Arrête de t’inquiéter. Une promesse est une promesse.

— J’arrêterai de m’inquiéter quand tu seras guéri du cancer. »

Non, Holly, se dit-il, et il ferme les yeux pour lutter contre la brûlure inattendue des larmes. Non, non, non.

« Jerome arrive ce soir. Il a appelé de l’avion pour demander des nouvelles de Barbara et je lui ai raconté tout ce qu’elle m’a dit. Il atterrit à vingt-trois heures. C’est bien qu’il soit parti aussitôt, parce qu’ils annoncent une tempête. Et une mauvaise. J’ai proposé de lui réserver une voiture comme je fais pour toi quand tu pars en déplacement, c’est facile maintenant avec le compte de l’agence…

— Qu’on n’aurait pas si tu ne m’avais pas harcelé jusqu’à ce que je cède, je sais, crois-moi, j’ai pas oublié.

— Mais il n’avait pas besoin de voiture. Son père va le chercher à l’aéroport. Ils iront voir Barbara demain matin à huit heures et la ramèneront à la maison si le médecin donne son feu vert. Jerome dit qu’il peut être au bureau à dix heures, si ça nous convient.

– Ça me paraît bien », dit Hodges en s’essuyant les yeux. Il ne sait pas quelle aide pourra leur apporter Jerome mais il sait que ça sera super chouette de le revoir. « Je pense que tout ce qu’il apprendra d’elle concernant ce foutu gadget…

— … c’est ce que je lui ai demandé de faire. Tu as récupéré celui de Dinah ?

— Oui, et je l’ai essayé. Il y a un truc avec la démo de Fishin’ Hole, c’est sûr. Ça t’endort si tu la regardes trop longtemps. Purement accidentel, à mon avis, et je ne vois pas comment ça pourrait affecter la majorité des gosses parce qu’ils auront qu’une envie : aller directement au jeu. »

Il lui raconte tout ce qu’il a appris de Dinah, et Holly observe :

« Donc Dinah n’a pas obtenu son Zappit de la même manière que Barbara et Mme Ellerton.

— Non.

— Et n’oublie pas Hilda Carver. Le dénommé Myron Zakim lui en a donné un aussi. Sauf que le sien ne marchait pas. Barb a dit qu’il a juste lancé un éclair bleu et qu’il est mort. Est-ce que tu as vu des éclairs bleus ?