Выбрать главу

Freddi se contente de le regarder à travers son voile de fumée.

« Même si nous démantelons le site… eux, que vont-ils devenir ? Quand cette voix commencera à leur dire qu’ils sont comme de la merde de chien collée sous la godasse du monde et que la seule solution c’est de se foutre en l’air ? »

Avant qu’elle puisse répondre, Hodges le fait pour elle :

« Il faut qu’on fasse taire cette voix. C’est-à-dire le faire taire lui. Allez viens, Jerome. On rentre au bureau.

— Et moi alors ? demande Freddi d’un ton plaintif.

— Vous venez. Et… dites-moi, Freddi ?

— Quoi ?

— Le cannabis, c’est efficace contre la douleur, non ?

— Les opinions varient sur le sujet, comme vous devez vous en douter. L’ordre établi étant ce qu’il est, dans ce pays détraqué, tout ce que je peux vous dire c’est que pour moi, ça facilite grandement la période du mois la moins facile.

— Alors, emportez-le, dit Hodges. Et n’oubliez pas le papier à rouler. »

19

Ils retournent au siège de Finders Keepers dans la Jeep de Jerome. Comme l’arrière est rempli de son bazar, Freddi doit s’asseoir sur les genoux de quelqu’un, et il n’est pas question que ce quelqu’un soit Hodges. Pas dans son état de santé actuel. Il prend donc le volant et Jerome prend Freddi sur ses genoux.

« Waouh, c’est un peu comme décrocher un rencart avec John Shaft, dit Freddi avec un petit sourire moqueur. Le grand détective privé que toutes les filles voient comme une bête de sexe.

— Rêve pas trop », conseille Jerome.

Le portable de Holly sonne. C’est un gars du nom de Trevor Jeppson de la Brigade d’Informatique Légale. Holly parle bientôt dans un jargon que Hodges ne comprend pas — il est question de bots et de darknet. Ce que le gars lui raconte en retour semble la ravir, parce que lorsqu’elle raccroche, elle sourit.

« Il n’a jamais lancé d’attaque DoS sur un site web de toute sa vie. On dirait un gosse le matin de Noël !

– Ça va prendre longtemps ?

— En ayant déjà le mot de passe et l’adresse IP ? Non, pas très longtemps. »

Hodges se gare sur l’un des emplacements Trente Minutes Gratuites devant le Turner Building. Ils ne vont pas y rester très longtemps — si la chance lui sourit, cela dit — et compte tenu de la malchance qui le poursuit depuis peu, il estime que l’univers lui doit bien ça.

Il va dans son bureau, ferme la porte et écume son vieux carnet d’adresses en lambeaux pour retrouver le numéro de Becky Helmington. Holly lui a proposé d’importer son carnet d’adresses dans son téléphone mais Hodges n’a pas cessé de remettre ça à plus tard. Il aime bien son vieux carnet. N’aura sans doute plus le loisir de faire le transfert maintenant, se dit-il. Dernière enquête de Trent et tout ça.

Becky lui rappelle qu’elle ne travaille plus au Bocal.

« Vous l’aviez peut-être oublié ?

— Non, j’ai pas oublié. Vous êtes au courant pour Babineau ? »

Elle baisse la voix :

« Mon Dieu, oui. J’ai entendu dire que Al Brooks — Bibli Al — avait assassiné la femme de Babineau et qu’il pourrait avoir assassiné Babineau aussi. J’ai du mal à le croire. »

Je pourrais vous raconter beaucoup de choses que vous auriez du mal à croire, se dit Hodges.

« Ne mettez pas encore Babineau hors course, Becky. Je pense qu’il est peut-être en fuite. Il administrait des drogues expérimentales à Brady Hartsfield, lesquelles ont pu jouer un rôle dans son décès.

— Non ! Sérieusement ?

— Sérieusement. Mais il ne peut pas être allé bien loin, pas avec la tempête qui menace. Vous avez une idée d’un endroit où il aurait pu se réfugier ? Babineau possède-t-il une résidence secondaire ou quelque chose comme ça ? »

Elle n’a pas besoin de réfléchir pour répondre.

« Pas une résidence secondaire, non, mais un camp de chasse. Et il n’est pas qu’à lui. Quatre ou cinq toubibs se le partagent. » Sa voix reprend le ton de la confidence : « Je me suis laissé dire qu’ils font plus que chasser là-bas. Si vous voyez ce que je veux dire.

— Et c’est où ce là-bas  ?

— Lac Charles. Le camp a un nom branché assez horrible. J’arrive pas à me rappeler, là tout de suite, mais je parie que Violet Tranh saura. Elle y a passé tout un week-end une fois. Elle m’a dit que c’était les quarante-huit heures les plus alcoolisées de sa vie et elle est revenue avec une chlamydia.

— Vous voulez bien l’appeler ?

— Bien sûr. Mais s’il est en fuite, il a pu prendre un avion, vous savez. Pour la Californie ou même l’étranger. Les aéroports tournaient encore ce matin.

— Je pense pas qu’il aurait osé l’aéroport avec la police à ses trousses. Merci, Becky. Rappelez-moi. »

Il se dirige vers le coffre-fort et tape la combinaison. La chaussette remplie de billes d’acier — son Happy Slapper — est chez lui, mais ses deux revolvers sont là. Le Glock .40 qui était son arme de service et le .38 modèle Victory qui était celui de son père. Il prend un sac de toile sur l’étagère supérieure du coffre, y range les deux armes et quatre boîtes de munitions, puis tire d’un coup sec sur le cordon de serrage.

Cette fois, pas de crise cardiaque pour m’arrêter, Brady, pense-t-il. Cette fois, c’est juste le cancer, et je peux vivre avec.

La formule l’amuse et il rit. Ça fait mal.

De l’autre pièce lui parviennent les applaudissements de trois personnes. Hodges est quasi sûr de savoir ce que ça veut dire, et il ne se trompe pas. Le message sur l’ordinateur de Holly indique : Z-END RENCONTRE DES PROBLÈMES TECHNIQUES. Et en-dessous : APPELEZ 1-800-273-TALK.

« C’est l’idée de ce gars, Jeppson, dit Holly sans lever les yeux de ce qui l’occupe. C’est le numéro national de prévention contre le suicide des jeunes.

— Impeccable, dit Hodges. Et ceux-là aussi sont impeccables. Tu es une femme aux multiples talents. »

Une ribambelle de joints sont alignés devant Holly. Avec celui qu’elle rajoute, elle atteint pile la douzaine.

« Elle est rapide, commente Freddi avec admiration. Et regardez comme ils sont réguliers. Comme faits à la machine. »

Holly lance un regard plein de défi à Hodges.

« Ma thérapeute dit qu’une cigarette de marijuana de temps en temps, c’est très bien. Du moment que je n’en abuse pas. Comme certaines personnes. » Ses yeux dévient vers Freddi, puis reviennent sur Hodges. « En plus, ceux-là ne sont pas pour moi. Ils sont pour toi, Bill. Si tu en as besoin. »

Hodges la remercie et a une seconde pour s’émerveiller du chemin qu’ils ont parcouru tous les deux et combien le voyage a été agréable. Trop court cependant. Beaucoup trop court. Puis son téléphone sonne. C’est Becky.

« L’endroit s’appelle Têtes et Peaux. Je vous l’avais dit : un nom branché horrible. Violet ne se souvient pas comment on y arrive — j’imagine qu’elle avait bu quelques coups en route, histoire de se mettre en jambes — mais elle se rappelle qu’ils ont pris l’autoroute vers le nord et qu’ils se sont arrêtés prendre de l’essence juste après la sortie, une station appelée Garage Thurston. Ça vous est utile ?

— Oui, énormément. Merci, Becky. » Il coupe la communication. « Holly, j’ai besoin que tu me trouves le Garage Thurston, en montant vers le nord. Puis je veux que tu appelles Hertz à l’aéroport et que tu réserves le plus gros 4 × 4 qu’il leur reste. On part en excursion.