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— Allô, dit-il. Je voudrais parler à l’inspecteur Helmut Drescher, s’il vous plaît.

— Nous n’avons aucun inspecteur de ce nom ici, répondit le policier de permanence.

— Il est peut-être répertorié chez vous sous un autre grade. Moins élevé.

— Nous n’avons personne avec ce nom, quel que soit le grade, répondit l’autre avec une placidité tout helvétique.

Théo réfléchit une seconde.

— Vous auriez un annuaire des autres départements de police en Suisse ? Il y a moyen de vérifier ?

— Je n’ai rien de tel sous la main. Il faudrait que je fasse quelques recherches.

— Ce serait vraiment très aimable de votre part…

— C’est à propos de quoi, au fait ?

Théo décida que l’honnêteté, au moins partielle, était la meilleure solution.

— Il enquête sur un homicide et j’ai des renseignements à lui transmettre.

— D’accord. Je vais faire des recherches. Comment puis-je vous contacter ?

Théo laissa son nom et son numéro de téléphone, remercia l’officier et raccrocha. Après un moment, il décida de tenter une approche plus directe et tapa le nom de Drescher dans l’annuaire Internet.

Bingo. Il n’y avait qu’un seul Helmut Drescher à Genève. Il habitait rue Jean-Dassier.

Théo composa son numéro.

Chapitre 8

FLASH INFOS

En Pologne, des employés d’hôpital en grève ont voté à l’unanimité leur retour au travail. « Nos revendications sont justes et nous entreprendrons d’autres actions, mais pour l’heure notre devoir envers l’humanité prévaut », a dit le dirigeant syndical Stefan Wyszynski.

* * *

Cineplex/Odeon, un grand réseau de salles de cinéma, a annoncé la distribution de places gratuites pour tous les clients qui regardaient un film quand le Flashforward s’est produit. Apparemment, les films ont continué à se dérouler pendant que le public perdait connaissance, ce qui a occulté pour tous environ deux minutes de l’action. On s’attend que d’autres chaînes de salles de cinéma suivent cet exemple.

* * *

Après le dépôt d’un nombre record de brevets durant ces dernières vingt-quatre heures, l’Institut américain de la propriété industrielle a fermé ses bureaux jusqu’à une date indéterminée, en attendant une décision du Congrès concernant de possibles piratages d’inventions lors des visions.

* * *

Le Comité d’études scientifiques des prétendus phénomènes paranormaux a publié un communiqué de presse pour souligner qu’il n’y a aucune raison d’invoquer des causes paranormales au Flashforward, malgré le manque d’explications pour ce phénomène.

* * *

Les Mutuelles européennes, la plus importante société d’assurances de l’Union européenne, se sont déclarées en faillite.

L’heure était venue, et plus tôt qu’ils l’avaient pensé. Le choc éprouvé la veille avait déclenché le travail de Marie-Claire Béranger. Gaston conduisit son épouse à l’hôpital. Ils habitaient à Genève, mais il était important d’un point de vue émotionnel pour tous les deux que leur fils naisse sur le sol français.

En sa qualité de directeur général du CERN, Gaston touchait un salaire confortable et Marie-Claire, avocate, gagnait bien sa vie, elle aussi. Néanmoins, il était rassurant de savoir que sans considération de leurs revenus, Marie-Claire aurait de toute façon eu toute l’attention médicale nécessaire pendant sa grossesse. Gaston avait entendu dire qu’aux États-Unis nombre de femmes enceintes ne voyaient un médecin que le jour de l’accouchement. Dans ces conditions, on ne pouvait s’étonner que le taux de mortalité infantile y soit plusieurs fois supérieur à celui qu’on connaissait en Suisse ou en France. Non, ils entendaient donner le meilleur à leur fils. Gaston savait que ce serait un garçon, et pas uniquement par la vision. Marie-Claire avait quarante-deux ans et leur médecin traitant avait recommandé une série de sonagrammes pendant la grossesse. Ils avaient très clairement vu le sexe de l’enfant à naître.

Bien sûr, Gaston n’avait pu cacher le contenu de sa vision à sa femme. Il n’était pas du genre à avoir des secrets pour elle, de toute façon, et dans ce cas précis c’était impossible. Elle avait eu une vision qui correspondait — la même altercation avec Marc, mais de son point de vue à elle. Gaston était heureux que Lloyd Simcoe ait réussi à prouver le synchronisme des visions en parlant à son étudiant et à cette femme au Canada. Gaston comme sa femme s’étaient juré de garder le silence sur ce qu’ils avaient vu du futur.

Ils avaient cependant abordé certaines questions, quand bien même ils avaient tous deux participé à la même scène. Elle lui avait demandé de la décrire, pour savoir à quoi elle ressemblerait dans vingt ans. Gaston avait glosé sur certains détails, son surpoids entre autres. Pendant des mois elle s’était plainte du changement de son tour de taille à cause de la grossesse et elle était désormais déterminée à retrouver sa ligne au plus vite.

De son côté, Gaston avait été surpris d’apprendre d’elle qu’en 2030 il porterait la barbe. Il n’en avait jamais eu dans sa jeunesse et maintenant que ses moustaches grisonnaient il avait pensé qu’il n’en aurait jamais. Mais elle l’avait rassuré sur ses cheveux : pas de calvitie galopante. Si c’était la vérité, un mensonge pour le rassurer ou la preuve qu’on saurait bientôt lutter efficacement contre la calvitie, il l’ignorait.

L’hôpital était pris d’assaut par les patients, dont beaucoup sur des chariots dans les couloirs. Selon toute vraisemblance, la plupart étaient là depuis l’événement de la veille. Cependant, les blessures avaient en grande majorité été instantanément fatales, ce qui excluait tout passage à l’hôpital, ou s’étaient limitées à des fractures et à des brûlures. Comparativement, assez peu de personnes avaient été admises. Et, par chance, le service obstétrique était à peine plus sollicité qu’à l’accoutumée. Marie-Claire y fut conduite dans un fauteuil roulant poussé par une infirmière. Gaston marchait à côté de sa femme, sans lui lâcher la main.

Béranger était physicien, bien sûr — ou du moins, il l’avait été, car ses diverses responsabilités administratives l’avaient tenu loin de toute recherche depuis plus de douze ans. Il n’avait aucune idée sur la nature exacte de ce qui avait déclenché les visions. Oh, elles avaient certainement un lien avec l’expérience du LHC, la coïncidence temporelle était trop évidente pour être ignorée. Mais quelle que soit la cause des visions et malgré le caractère déplaisant de la sienne, il ne la regrettait pas. Il l’avait prise comme une mise en garde, une incitation à se réveiller, un présage. Et il avait l’intention d’en tenir compte : il ne laisserait pas la situation dégénérer pour en arriver à ce stade. Il serait un bon père et passerait beaucoup de temps avec son fils.

Il serra un peu plus fort la main de sa femme.

Ils entrèrent dans la salle de travail.

C’était une belle maison, spacieuse et, de par sa proximité avec le lac, sans aucun doute onéreuse. Ses lignes extérieures évoquaient celles d’un chalet, mais ce n’était manifestement qu’un simulacre : les logements dans la Genève cosmopolite étaient aussi éloignés des chalets suisses que Manhattan des fermes. Théo sonna à la porte et attendit qu’on ouvre, mains dans les poches.