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« Préparez un plan indiquant la position de chaque astronef engagé. Attendez les ordres en état défensif armé. »

Il prit sa cape. Tout en la drapant autour de ses épaules, il murmura à Barr :

« Je vous laisse cet homme. Je compte sur des résultats. C’est la guerre et je peux être cruel avec les gens qui échouent. Ne l’oubliez pas ! » Il s’en alla après les avoir salués tous les deux.

Lathan Devers le suivit des yeux.

« Il n’a pas l’air content. Qu’est-ce qui se passe ?

— Une bataille, sans doute, dit Barr d’un ton rogue. Les forces de la Fondation se lancent dans leur première bataille. Vous feriez mieux de venir avec moi. »

Il y avait des soldats armés dans la pièce. Ils avaient une attitude respectueuse et un visage tendu. Devers suivit le vieux patriarche siwennien dans le couloir.

La pièce dans laquelle on les conduisit était plus petite, plus nue. Elle contenait deux lits, un visécran, une douche et des installations sanitaires. Les soldats sortirent et la lourde porte se referma avec un bruit sourd.

« Tiens ? fit Devers en promenant autour de lui un regard désapprobateur. Ça m’a l’air d’une installation permanente.

— En effet, dit Barr brièvement. (Le vieux Siwennien lui tourna le dos.)

— Quel rôle jouez-vous ? fit le Marchand d’un ton agacé.

— Je ne joue aucun rôle. On vous a confié à moi, voilà tout. » Le Marchand se leva et s’approcha de lui. Il se dressa au-dessus du patricien immobile.

« Ah ! oui ? Mais vous êtes dans cette cellule avec moi, et quand on nous a escortés ici, les pistolets étaient braqués sur vous tout autant que sur moi. Bon, reprit-il comme l’autre ne répondait rien, laissez-moi vous demander quelque chose. Vous disiez que votre pays a été battu un jour. Par qui ? Des gens d’une comète venant d’autres nébuleuses ?

— Par l’Empire, répondit Barr.

— Vraiment ? Alors, qu’est-ce que vous faites ici ? »

Barr gardait un silence éloquent.

Le Marchand avança la lèvre inférieure et hocha lentement la tête. Il ôta le bracelet à mailles plates passé à son poignet droit et le tendit à son compagnon.

« Qu’est-ce que vous pensez de ça ? » Il portait le même au poignet gauche.

Le Siwennien prit le bracelet. Obéissant aux gestes du Marchand, il le passa à son propre poignet, éprouvant un étrange picotement qui disparut bientôt.

Le ton de Devers changea aussitôt.

« Bon, maintenant, vous pouvez y aller. S’il y a des micros dans cette pièce, ils n’entendront rien. Ce que vous avez là, c’est un distorseur de champ magnétique : le vrai modèle Mallow. Ça se vend vingt-cinq crédits n’importe où. Vous l’avez pour rien. Gardez les lèvres immobiles quand vous parlez et détendez-vous. Il faut s’y habituer. »

Ducem Barr se sentit las, soudain. Le Marchand fixait sur lui des yeux brillants et vibrants d’énergie. Il ne se sentait pas à la hauteur d’une pareille ardeur.

« Que voulez-vous ? dit Barr. (Les mots sortaient tant bien que mal d’entre ses lèvres immobiles.)

— Je vous l’ai dit. Vous jouez les patriotes. Et pourtant, votre monde a été battu par l’Empire et vous voilà ici en train de faire le jeu d’un général de l’Empire. A quoi ça rime ?

— J’ai fait mon devoir, dit Barr. Un vice-roi impérial est mort à cause de moi.

— Ah ! oui ? Récemment ?

— Il y a quarante ans.

— Quarante ans ! Ça fait longtemps pour vivre sur des souvenirs. Est-ce que ce jeune crétin en uniforme de général le sait ? »

Barr acquiesça.

« Vous voulez que l’Empire gagne ? » fit Devers d’un air méditatif.

Le vieux patricien siwennien éclata soudain dans une brusque crise de colère.

« Puissent l’Empire et toutes ses œuvres périr dans une catastrophe universelle. Siwenna tout entière le demande chaque jour dans ses prières. J’avais des frères autrefois, des sœurs, un père. Et j’ai des enfants aujourd’hui, des petits-enfants. Le général sait où les trouver. »

Devers attendit.

« Mais cela ne m’arrêterait pas, reprit Barr, si les résultats envisagés en valaient le risque. Ils sauraient mourir.

— Vous avez tué un vice-roi jadis, hein ? fit doucement le Marchand. Vous savez, je me rappelle certaines choses. Nous avons eu un Maire autrefois, il s’appelait Hober Mallow. Il a visité Siwenna ; c’est votre monde, n’est-ce pas ? Il a rencontré là-bas un nommé Barr.

— Que savez-vous de cela ? demanda Ducem Barr d’un air méfiant.

— Ce que savent tous les Marchands de la Fondation. Vous pourriez être un vieux renard qu’on aurait planté là pour m’espionner. On braquerait des pistolets sur vous, vous proclameriez votre haine de l’Empire et vous ne demanderiez que sa ruine. Là-dessus, je me prendrais d’amitié pour vous, je vous déverserais mon cœur et c’est le général qui serait content. N’y comptez pas.

« Mais j’aimerais quand même que vous me prouviez que vous êtes le fils d’Onum Barr de Siwenna, le sixième et le plus jeune qui a échappé au massacre. »

Ducem Barr, d’une main tremblante, ouvrit un petit coffre métallique qu’il prit dans une niche creusée dans le mur. Il en tira un objet de métal qu’il lança au Marchand.

« Regardez ça », dit-il.

Devers examina l’objet. Il approcha de son œil le maillon central de la chaîne et jura doucement.

« Ce sont les initiales de Mallow, et ça date d’il y a cinquante ans comme un rien. »

Il leva les yeux et sourit.

« Ça va. Un bouclier atomique individuel, c’est une preuve qui me suffit », dit-il en tendant sa grande main.

VI

Les minuscules astronefs avaient surgi des profondeurs du vide pour foncer au cœur de l’armada. Sans tirer un seul coup de feu ni utiliser un rayon d’énergie, ils se frayèrent un chemin à travers la zone encombrée d’appareils, puis poursuivirent leur route, tandis que les mastodontes impériaux tournaient après eux comme de grosses bêtes maladroites. Il y eut deux éclairs silencieux dans l’espace, lorsque deux des petits engins furent désintégrés, puis le reste disparut.

Les grands astronefs fouillèrent l’espace puis reprirent leur mission et, monde après monde, la grande toile du blocus continua de s’étendre.

Brodrig portait un uniforme imposant et soigneusement coupé. Il marchait d’un pas nonchalant dans les jardins de l’obscure planète Wanda, quartier général provisoire des forces impériales ; mais son expression était sombre.

Bel Riose l’escortait, sa tenue de campagne ouverte au col et l’air sinistre dans son habit gris-noir.

Riose désigna le banc, sous la fougère odorante dont les larges feuilles spatulées se dressaient mollement contre le soleil blanc.

« Vous voyez, monsieur. C’est une relique de l’Empire. Ces bancs, installés pour les amoureux, sont restés, alors que les usines et les palais ont sombré dans les ruines de l’oubli. »

Il s’assit, tandis que le secrétaire privé de Cléon II restait debout devant lui, abattant les feuilles de la fougère arborescente à petits coups de son bâton d’ivoire.

Riose croisa les jambes et offrit une cigarette à son compagnon. Il en tripotait une tout en parlant.

« C’est bien ce que l’on attendrait de la sagesse éclairée de Sa Majesté Impériale que d’envoyer un observateur aussi compétent que vous. Cela dissipe toute inquiétude que j’aurais pu éprouver à songer que des affaires, plus pressantes et plus immédiates, risqueraient peut-être de faire passer dans l’ombre une petite campagne sur la Périphérie.