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« Les femmes sont-elles vraiment ainsi ? » avait sèchement demandé Branno et, dans un sourire, Kodell avait marmonné qu’il voulait parler des femmes ordinaires, bien sûr.

Compor dit : « Il n’est pas nécessaire d’informer l’ensemble de la Fondation du service que j’ai pu vous rendre – pourvu que vous, vous le sachiez.

— Je le sais ; et je ne risque pas de l’oublier. Et j’ajouterai que j’entends bien ne pas vous laisser croire que vous êtes quitte de vos obligations : vous vous êtes embarqué dans une mission complexe et vous n’avez d’autre choix que de la poursuivre.

« Nous voulons en savoir plus sur Trevize.

— Je vous ai dit tout ce que je savais sur lui.

— Ce pourrait être ce que vous voulez me faire croire. Voire, ce dont vous êtes sincèrement persuadé vous-même. Quoi qu’il en soit, répondez à mes questions… Connaissez-vous un homme du nom de Janov Pelorat ? »

Un bref instant, le front de Compor se rida pour se détendre presque aussitôt. Il répondit avec circonspection : « Peut-être que je le reconnaîtrais en le voyant mais le nom lui-même ne me dit rien.

— C’est un érudit. »

Les lèvres de Compor s’arrondirent en un « Oh ? » quelque peu méprisant quoique muet – comme pour marquer sa surprise que madame le Maire eût de telles fréquentations.

Branno poursuivit : « Pelorat est un personnage fort intéressant qui, pour des raisons personnelles, a formé le projet de visiter Trantor. Le conseiller Trevize l’accompagnera. Maintenant, puisque vous avez été très lié à ce dernier et que peut-être vous savez déchiffrer son caractère, dites-moi… à votre avis, pensez-vous que Trevize va consentir à se rendre sur Trantor ?

— Si vous veillez à ce qu’il embarque à bord du vaisseau et que ledit vaisseau se dirige effectivement vers Trantor, je vois mal ce qu’il pourrait faire d’autre. Vous ne voulez quand même pas dire qu’il va se mutiner et détourner l’astronef ?

— Vous ne m’avez pas comprise. Pelorat et lui seront seuls à bord et c’est Trevize qui pilotera.

— Vous me demandez s’il irait de plein gré à Trantor ?

— Oui, c’est ce que je vous demande.

— Madame le Maire, comment pourrais-je bien savoir ce qu’il a l’intention de faire ?

— Conseiller Compor, vous avez été un proche de Trevize. Vous connaissez sa croyance en l’existence de la Seconde Fondation.

« N’a-t-il jamais évoqué devant vous ses théories quant à l’endroit où elle pourrait éventuellement se situer, sa localisation ?

— Jamais, madame.

— Le croyez-vous capable de la trouver ? »

Compor ricana. « Je crois surtout que la Seconde Fondation, quelles qu’aient pu être cette organisation et l’étendue de sa force, fut totalement annihilée du temps d’Arkady Darell. Je crois à son histoire.

— Vraiment ? Dans ce cas, pourquoi avoir trahi votre ami ? S’il cherchait une chose qui n’existe pas, quel mal y avait-il à le laisser proposer ses théories loufoques ?

— Il n’y a pas que la vérité qui blesse. Ses théories étaient peut-être loufoques, mais elles auraient pu réussir à troubler les citoyens de Terminus – ne serait-ce qu’en semant le doute et la crainte quant au rôle de la Fondation dans le grand drame de l’histoire galactique, au risque d’entamer son ascendant sur la Fédération et de compromettre ainsi ses rêves de restauration d’un nouvel Empire. Manifestement, c’est ce que vous avez dû penser vous-même, sinon vous ne l’auriez pas fait arrêter dans l’enceinte du Conseil et encore moins contraint à l’exil sans autre forme de procès. Alors, si je puis me permettre, pourquoi avoir agi ainsi, madame ?

— Dirons-nous que je fus assez prudente pour m’interroger sur l’éventualité qu’il pût effectivement avoir raison et que l’expression de son point de vue se révélât dans ce cas très directement dangereuse ? »

Compor ne dit rien.

« Je suis d’accord avec vous, poursuivit Branno, mais les responsabilités de ma charge me forcent à envisager toutefois cette éventualité. Permettez-moi donc de vous redemander si vous avez la moindre idée de l’endroit où il croit pouvoir situer la Seconde Fondation et où il serait donc susceptible de se diriger ?

— Aucune idée.

— Il ne vous a jamais donné le moindre indice ?

— Non. Bien sûr que non.

— Jamais ? Réfléchissez-y quand même. Réfléchissez bien. Vraiment jamais ?

— Jamais, répéta Compor, très ferme.

— Pas le moindre indice ? Une plaisanterie en passant ? De vagues notes griffonnées ? Une réflexion en l’air et qui prendrait tout son sens a posteriori ?

— Rien. Je vous le répète, madame, ses rêves d’une Seconde Fondation sont des plus nébuleux. Vous le savez fort bien et ne faites que perdre votre temps et votre énergie à vous en soucier.

— Ne seriez-vous pas par hasard en train de faire volte-face pour protéger maintenant celui que vous m’avez livré ?

— Non pas. Si je vous l’ai dénoncé, c’était pour ce qui m’était apparu de bonnes raisons, des raisons patriotiques. Je n’ai pas lieu de regretter mon action ni de modifier en quoi que ce soit mon attitude.

— Alors, vous ne pouvez me donner la moindre idée de l’endroit où il pourrait se rendre, une fois en possession d’un vaisseau ?

— Comme je l’ai déjà dit…

— Et pourtant, conseiller », l’interrompit Branno et là, les traits de son visage se plissèrent en un masque rêveur, « j’aimerais bien savoir où il va.

— En ce cas, je pense que vous feriez mieux de placer un hyper-relais à bord de son vaisseau.

— J’y ai songé, conseiller. Mais l’homme est méfiant et je le crois capable de découvrir un tel appareil, si bien dissimulé soit-il. Certes, on pourrait le placer de telle manière qu’on ne puisse l’enlever sans endommager le vaisseau, ce qui le contraindrait à le laisser en place…

— Excellente idée.

— Sauf que dans ce cas, il se sentira inhibé et n’ira peut-être pas là où il serait allé en étant libre et sans entraves. Tout ce que j’apprendrais dans ces conditions serait sans aucun intérêt.

— Auquel cas, il semblerait que vous êtes dans l’incapacité de découvrir sa destination.

— Si. Car je compte employer des moyens tout à fait primaires. Un individu qui s’attend aux pièges les plus complexes et s’en garde en conséquence peut fort bien ne jamais songer aux méthodes les plus grossières. Je pense tout simplement le faire prendre en filature.

— En filature ?

— Tout juste. Par un autre pilote à bord d’un second vaisseau. Vous voyez combien l’idée vous a surpris. Il le sera sans doute tout autant. Il est fort possible qu’il n’ait pas l’idée de scruter l’espace derrière lui, et, de toute façon, nous veillerons à ce que son vaisseau soit dépourvu de nos derniers modèles de détecteur de masse.

— Madame le Maire, malgré tout le respect que je vous dois, permettez-moi de souligner votre manque d’expérience en matière de navigation spatiale. Jamais on ne fait suivre un vaisseau par un autre : tout simplement parce que ça ne peut pas marcher. Trevize pourra s’échapper au premier saut dans l’hyperespace. Et même s’il n’a pas conscience d’être filé, ce premier saut sera la clé de sa liberté. Faute d’un hyper-relais à bord de son vaisseau, il restera impossible à localiser.

— J’admets bien volontiers mon manque d’expérience : contrairement à Trevize ou à vous-même, je n’ai pas une formation de navigateur spatial. Néanmoins, je me suis laissé dire par mes conseillers – qui ont, eux, une telle formation – que pour qu’on observe un astronef avant qu’il n’effectue un saut, sa direction, sa vitesse et son accélération permettent de deviner l’orientation générale dudit saut. Pourvu qu’il ait un bon ordinateur et soit doté d’excellentes facultés de jugement, un poursuivant serait en mesure de reproduire le saut avec assez de précision pour être capable de retrouver la piste à l’autre bout – en particulier s’il dispose en plus d’un bon détecteur de masse.