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— Tout objet militaire reçoit une fine pellicule antirouille baptisée S.A.E. 04. Même un objet aussi anodin qu’une clé.

Il se pencha en avant.

— Vous ne vous êtes jamais servi de cette clé, captain ?

— Non … Jamais.

— Spencer vous donne raison sur ce point. Il prétend que lorsque vous l’accompagnez dans sa tournée, c’est toujours sa propre clé qu’il emporte. Vous n’ignorez pas que, pour prendre l’empreinte d’une clé, on utilise un moulage à base de cire à cacheter. C’est la méthode banale. L’ennui, c’est que cette cire absorbe le S.A.E. 04.

Dikson sursauta.

— Comment ? Alors s’il n’y a pas de cette saloperie sur ma clé vous allez prétendre ? …

— Rien du tout, captain. Ne nous énervons pas.

Kovask parla à son tour sèchement.

Nous sommes ici pour établir la vérité.

— Je refuse de m’associer plus longuement à cette comédie. Je suis captain et vous êtes de grade inférieur.

L’agent de L’O.N.I. haussa les épaules et sortit une feuille pliée en quatre.

— Quand mes chefs m’ont envoyé dans le coin, ils ont bien pensé que ce genre d’obstruction pourrait se présenter. Prenez connaissance de cet ordre de mission. Même le Commodore commandant la base ne peut me refuser son aide la plus entière.

Dikson repoussa le papier.

— C’est bon, poursuivez.

— Comme le disait Clayton, restez calme. L’absence de S.A.E. 04 ne prouvera rien.

Mr. Smith s’était approché d’eux et tenait quelque chose au bout d’une pince de bijoutier.

— Je m’excuse de vous interrompre, mais ce fragment jaunâtre ressemble bien à de la cire. Je l’ai découvert à l’intérieur de la cavité où pénètre le canon de la serrure.

— C’est un piège ! Hurla Dikson … Vous n’avez rien trouvé du tout. Cette clé n’est jamais sortie de ce coffre. Vous êtes en train de monter un stratagème odieux et …

— Attendez, captain, dit Kovask toujours aussi sévère. En quelques heures nous avons appris sur vous des faits assez surprenants. Notamment l’existence de mademoiselle Paula Tedou. Une très jolie fille …

Dikson sortait de derrière son bureau et marchait sur le lieutenant, l’œil sanglant, fermant des poings énormes. Il balbutia des mots menaçants.

— Ma vie privée ! … Pas le droit … Vous casser la gueule ! … Vous faire dégrader ! …

Le poing de Kovask partit plus vite et le toucha au menton. Ce fut comme une baudruche se dégonflant d’un seul coup. Le géant, bouffi de graisse et avachi par la vie coloniale, tituba puis alla s’appuyer contre son bureau.

— La prochaine fois, je frappe plus fort, Dikson. Maintenant écoutez. Cette fille vous coûte cher … Notamment la villa luxueuse qu’elle loue sur la plage. Vous gagnez trop peu pour avoir une maîtresse aussi exigeante. Une métisse de surcroît. Ce n’est pas un reproche et je ne suis pas un raciste. Seulement, ce matin, vous aviez l’air de plaindre ce pauvre Spencer tenu à l’écart par la société américaine de Panama. Sale hypocrite ! C’était une façon habile de me le désigner comme suspect. On se méfie toujours d’un type aigri par la société.

Dikson paraissait ailleurs. Son œil même avait perdu de son arrogance.

— Un seul homme savait que je m’inquiéterais de Spencer. Un seul savait que l’allais le surveiller, essayer de le faire parler. Vous avez habilement résolu le problème. En faisant liquider Spencer et sa femme, vous me le désigniez comme le seul coupable, et en même temps mon enquête tournait court. Vous êtes un ignoble salaud, Dikson !

Clayton intervint à son tour.

— Autre chose. Perenes n’a pas réussi. Son complice l’attendait dans la Chevrolet et a essayé de le descendre d’une rafale de mitraillette.

— Vous ! Siffla Kovask en secouant le gros homme. Et Perenes a parlé. Il vous a accusé.

— C’est faux !

— Et la cire dans le trou, Dikson ? Vous pouvez nier pendant un mois, le conseil de guerre ne vous croira pas. Il vous reste une seule chance de vous en tirer. À qui avez-vous prêté cette clé ?

— Ce n’est pas moi … Vous faites erreur … Quant à ma maîtresse, j’ai gagné de l’argent à la loterie quotidienne.

Clayton retroussa ses lèvres sur ses dents de carnassier.

— Quel jour ? Quel numéro ? Dikson baissa les yeux.

— Je ne sais plus.

— Allons donc ! Vous étiez si sûr de votre impunité que vous n’avez même pas pensé à vous composer un alibi qui tienne le coup.

— Qui vous a payé, Dikson ? Chaque minute qui passe nous retarde. Si vous persistiez à nier, Dikson, je ferai tout mon possible pour que vous soyez salé au maximum.

Mr. Smith les regardait à tour de rôle avec curiosité. Il paraissait stupéfait lui-même de se trouver en plein interrogatoire policier.

Kovask tenta une dernière fois de le convaincre.

— Voulez-vous sortir d’ici avec les menottes aux poignets comme un gangster, et comme vous le méritez ? Devant tout votre personnel rassemblé ? Pour nous, établir votre culpabilité n’est qu’une question d’heures. Les hommes de Clayton recherchent des indices. Paula Tedou va être arrêtée.

Dikson sortit de son apathie et protesta :

— Non … Laissez-la en dehors du coup … Elle n’est pas coupable.

— Mais vous, vous l’êtes ?

— Oui … J’ai prêté la clé vingt-quatre heures … Dix mille dollars.

Kovask fronça les sourcils.

— Une si forte somme pour si peu ? Ils auraient mieux fait de faire sauter là porte de U.S. PAN 6 à la dynamite.

Dikson gardait obstinément les yeux baissés.

— Vous avez vendu autre chose hein ? C’est le moment de vous débarrasser du paquet, dit Clayton.

— J’ai communiqué les instructions secrètes du balisage radiogoniométrique en cas de conflit.

Clayton serra les poings, mais Kovask lui fit signe de se tenir calme.

— C’est tout ?

— Oui … Je vous le jure …

— À qui ?

— Ramon Ponomé.

Kovask ne réagit pas, mais Clayton pinça ses lèvres.

— Pourquoi pas au pape ? Tu te fous de nous, captain !

— Mais c’est la vérité.

— Qui est ce Ramon Ponomé ? Clayton haussa les épaules.

— Le chef du parti de l’Unitad. Il réclame l’union des républiques centrales et notre départ. Il se prend pour Nasser, et dit que les péages du Canal feraient de la réunion des six états, car il exclut le Mexique trop grand et de ce fait trop dangereux, un pays riche et heureux. Exactement comme le dictateur égyptien, mais il n’a guère de succès et son parti est interdit. Perenes en était membre.

Kovask alluma une cigarette et s’assit devant Dikson, toujours appuyé à son bureau.

— Où l’avez-vous rencontré ?

— Je ne l’ai jamais vu en personne. On m’avait contacté …

— Pas de mensonges, Dikson, c’est terminé. C’est votre maîtresse qui a fait le coup. Certainement pas par idéal, mais parce qu’elle est à l’affût du pognon où qu’il se trouve.

Maintenant le directeur des services de balisage paraissait se désintéresser de son sort et de celui de sa maîtresse. Il était complètement amorphe.

— C’est par elle que vous avez fait filer la clé et les pans secrets de balisage ?

— J’ai rencontré l’homme chez elle.

— Pourquoi s’en sont-ils pris à l’Evans II ? Car, d’ordinaire, le parti de l’Unitad se vante des coups de force qu’il effectue. Là, rien de tout cela. Au contraire, de la discrétion.