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Kovask était comme Clayton. Jusqu’à présent il ne voyait pas comment la disparition d’un navire océanographique pouvait servir les intérêts d’un parti politique.

— Comment faites-vous pour rencontrer cet homme, et comment se nomme-t-il ?

— Perez. Comme votre compagnon se nomme Smith.

Ce dernier sourit. C’était son véritable nom.

— Pour le rencontrer, c’est Paula qui s’en occupe.

Clayton eut un regard pour Kovask. Ce dernier comprit parfaitement.

— Écoutez Dikson, votre maîtresse n’a pas été inquiétée. Nous avons fait une enquête discrète dans son voisinage, mais c’est tout. Je vous mets le marché en main. Vous allez nous aider à nous emparer de Perez. Dites-lui que vous avez quelque chose d’urgent à lui communiquer. Fixez-lui rendez-vous pour ce soir neuf heures.

Dikson hésitait.

— C’est précipité. En général ça demande bien vingt-quatre heures …

Kovask décrocha l’appareil et le lui tendit.

— Allez-y.

Le captain forma un numéro, insista. Il secoua la tête.

— Elle a dû sortir.

Il raccrocha et les regarda avec perplexité.

— Nous allons attendre une heure, dit Kovask. Ensuite je suis obligé de me rendre à l’Amirauté, prendre connaissance des nouvelles concernant les trouvailles à bord de l’Evans. L’enquête a dû progresser aujourd’hui. De plus j’attends des résultats d’enquêtes effectuées au pays.

Un quart d’heure plus tard, une secrétaire téléphona.

— Un paquet pour vous, captain, entendit Kovask qui avait pris l’écouteur.

— Merci, dit le gros homme. Il paraissait surpris.

Kovask se dirigea rapidement vers la porte.

— Dès que le paquet sera là, sortez tous. Je reviens.

Comme il parvenait dans la rue, il vit s’éloigner une camionnette de livraison. Il pénétra dans le bureau du planton, lui demanda le nom de la compagnie de transports qui avait acheminé le colis.

— La Werfel Company.

Il retrouva les trois hommes dans le corridor. Clayton paraissait dissimuler une violente envie de rire.

— Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une machine infernale. J’ai posé mon oreille dessus et …

— Ils ont pourtant tout intérêt à le faire disparaître.

Il désignait le captain Dikson.

— Peut-être pas, s’il nous a dit toute la vérité. Seule Paula Tedou connaît Perez.

Kovask pénétra dans le bureau et examina le paquet. Il s’agissait d’un carton ou d’une caissette, soigneusement enveloppé d’un papier d’emballage.

— C’est la Werfel Company qui a transporté le colis.

— Je vais leur téléphoner dit Clayton. L’entretien dura cinq minutes. On les avait renvoyés de dépôts en dépôts. Le colis avait été déposé au bureau de la plage, une heure plus tôt, et le dépositaire avait insisté sur l’urgence de sa livraison. Il avait payé un gros pourboire. Clayton demanda sa description à l’employée, mais elle en fut pratiquement incapable.

— Un homme de taille moyenne, avec des moustaches et des lunettes solaires.

Ce qui pouvait s’appliquer à neuf sur dix des Panaméens.

— Tant pis dit Kovask, j’ouvre. Le ridicule tue à ce qu’on dit.

Mr. Smith regarda vers la porte, et Clayton l’invita sans aucune ironie à sortir. C’était un de ses amis, habile prestidigitateur amateur. Il n’avait jamais été spécialiste dans l’examen des clés spéciales.

Dikson ne broncha pas pendant que Kovask tirait sur les ficelles. Mais le silence était à nouveau creusé par le ronflement du ventilateur.

C’était une caissette en bois clair, munie d’un couvercle. Kovask l’ouvrit, crut qu’il s’agissait d’une fine paille noire qui recouvrait l’objet, mais il fronça le nez. Il prit cette paille noire à pleine main, fut troublé par la douceur de contact.

La tête d’une femme se balançait au bout des longs cheveux noirs, fins comme de la soie.

— Paula ! Hurla Dikson.

Clayton était livide et Mr. Smith qui ouvrait doucement la porte poussa un cri d’horreur.

Kovask, paralysé de dégoût, ne pensait même pas à lâcher cette abomination.

CHAPITRE VII

Une heure plus tard, Kovask et Clayton se trouvaient dans le bureau de ce dernier. Le captain Dikson avait été transporté d’urgence à l’hôpital américain, en pleine crise de démence. Quant au mystérieux Mr. Smith, il avait pris congé des deux hommes avec une certaine précipitation.

Clayton téléphona à un bar voisin et se fit apporter de la bière. Il était encore livide et sous le coup de la découverte macabre.

— J’ai vu beaucoup de trucs horribles dans ma vie, mais rien de tel que cette tête …

Une cigarette au coin des lèvres, Kovask était plongé dans ses réflexions.

— Je ne m’explique pas cette mise en scène sinistre. Ils ont liquidé la maîtresse de Dikson. C’est normal. Pourquoi lui envoyer la tête ?

— Ne parlez plus de ce qu’il y avait dans cette boîte. Pour ma part, je crois qu’ils ont voulu venger la mort de Luis Perenes. Nous n’avons pas tiré toute la vérité du captain, et il nous faudra attendre qu’il oublie ce cauchemar pour le faire. Je suis certain qu’il accompagnait l’homme au bazooka dans la Chevrolet, et qu’il s’est affolé de voir Perenes entre vos mains.

On frappa. Le planton déposa deux bouteilles de bière recouvertes de buée sur le bureau. Clayton lui lança une dîme et déboucha les canettes.

— Normalement, dit Kovask après avoir bu, les dirigeants de l’Unitad devraient être satisfaits que Perenes soit liquidé et dans l’impossibilité de parler.

Le sourire de Clayton ne manquait pas de suffisance.

— Vous ignorez bien des choses, Kovask. L’Unitad est très bien organisée et ce tueur ne nous aurait pas appris grand’chose, même au cours d’un interrogatoire spécial. Ensuite Panama, bien que dans la zone du canal, échappe à notre contrôle policier. Je suis certain que nous n’aurions pas pu garder Perenes bien longtemps. Un avocat du cru, apparenté au parti, serait allé trouver le chef de la police. Perenes nous aurait été enlevé et, grâce à des complicités diverses, ne serait pas resté longtemps en prison.

— Ses amis reprochent donc à Dikson d’avoir eu la détente trop facile et de n’avoir pensé qu’à sa propre sécurité. Étonnant qu’il n’ait pas tiré sur moi.

— Le meurtre d’un Américain fait toujours trop de bruit, et en général on découvre son assassin.

Kovask était ailleurs. Il pensait à l’Evans II, au concours de malveillances qu’il avait fallu pour renvoyer par le fond. Pourquoi ? Qui gênait-il ? Était-ce le navire océanographique lui-même qui était visé, ou un membre de son équipage ou de son personnel scientifique. Brusquement il fronça les sourcils, et Clayton qui l’observait demanda :

— Ça ne va pas ?

— Si … Il faut que je me rende à l’Amirauté.

— Je vais vous y conduire, puis j’essayerai d’enquêter du côté de Dikson.

À l’Amirauté, il apprit que les experts s’étaient rendus à bord du Boston et de l’Adrian. Ils étaient au nombre de trois et très qualifiés pour ce genre d’enquête. Sans attendre le renflouement de l’Evans II, ils examineraient tout ce qui avait été retiré du fond de la mer.

Le F.B.I, de Los Angeles n’avait pas encore répondu à la demande d’enquête « white », mais. Kovask s’y attendait. Ce genre d’enquêtes demandait plusieurs jours. Il avait été mis au point sous Mc Carthy, et n’avait pas été abandonné, même après la disgrâce de l’apprenti-dictateur. La vie d’un suspect était épluchée avec un soin rigoureux, et le moindre détail le concernant, le plus banal souvent, était noté dans des rubriques spéciales. La notice de renseignements au sujet du chimiste Edgar Brown comporterait très certainement plusieurs pages.