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Jabba secoua la tête. Il jeta un regard vers Susan, totalement absente, puis releva les yeux vers le directeur.

— Comme vous le savez, tous les gens de l’extérieur qui veulent accéder aux données doivent franchir une série de portails de sécurité.

Fontaine acquiesça. Les hiérarchies d’accès étaient sans faille. Les personnes autorisées pouvaient consulter la banque via le Web. En fonction de leurs codes d’accès, il leur était permis de ne voir que les informations les concernant.

— Comme nous sommes reliés au réseau mondial, expliqua Jabba, les pirates, les puissances ennemies, l’EFF et autres requins, harcèlent la banque de données vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans l’espoir de percer une brèche.

— Oui, dit Fontaine. Et, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nos filtres de sécurité les empêchent d’entrer. Où voulez-vous en venir, au juste ?

Jabba observa le document.

— À ceci : le ver de Tankado ne vise pas nos données. (Il s’éclaircit la gorge.) Sa cible, ce sont nos filtres.

Fontaine pâlit en mesurant les conséquences. Ces défenses garantissaient la confidentialité des données. Sans elles, n’importe qui pouvait y avoir accès.

— Voilà pourquoi il faut tout couper, insista Jabba. Dans une heure environ, n’importe quel gamin muni d’un PC pourra lire les informations top secrètes des Etats-Unis.

Fontaine resta silencieux. Le moment s’éternisa... Jabba, n’y tenant plus, se tourna vers Soshi.

— Soshi, envoie la RV ! Tout de suite !

Soshi se précipita.

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Jabba avait souvent recours aux vertus pédagogiques d’une RV. Dans le milieu informatique, RV signifiait « réalité virtuelle ». Mais à la NSA, on l’employait pour « Représentation Visuelle ». Dans ce microcosme où se côtoyaient techniciens et politiciens, ayant des niveaux de compétences divers et variés, un bon vieux graphique était souvent l’unique moyen de clarifier les choses. L’impact d’un simple schéma était dix fois supérieur à celui de pages entières de données. Encore une fois, la RV ferait mouche, Jabba en était certain...

— RV lancée ! cria Soshi d’un poste de travail au fond de la salle.

Un diagramme conçu par ordinateur apparut sur l’écran mural. Susan y jeta un regard absent, insensible à la panique générale. Tous les gens présents dans la pièce levèrent la tête vers l’écran. La figure qu’ils observaient ressemblait à une cible de tir à l’arc. Au centre, un point rouge où était inscrit :

« données ». Autour, cinq cercles de différentes largeurs et couleurs. Le cercle le plus à l’extérieur était pastel, presque invisible.

— Notre système de défense comporte cinq niveaux, commenta Jabba. D’abord, un bastion Internet, deux séries de filtres FTP et X-11, un tunnel sécurisé et enfin un portail de reconnaissance et d’authentification. Le cercle presque effacé représente le bastion Internet. Il a quasiment disparu. Dans moins d’une heure, les cinq strates auront totalement disparu.

Et tout le monde pourra s’engouffrer dans la place. Les données de la NSA tomberont dans le domaine public !

Fontaine scrutait le graphique.

— Ce virus est vraiment capable de rendre accessible notre banque de données au monde entier ? gémit Brinkerhoff.

— C’est un jeu d’enfant pour Tankado ! lança Jabba d’un ton cinglant. Gauntlet était notre rempart. Et Strathmore l’a fait sauter.

— C’est une déclaration de guerre, murmura Fontaine.

— Je ne crois pas que Tankado avait l’intention d’en arriver là, répliqua Jabba. Il comptait arrêter les dégâts bien avant.

Là-haut, sur l’écran, le premier des cinq cercles acheva de disparaître.

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— Le bastion est tombé ! cria un technicien du fond de la salle. Le second étage est exposé !

— Il faut couper l’alimentation, pressa Jabba. D’après la simulation, il nous reste un peu moins de quarante-cinq minutes. On ne peut pas attendre... la procédure d’extinction est très longue.

C’était la vérité. La banque de données de la NSA avait été conçue de telle sorte qu’elle ne puisse jamais manquer de courant, que ce soit par accident ou à la suite d’une attaque ennemie. Les multiples dispositifs de sécurité pour les lignes téléphoniques et l’alimentation électrique étaient profondément enterrés dans des caissons blindés. À la batterie de générateurs de Fort Meade s’additionnaient divers branchements au réseau public. Couper toutes les arrivées énergétiques impliquait de nombreuses confirmations et des protocoles fastidieux. C’était une manœuvre plus complexe que le lancement d’un missile nucléaire dans un sous-marin.

— Nous avons encore le temps, déclara Jabba. Si nous nous dépêchons. Une coupure manuelle prend environ une demi-heure.

Fontaine avait toujours les yeux rivés sur l’écran, pesant le pour et le contre.

— Chef ! explosa Jabba. Quand toutes ces barrières auront sauté, le monde entier aura accès à nos informations ! A toutes nos informations ! Les missions secrètes ! Les identités de nos agents outre-Atlantique ! Les noms et les adresses de tous les témoins sous protection fédérale ! Les codes de lancement de nos missiles ! Il faut couper ! Et tout de suite !

Le directeur restait imperturbable.

— Il doit exister un autre moyen...

— Oui, rétorqua Jabba d’un ton cinglant. Il y en a un autre !

Entrer l’antidote ! Mais il se trouve que le seul gars qui le connaisse est mort !

— Et la force brute ? intervint Brinkerhoff. On ne peut pas l’employer pour trouver la formule ?

Jabba leva les bras au ciel.

— Nom de Dieu ! il s’agit d’une clé : une chaîne de caractères aléatoires ! Si vous connaissez le moyen de tester six

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cents billions de combinaisons en moins de quarante-cinq minutes, on est tout ouïe !

— La formule est en Espagne, articula Susan faiblement.

Tout le monde se tourna vers elle. Elle n’avait pas dit un mot depuis si longtemps...

Susan leva les yeux, son regard était vague.

— Tankado s’en est débarrassé avant de mourir. Personne ne semblait comprendre.

— La clé d’accès..., expliqua Susan en réprimant un frisson.

Le commandant Strathmore a envoyé quelqu’un à sa recherche.

— Et ? demanda Jabba. Est-ce que l’homme de Strathmore l’a trouvée ?

Susan tenta de retenir ses larmes, mais en vain.

— Oui, dit-elle d’une voix étranglée. Je pense que oui.

111.

Un cri perçant résonna dans la salle de contrôle :

— Requins en vue !

C’était Soshi. Jabba se tourna vers l’écran. Deux choses filiformes étaient apparues à l’extérieur des cercles. On aurait dit deux spermatozoïdes fondant vers un ovule.

— Ça urge, les gars ! lança Jabba en se tournant vers le directeur. Il faut prendre une décision. Si nous ne commençons pas à débrancher maintenant, nous n’y arriverons jamais.

Quand ces deux intrus auront constaté que le bastion Internet est tombé, ils vont battre le tambour pour rameuter tout le monde.

Fontaine demeura silencieux, plongé dans ses réflexions. La nouvelle de Susan Fletcher... la formule est en Espagne... lui semblait être un signe. Il jeta un regard dans sa direction ; la jeune femme semblait perdue dans son monde, effondrée sur