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Ces derniers se remarquaient tout de suite. Le monstre ne mentait pas. Il était partout, en effet. Il se préparait depuis bien avant la naissance de Faye, bien avant que Sivaram n’ait montré au pouvoir comment se protéger ; à présent qu’on l’avait démasqué, il passait à l’action. Il y avait des milliers d’infiltrés répartis sur toute la Terre, et il suffirait qu’une poignée consomment assez d’énergie en un lieu donné pour ancrer l’ennemi à la planète.

Pour l’éternité.

Les écorchés commencèrent la moisson ; des taches de mort apparurent sur le globe. Faye, horrifiée, les regardait grandir dans sa tête.

« Je suis partout.

— Eh bien, moi aussi ! » rétorqua-t-elle. Elle choisit un point d’arrivée, renonça à toute prudence et traversa la réalité.

« Voyageuse » (CBF)

« On tombe ! s’écria Barns. La moitié des systèmes principaux sont hors d’usage.

— Gardez-nous entiers », répondit le capitaine Southunder.

Ils entendirent un bruit de métal arraché, un fracas soudain, et un nouveau petit démon sortit des appareils de mesure. « Gremlin ! » prévint l’opérateur du téléradar.

Southunder, calmement, dégaina son automatique .45, aligna le guidon sur la bête hurlante et lui explosa la tête. L’opérateur fut éclaboussé d’encre crépitante, ce qui valait mieux que de se voir déchiqueté par des griffes aiguisées. Ces créatures n’étaient pas plus grosses que des caniches, mais elles avaient massacré son beau dirigeable.

« On descend vite ! reprit Barns, indifférent aux coups de feu. Je ferai ce que je peux.

— Parfait, monsieur Barns. » Southunder décrocha le téléphone le plus proche et le chargea. « La soute. Monsieur Schirmer, vous êtes là ?

— Schirmer a été attaqué par un démon. Il ne peut pas venir jusqu’au téléphone.

— Ori, écoutez-moi. On a des ennuis. Il faut que vous empêchiez les flammes de nous dévorer. D’ici quelques minutes, nous serons à portée de toute la marine impériale.

— Bien, commandant. Je ne nous laisserai pas brûler. »

Southunder coula un regard par la vitre. Quittant la nuit du firmament, on avait regagné le ciel bleu familier : il pouvait donc recommencer à jouer avec le temps. « J’espère nous tirer de là, mais ça va secouer. Dites aux scientifiques de pointer l’appareil vers Shanghai. Venons en aide à monsieur Sullivan. Mon petit doigt me dit qu’il en a besoin. »

« Je te couvre, cria Sullivan en tirant dans l’encadrement de la porte.

— J’avance ! » Toru fonça droit dans un mur, passa au travers et renversa les soldats planqués de l’autre côté. Il en tua deux d’un coup de massue puis, de l’autre main, ramassa une mitraillette. « Je te couvre. » Et il ouvrit le feu dans la pièce suivante.

Sullivan passa au galop et se plaça derrière un pilier en marbre. « Je recharge. » Il lâcha son chargeur vide, en sortit un autre d’une cartouchière sur sa poitrine. Son pouvoir magique était en surchauffe. Il n’avait pas autant puisé dedans depuis la bataille d’Amiens.

Des centaines de soldats avaient convergé sur le palais, qui menaçait de s’effondrer. Des balles filaient en tous sens. On se cognait dans des escouades de gardes de fer. Sullivan avait essuyé tant de coups de feu qu’il en perdait le compte. L’armure ne se disloquait pas : elle s’usait peu à peu. Il saignait par d’innombrables plaies, coupures et brûlures, et ses sortilèges de guérison peinaient à suivre.

Toru ne s’en tirait pas mieux. Sa belle armure de samouraï avait perdu une corne, et un canon sans recul avait failli l’incruster dans les fondations. Il boitait bas et laissait derrière lui une traînée de sang. « Où est Saito ? »

Sullivan actionna la culasse du BAR. « Je l’ai perdu.

— Le lâche ! Il s’est enfui ! » Furieux, Toru envoya valser un sofa à l’autre bout du salon.

Près de lui, le mur explosa, et un homme de métal apparut. D’un coup de poing dans les côtes, il projeta Toru contre une colonne qui se fendit. Sullivan lui tira dessus, mais les balles rebondissaient sur le blindage du gakutensoku. La machine, plus élancée et plus humanoïde que son équivalent américain, leva un bras pour canarder Sullivan. Homme et robot se tirèrent dessus un moment et se trouvèrent à cours de munitions en même temps. Ils s’élancèrent l’un vers l’autre ; l’impact envoya Sullivan droit au plafond, qu’il traversa sans presque ralentir.

Une salle de bains. « Saloperie. » Il roula sur le ventre et, par le trou, vit le robot qui continuait d’avancer. Un autre juron, mais il sentait son pouvoir renaître dans sa poitrine. Il se leva, réduisit à néant le poids de la baignoire de fonte, l’arracha à ses fixations, visa et multiplia son poids d’origine par quatre. Elle tomba droit sur la tête du robot, soulevant une pluie d’étincelles. Toru acheva la machine d’un coup de tetsubo bien appliqué. Des rouages s’envolèrent comme une poignée de confettis.

Sullivan rejoignit Toru par le même chemin que la baignoire. En atterrissant, il vacilla : une balle du robot avait traversé l’armure pour se loger dans son estomac. « Je recharge. »

Une meute de gardes de fer déboulait par l’entrée principale. Ils se montraient plus prudents et se couvraient les uns les autres en recourant à la magie ou aux armes à feu. Sullivan traversa le salon dans l’espoir de trouver une issue, mais, dès qu’il s’approcha de la fenêtre, il essuya des tirs de mitrailleuse. Une grosse forme argentée avançait dans la cour : le second robot le tenait en joue, sans tenir compte du mur, et, comme on l’en avait averti, il était précis. Des balles grincèrent contre son armure.

Sullivan se tapit derrière une étagère, s’apercevant tout à coup qu’ils se trouvaient dans la bibliothèque. Les livres grimpaient jusqu’au plafond. Belle collection.

Parfait endroit pour mourir.

Il sortit de sa cachette en tirant déjà et réussit à tuer deux soldats puis à en blesser un troisième. Un estompeur jaillit du mur, lui saisit le bras et voulut l’entraîner dans le sol, mais Sullivan concentra son pouvoir pour se rendre aussi dense que pendant sa chute céleste, et l’estompeur fut incapable de le déplacer. À la seconde où il reprit consistance, Toru, d’un coup de massue, lui arracha la tête des épaules.

Ce fut comme si l’ensemble de la garde de fer ouvrait le feu en même temps. La salle fut criblée de balles. Des livres s’enflammèrent sous la chaleur ambiante. Des éclairs jaillirent du couloir et pénétrèrent dans les prises électriques ; les ampoules au plafond éclatèrent en pluies d’étincelles. Sullivan fut touché une bonne dizaine de fois. Une balle lui entra dans le poumon, et chaque inspiration le brûlait. « Raclure. » Une autre lui traversa le mollet. Il s’effondra contre une bibliothèque et tomba de tout son long.

Toru vacilla quand un gros calibre l’atteignit au front. C’était une balle incendiaire encore incandescente qui fit grésiller son casque. Il se hâta de s’en débarrasser. « Sales chiens ! » Il dut étouffer les flammes qui dansaient dans ses cheveux.

Le vacarme faiblit le temps que les gardes de fer rechargent ou récupèrent un peu d’énergie magique.

Sullivan ignorait ce qui se passait ailleurs, mais le chaos régnait. Des immeubles s’effondraient, la magie bourdonnait comme jamais auparavant. Des centaines de soldats s’approchaient du palais.