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— Ça devra attendre, dit l’Américain. On a besoin de tout le monde. Si vous y tenez, pendez-vous quand tout sera réglé, mais, pour le moment, nous avons sur les mains une crise sans précédent. Ces êtres tuent des innocents, hommes, femmes et enfants.

— Nous avons envoyé les chevaliers dans les zones à risque dès que nous avons eu vent de l’affaire, et nous tentons de prévenir les autorités, dit l’Allemand. Dès la fin de cette réunion, j’irai me battre aux côtés des miens.

— Mon chef est têtu, reprit l’Américain. Mais je pense avoir convaincu Roosevelt. Il a fait appel à l’armée. Nous avons réagi de notre mieux à chaque explosion de violence, mais nous ne savons ni où elles ont eu lieu ni combien il y en a.

— Moi, je sais. »

Jacques et Klaus, interloqués, tournèrent la tête.

Faye Vierra s’avança dans un rayon de lumière. Couverte de sang, les yeux écarquillés, elle tenait un pistolet. Il était ouvert et déchargé. Elle lâcha un chargeur sur le tapis, en sortit un neuf d’une poche, l’enfonça et actionna la culasse. Elle puait le sang et la mort.

Elle était terrifiante. Les anciens se taisaient.

« Depuis une heure, je me bats contre eux partout sur la planète. Je voyage là où la porte est le plus près de s’ouvrir. J’en ai arrêté des tas. Je ne sais pas combien j’en ai tué… » Faye se frotta la figure de sa main libre, se barbouillant encore plus de sang. « Je suis passée ici parce que j’ai un peu de temps avant la porte suivante. Je ne peux pas mener une guerre à moi toute seule. J’ai besoin d’aide.

— Quoi que la société puisse faire, c’est d’accord. » Jacques parlait au nom de tous.

« L’un de vous est un liseur, je le sens. » Faye les regarda les uns après les autres. L’Allemand leva la main. « D’accord. Écoutez bien. Je vais afficher dans votre tête une carte du monde. » Du coin de l’œil, elle aperçut un globe terrestre qu’elle fit décoller pour le reposer sur la table.

Elle maîtrisait plusieurs pouvoirs magiques !

« Dessus, vous allez repérer tous les endroits qui ont besoin d’aide, puis vous vous débrouillerez pour y envoyer des renforts. La Russie était mal barrée, avec tous les goulags de Staline, mais j’en viens. » Elle frissonna. « Ça n’est pas réglé, mais ils tiendront un moment. J’ai senti la mort de l’éclaireur, et ça ralentira ses bébés, mais ils s’excitent quand même. L’Imperium a pris les armes et mobilise même ses agents secrets dans des pays où ils n’étaient pas censés se trouver. Mais il y a des pays où nous pouvons aller et pas eux. Prêt ? »

Klaus hocha la tête puis porta les mains à ses tempes en hurlant. « Mein Gott !

— Ouais. Désolée. Pas le temps d’y aller doucement. Et maintenant envoyez de l’aide aux gens qui en ont besoin. La société n’a jamais eu de mission plus importante. »

Klaus saisit le globe, sortit un stylo de sa poche et entreprit de tracer des X aux endroits stratégiques.

Soudain, l’ensorcelée tressaillit et ferma les yeux en se concentrant. « Oh, non… J’y avais pas pensé… Personne n’y avait pensé.

— Qu’est-ce qui se passe, Faye ? demanda Jacques.

— L’éclaireur a poussé les chefs d’État à regrouper les actifs pour lui faciliter la tâche, mais il y avait depuis longtemps une réserve toute prête, dans un coin reculé, et le monstre vient d’y débarquer pour manger tout le monde. Faut que je file. Il n’y a que moi pour l’arrêter.

— Bonne chance, Faye. Et pardon.

— Ne vous rongez pas les sangs, Jacques. Je tiens toujours mes promesses. »

Billings (Montana)

L’aile des prisonniers spéciaux du pénitencier d’État de Rockville accueillait les criminels actifs les plus dangereux d’Amérique. C’était là que Jake Sullivan avait tiré six ans de travaux forcés. Il y avait à ce moment-là près d’un millier de détenus.

Faye arriva à l’instant où les derniers survivants étaient arrachés à leurs cellules. Tout s’était passé très vite. Une poignée d’écorchés, dissimulés parmi les gardiens, avaient attaqué et remplacé leurs collègues en quelques minutes. Ensuite, ils n’avaient eu qu’à cueillir leurs victimes.

La magie récoltée suffisait amplement à ouvrir la porte.

Faye atterrit au milieu de la prison presque déserte.

Une émanation de l’éclaireur l’y attendait dans le corps du directeur qui venait de mourir. Faye s’en attrista : Sullivan décrivait ce type comme un homme de bonne volonté qui lui laissait accès à la bibliothèque.

« Je te l’ai dit, je suis partout. » La plus grosse partie de l’éclaireur, et la plus intelligente, venait de périr à Shanghai, mais ce monstre avait la résistance du chiendent : en arracher la moitié n’éliminait pas la plante, et les racines se multipliaient. « Tu arrives trop tard. Partout nous sommes prévenus, et nous sommes en route.

— Pas grave. Je te tuerai.

— D’autres intelligences l’ont aussi prétendu autrefois. Toutes ont échoué. Tu es un être ordinaire. Tu n’imagines pas la durée de ce cycle. La proie choisit de nouvelles intelligences, et nous les dévorons. Le cycle se répète. La proie choisit de nouvelles intelligences, et nous les dévorons. Le cycle est éternel. La proie choisit de nouvelles intelligences, et nous les dévorons. Vous ne serez pas la dernière.

— Tu te trompes. » Des dizaines de milliers de gens étaient morts près de Faye au cours de la nuit, et elle s’était approprié leur lien avec le pouvoir. Elle ne pouvait plus comparer son énergie magique à un fleuve, à un torrent, à rien de quantifiable. Son pouvoir était le pouvoir, et le pouvoir comptait sur elle pour l’emporter. La créature était lasse de fuir. « Je suis la dernière. »

La marionnette de l’éclaireur leva les yeux sur le ciel noir. À Shanghai, il avait fait jour. Faye vit un cercle sans étoiles. Le cercle s’élargissait. C’était une ouverture qui donnait sur ailleurs.

« La proie va fuir, comme à chaque fois. Elle t’abandonnera. Tu deviendras faible, tu seras dévorée. C’est le cycle. Tu es une abomination. Tu es une intelligence qui a copié nos méthodes. Toi aussi, tu dévores la proie. Tu as pris ce qui nous revient de droit. Nous ne te laisserons pas prendre notre identité. »

Faye, fatiguée d’écouter cette litanie, leva son .45 et tira dans la tête de l’éclaireur. La nuit fut de nouveau silencieuse. C’était déjà ça.

Le grand ennemi était en route, attiré ici, à Rockville. Quand il aurait atterri, plus personne ne pourrait faire quoi que ce soit.

Faye passa en revue tous les emplois du pouvoir qu’elle connaissait. Elle pouvait choisir n’importe laquelle des connexions volées et plier la sienne pour la relier à la région du pouvoir qui correspondait, mais elle avait beau y réfléchir, elle n’en voyait aucune capable de faire du mal à l’ennemi. Si, une, peut-être, éventuellement, avec de la chance, mais elle ne savait pas comment s’en servir. Le pouvoir était une bestiole compliquée, avec des tonnes de morceaux, dont certains réussissaient rarement à se connecter à un être humain, et elle aurait pu en faire quelque chose, sans doute, mais se sentait bien incapable de les atteindre. Elle n’allait pas inventer un lien qu’elle n’avait jamais découvert auparavant – dans quel sens le plier ?

Le trou entre les étoiles s’élargissait. De l’autre côté, l’univers était d’une couleur qu’aucun œil humain n’avait jamais contemplée et pour laquelle les cerveaux humains n’avaient pas de nom. Le trou était loin, mais tout le monde dans l’hémisphère Nord pouvait déjà le voir. Le temps pressait.