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— Les clés sont où sont-elles ? questionne le natif de Saint-Locdu-le-Vieux.

— Aucune idée dans toutes ces ruines.

— Attends, j'ai mon opinel. Depuis l'temps que j'en vends, j'sais comment t'est-ce on ouv' des menottes sans clé.

Fectivement, en moins de temps qu'il n'en faut à un Touareg perdu dans le Sahara pour déguster une glace à la vanille, le Copieux m'a délivré.

— Occupe-toi de M. Blanc, dis-je, moi je vais acheter de l'aspirine.

Et je trace, emporté par un de ces vieux instincts sans lesquels le métier de flic ne serait que ce qu'il est.

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Ben Wilby était revenu dans la rue de la Muette au volant d'une vieille fourgonnette Renault, cabossée à souhait et portant sur ses flancs le nom d'une entreprise d'électricité.

Ce véhicule, bricolé selon ses indications, lui servait à planquer. Il était intérieurement pourvu d'une installation sophistiquée que son apparence ne pouvait laisser deviner. D'abord, il lui était possible de passer de la cabine du conducteur à l'intérieur sans avoir à en descendre, par un jeu de glissière de son dossier servant de trappe verticale. Il profitait de ce qu'il n'y avait personne à l'horizon pour s'accroupir derrière le volant et changer de compartiment.

L'intérieur était pourvu, sur trois faces, de créneaux optiques, invisibles du dehors, permettant une vue panoramique dix fois grossie, à l'arrière et sur les côtés.

Différents engins à l'utilité peu évidente garnissaient la fourgonnette. Tous étaient dus à l'esprit inventif de Ben Wilby. Cet homme « de bonne volonté » de l'ambassade américaine, espèce de petite C. I.A. à lui tout seul, avait appris à agir seul et efficacement. Pour cela il devait disposer d'un matériel des plus performants.

Assis sur un siège pivotant rivé au plancher de son véhicule, il demeurait des heures sans presque bouger, scrutant les abords de l'immeuble incriminé avec une acuité d'oiseau de proie. C'était l'homme de toutes les patiences. Prévoyant, il avait même aménagé dans l'étroit volume mobile un chiotte de caravaning pour ne pas être tributaire des exigences de la nature. il disposait également d'une pharmacie comprenant une quantité de produits nouveaux, susceptibles de conjurer la faim et le sommeil lorsqu'il le fallait.

Cela faisait deux heures qu'il guettait à son poste, écoutant de la grande musique que l'insonorisation perfectionnée de la fourgonnette réservait à ses seuls tympans lorsqu'il vit arriver une voiture qui stoppa à deux cents mètres de l'immeuble. il s'agissait d'une BMW blanche munie de la radio et du téléphone. Deux hommes se tenaient à son bord. Jusque-là, la chose n n'avait rien d'anormal, mais Ben Wilby tiqua lorsqu'il vit descendre l'un des occupants. L'apparence de cet homme lui parut anachronique. Il avait tout du clodo et portait néanmoins une superbe gabardine verte, made in England qui devait être neuve. L'homme s'avança en regardant les numéros des immeubles. Parvenu à la hauteur de celui qui surveillait Ben, il marqua un léger temps et s'y engouffra. Wilby décida de se mettre en état « d'alerte ». Il sentait les choses. L'homme qui venait d'entrer tenait à bout de main une enveloppe de papier kraft et c'était exactement le genre de messager que pouvait attendre un tueur à gages terré dans un studio. Ben reporta son attention sur l'occupant de la BMW resté à son volant. Le grossissement lui permettait de distinguer nettement son visage malgré l'éloignement. il s'agissait d'un individu d'une cinquantaine d'années, gras et chauve, affublé de lunettes à grosse monture d'écaille. Son visage ne « dit rien » à l'Américain. Il le situa, nonobstant, dans la catégorie des « douteux ».

Quelques minutes s'écoulèrent et une formidable déflagration retentit. De toute part des vitres se mirent à pleuvoir. Une fenêtre arrachée pendait par un gond à la façade de l'immeuble et une fumée noire accompagnée de poussière ardente sortit par l'ouverture. Wilby avait à peine tressailli. On pouvait tirer un coup de feu à vingt centimètres de son oreille sans le faire sursauter car il était sur un constant qui-vive qui le préparait à toutes les commotions.

Vivement, il regarda en direction de la BMW, certain de ce qui allait suivre. Effectivement, la voiture blanche déboîtait déjà pour partir. Wilby quitta alors son siège pour s'approcher d'une espèce de tube en acier noir monté sur un pied de métal. Le tube comportait un viseur et une détente, comme une arme de poing. Wilby visa le capot de la BMW et pressa la détente.

Aussitôt, la voiture stoppa alors qu'elle était déjà engagée dans la rue, bloquant celle-ci. Apparemment elle ne souffrait d'aucun impact ; seul Ben Wilby savait que son petit canon magnétique venait de faire fondre les vis platinées du delco.

Furieux, le gros conducteur s'acharnait sur sa clé de contact, mais la voiture restait silencieuse.

La rue commençait à grouiller, du fait de l'explosion. Des gens survenaient d'un peu partout et toutes les fenêtres des appartements occupés à cette heure de la journée se peuplaient de faces inquiètes.

Ben Wilby fit coulisser le dossier du siège et se coula à son volant. Dans le tohu-bohu ambiant, ii quitta la fourgonnette sans attirer l'attention.

La foule se rassemblait devant l'immeuble. Alertés par cent coups de fil simultanés, les perdreaux rabattaient dans le secteur et commençaient par le commencement, c'est-à-dire par houspiller les badauds.

Ben remonta la populace à contre-courant jusqu'à la voiture blanche autour de laquelle s'affairait le gros homme. Morlon était un champion du crime, mais au niveau de l'organisation. Les tracasseries de la vie courante le prenaient toujours au dépourvu.

Ben s'approcha de lui.

— En panne ?

— Ma voiture s'est arrêtée pile au moment où je déboîtais.

— L'allumage, diagnostiqua Wilby. Seulement vous allez devoir dégager la rue : il s'est produit une explosion de gaz un peu plus haut et les pompiers ne vont pas tarder. Mettez-vous au volant, je vais vous pousser.

Morlon remercia. Il suait sang et eau, ce secours providentiel le comblait. Il songea que cette chierie d'existence est heureusement jalonnée de connards doués pour le bénévolat et toujours disposés à jouer les gentils scouts.

— Braquez tout ! cria Wilby.

Il s'arc-bouta et parvint à faire reculer la voiture. Un agent qui survenait en rescousse lui prêta main-forte et la BMW retrouva son stationnement initial.

— Merci ! dit avec élan le gros conducteur.

— Pas de quoi, répondit Ben.

Il fit mine de vouloir donner une ultime impulsion à l'auto en panne en la poussant par un montant de la portière, côté conducteur. Au cours de sa manœuvre, sa main dérapa et s'abattit sur le cou de Morlon.

— Excusez ! fit-il en la retirant.

Morlon voulut crier car il venait d'éprouver une piqûre brève et cuisante comme celle d'une guêpe. Mais, en un éclair, il sentit ses forces s'anéantir et eut du mal à suivre la trajectoire de sa pensée.

Ben Wilby ouvrit sa portière et le prit par le bras.

Morlon songea très confusément, au prix d'un effort considérable, que tout cela n'était pas clair, qu'il devait résister. Mais il était aussi flasque de corps que d'esprit.