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D'un pas cotonneux, il se mit à suivre son « bon Samaritain ».

— Ma voiture est à quelques mètres, je vais vous reconduire, promit ce dernier.

Il guida en le soutenant discrètement, le gros homme jusqu'à la fourgonnette et l'installa côté passager.

La foule grossissait. Il était temps de filer car, d'ici peu, la circulation allait être totalement bloquée rue de la Muette.

Juste comme il allait se mettre au volant, une voix cria :

— Hé ! Wilby ! Une seconde, please !

…………………….
…………………….

Je dévale l'escalier, malgré qu'il en manque un bon morcif à notre étage. Saut de cabri (au lait).

Le porche. La concierge médusée, sa culotte aux chevilles (Béru, merci !) est sous le porche, comme une infante mineure violée par des hordes venues d'Asie (également Mineure).

Déjà y a du poulet en uniforme qui s'annonce, que je bouscule. « Hep, pas si vite, où courez-vous est-ce en testiculant de la sorte ? » (un sous-brigadier).

Je lui lance : « Commissaire San-Antonio, fais pas chier, esclave républicain. »

Et je débonde dans la strasse, si paisible habituellement.

Galvanisé à mort, ton Antoine chéri ! Sûr certain que cet élan n'est pas une berlue ; qu'il puise sa source au mont Gerbier-de-Jonc, tout comme la belle et noble Loire[7].

C'est plein de quidams et de quimonsieurs qui se la radinent peureusement, comme mouches à merde myopes sur une affiche de Le Pen. Je stoppe un brin d'instant pour sonder les alentours. Et je vois surviendre deux gus dont l'un me paraît soutiendre l'autre qui serait défaillant des cannes. Mon cerveau, c'est un vrai répertoire. Je dois, avant d'aller plus loin, te préciser que nous tenons parfois des séminaires, nous autres, les grands flics à chevrons. On se bouclarès dans une auberge charmante des environs de Pantruche. Et là, à l'abri des indiscrets de la ville, nous échangeons des renseignements, nous nous passons des films techniques, nous nous montrons des photos.

Moi, le mec qui aide l'autre à arquer et qui paraît l'entraîner d'autor, je suis certain d'avoir eu son portrait en face de moi, projeté en diapo sur un écran pliable. Face et profil. En plan général. Pris dans la rue, tout bien. Et c'est même un gazier de la D.S.T. venu nous faire une conférence, qui commentait sa frimousse. Il disait : « Cet individu se nomme Ben Wilby, sujet américain. Il est attaché à l'ambassade des U.S.A. à Paris pour y faire des besognes marginales. Sans doute appartient-il à la C.I.A. Son rôle reste obscur, mais, d'après nos renseignements, il serait très efficace. Il est une sorte de Père Joseph qui prend en charge les questions délicates : surveillance, protection, filatures, enquêtes sur des citoyens que les Ricains tiennent à l'œil. Il est bon que vous vous le colliez dans le collimateur afin que vous sachiez à qui vous avez affaire, le cas échéant, si votre route croisait la sienne. »

Ensuite, il nous avait montré d'autres farceurs, le zig de la D.S.T. : des Ruskoffs, des Bulgares, des Cubains, toute une faune bizarre, à la vie cloporteuse. De ces gens issus de la nuit, faits pour y retourner un jour sans tambour ni trompette après avoir manigancé des choses troubles dans des milieux cloaqueux.

Or, donc, pour messire Bibi, le petit photomaton intérieur fonctionne. Je vois ce gars chafouin, avec son bitos pour productions en noir et blanc, illico mon fichier le tire des limbes et je me dis : « Ben Wilby. » Et comme je pense à toute vibure, je pige que les Yankees l'ont mis sur la piste Aubergenville. Il devait faire le pet devant l'immeuble. Il a découvert des louchetés et le voilà qui s'embarque un zigus. Pas si vite, my friend. Par-dessus la foule en coagulation, je mugis, pis que les féroces soldats dont cause notre immortelle Marseillaise.

— Hé ! Wilby ! Une seconde, please !

I

Il a perçu mon appel et s'est arrêté. Son compagnon dodeline, comme s'il était premier prix de boisson…

Je les rejoins, radieux.

— Heureux de vous connaître, monsieur Wilby. Je suis le commissaire San-Antonio.

Il renfrogne à vue de nez, cézigo. Pas joyce de se voir interpeller en plein turf.

— D'où me connaissez-vous ? demande-t-il.

— De réputation, fais-je avec un clin d'œil. Je sais bien que les Français sont des pommes, mais ils se tiennent néanmoins informés de l'activité des gens circulant sur leur hexagonal territoire.

C'est cocasse, ce brusque désarroi emparant un homme comme lui, prêt à tout et au pire, dont la conscience doit ressembler à un pot de chambre plein de merde pas belle.

— Que me voulez-vous ?

— A vous rien ; simplement je vous suggère que nous nous occupions de ce gentleman tous les deux ; on le partage en camarades. Correct, non ? Mais grouillons-nous de filer car la rue sera barrée dès qu'arrivera le corps d'élite de nos pompiers parisiens…

Il sait faire front, Ben.

Sans piper il s'installe à son volant tandis que j'aide le gros type à grimper et que je prends place à mon tour dans la cabine du véhicule.

Avec peine, il se dégage. Des draupers qui déboulent d'un car grillagé nous barrent la route.

— Stop !

Je brandis ma brème par la portière.

— Permettez, je leur dis : y a urgence !

Ils saluent et nous ouvrent la voie pour faciliter notre décarrade.

— Vous voyez que je sais me rendre utile, monsieur Wilby ? Vous ne pouviez pas trouvez un camarade plus précieux que moi pour faire joujou.

* * *

C'est dur de trouver un coin paisible à la campagne quand tu es en plein Paris.

Voyant que l'Amerlock pilote fissa en direction de l'autoroute de l'ouest, je lui demande :

— Vous avez un endroit discret où conduire ce brave monsieur ?

— J'entendais le questionner dans ma voiture, à l'arrière. Mais pour cela, il me faudrait un coin de bois discret.

— Vous comptiez le laisser dans le bois, après cet interrogatoire ?

— Peut-être.

— A la verticale ou à l'horizontale ?

— Pour qui me prenez-vous ?

— Je demande à tout hasard : après tout je ne vous connais pas bien. J'ajoute que vous devez oublier ma qualité d'officier de police. Dans le cas présent, j'agis de manière occulte ; un peu comme vous. J'appartiens à un département assez spécial de la Rousse, mon vieux. Je me permets de gambader en marge quand on le juge utile en haut lieu, vous pigez ?

Il acquiesce, prudent. On dirait un petit racketteur de Chicago. Le genre de porte-coton de caïd qui passe ramasser la comptée dans les bars ou les blanchisseries « sous protection ».

Il questionne :

— Que s'est-il produit dans l'immeuble ?

— Ce gros lard blême a envoyé au type que vous surveilliez un mec piégé chargé d'un pli. Quand votre client a décacheté la lettre, tout a sauté et ce qui reste de plus gros du messager tiendrait dans votre beau chapeau. J'ignore ce dont il s'est servi comme explosif, mais c'était du concentré.

— Et le gars est mort aussi ?

— De même que sa poule. Si je m'en suis tiré, c'est parce que je gisais sur le plancher.

— Vous l'aviez fait parler ? s'enquiert Wilby, préoccupé.

— Pas mèche : un coriace, mens-je. C'est bien pourquoi on le tenait à dispose, chez lui. Une fois arrêté, il plongeait dans les rouages judiciaires et adieu Berthe !

— Vous croyez que ce gros dégueulasse est au courant ?

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7

Jamais perdre une occase d'instruire la jeunesse. SAN.-A.