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La prostite, c'est beau quand t'es jeune et carrossée Bertone, mais quand t'as morflé ta dose de carats, que t'as des dominos empochables et des miches en goutte d'huile, avec un intervalle de deux mains en haut des cuisses, c'est plus rentable !

Il met un bout à répondre, Akourdidé. D'origine, il est libanais et, bien que né en Francerie, avec une mother native de Pithiviers, il parle doucereux, tu vois ? Genre loukoum, en zézayant légèrement.

— Oh ! cher commissaire, quelle grande joie vous me faites !

— Tu sais bien que tu es comme les Incorruptibles, Popaul : dans les cas difficiles, on fait appel à toi !

— Que puis-je pour servir votre renommée ? demande cet être délicat.

— Je voudrais te poser une question un peu glauque, amigo : un tueur à gages qui travaillerait avec gros calibre en compagnie d'une gonzesse ; t'aurais ça dans un recoin de tes méninges ?

— Vous ne pouvez pas m'en dire plus, commissaire ?

— C'est tout ce que je tiens à ta disposition, et encore, rien n'est prouvé rigoureusement.

Il fait un petit bruit de bouche, comme quand t'as bouffé une blanquette de veau et qu'il t'en est resté entre les chailles.

Il turbine du bulbe, le retraité. Tu penses que ce genre de colle ça lui tient à cœur. Le voilà en pleine surchauffe de la matière grisâtre !

— Franchement, je ne vois pas, commissaire. Vous savez, dans les différents compartiments du crime, les tueurs à gages sont les plus difficiles à cadrer. Il n'y a rien de plus prudent, de plus méfiant, de mieux organisé. Ce qui les rend presque invulnérables, c'est qu'ils butent des gens qui n'ont aucun rapport avec eux et qu'ils n'ont jamais vus la plupart du temps.

« De plus, ils opèrent de manière ponctuelle, en espaçant leurs prestations. Il est rare qu'ils frayent avec le mitan ; certains ont même un job de couverture. Et puis, surtout, ils sont très peu nombreux. »

— Justement, ça devrait permettre de les connaître, objecté-je.

— Ne croyez pas ça, commissaire.

— Ecoute, Paulet, il faut bien qu'ils aient un point de chute, voire un « imprésario ». Suppose que je sois disposé à faire flinguer ma belle-mère, à qui devrais-je m'adresser ?

— C'est une question de coup de pot.

— Mais encore ? Allez, je te pose la colle : si je cherchais un tueur à gages, comment le recruterais-je ?

Un long temps de réflexion, car Akourdidé n'est pas du genre cacatoès qui jacte pour ne rien dire de valable.

Puis :

— Je suppose qu'il existe une frange interlope où il faut aller grenouiller. Je viens de vous dire qu'un tueur professionnel ne se mêle pas au Milieu ; il n'en reste pas moins que c'est par des accointances de mauvais aloi qu'on parvient à trouver la porte où frapper. Vous tentez de rencontrer des gens au pedigree douteux et vous leur glissez dans le tuyau de l'oreille que vous aimeriez trouver un volontaire pour « donner une bonne correction », moyennant finances, à quelqu'un qui vous désoblige.

Y a qu'Akourdidé pour user d'expressions aussi surannées que « mauvais aloi », « désobliger » ou « interlope » :

— Et tu penses que le bouche à oreille constitue la seule filière valable ?

— C'est probable, commissaire. Dans l'univers des gorilles retraités, aussi, il doit être porteur. Les tueurs à gages sont parfois d'anciens mercenaires qui se sont carrément mis à leur compte, la guérilla ne payant plus son homme.

— Y en a bien qui sont tombés ?

— Naturellement, exemple Main-de-cuir, ainsi surnommé parce qu'il portait une prothèse en guise de main gauche. Lui, il avait conservé un côté « tête brûlée forte en gueule » qui l'a perdu. Il existe aussi des gars qui croient faire le poids. Des cavillons cruels pour qui un flingue est un fonds de commerce et qui vous surineraient n'importe qui pour une poignée de fèves. Ils sont donnés en moins de jouge par des arcans que leurs exploits défrisent.

— Je te pose la question antonyme, Popaul : tu as bien eu vent de mecs insaisissables ?

— Certes, mais ce ne sont que des points d'interrogation. On flaire leur participation à des petits airs de parenté entre certaines affaires. On se dit : le tueur de la rue de Passy doit être le même que celui du Vésinet, l'année dernière. Une manière de loger sa balle dans la nuque de la victime, ou bien d'en grouper deux en plein cœur par sécurité. Certains butent les gens dans leur bagnole, au déboulé de leur garage. D'autres s'introduisent chez eux pour les plomber.

On est là, on bavasse. J'ai l'impression d'interviouver le retraité des Sommiers en vue d'un papier pour France-Soir. On pourrait en dégoiser encore des tinées sans que je me fasse tartocher. L'est intéressant, Akourdidé. Depuis mon recoin, j'aperçois le jeune plongeur de l'établissement, un gentil Nordaf frisotté en train de lutiner la caissière descendue faire pipi. Il lui explique comme quoi « Vous êtes une sacrée jolie femme, madame Marthe » et la vioque, garnie de cul et de doudounes surgonflés, coupe à mort dans le madrigal, pâme comme une vache, trémousse son fion grassouillet. L'Arbi, lui reste plus qu'à se régaler un chouille. Une petite main tombée (préalablement essuyée à son tablier blanc). Un frottis-frotta d'inspiration canine contre le monstre dargeot de la mère. Il a les amygdales enflées, cézigo ! Alors il rechigne point trop sur le produit. Avec le tricotin qu'il promène, il bêche pas question carats de la mémé, son poids, ses bas à varices. La fine bouche c'est pour les bande-mou ! Le tringleur impétueux, pourvu qu'il trouve un orifice à crinière où caser sa bonne marchandise, il est joyce ! C'est pourquoi, quand les hordes soldatesques déferlent, les grands-mères ont droit encore à des coups de rapière, les vieilles chéries. Elles écument le trop-plein des ardeurs érotiques ; l'aubaine !

Mme Marthe, elle émoustille, je peux te dire. Dommage qu'elle soit bardée de gaine, culotte renforcée et autres sous-vêtements à armature. Le Maghrébin s'y ébrèche les ongles.

— Vous êtes toujours en ligne, monsieur le commissaire ?

— Bien sûr, Paul. Je réfléchissais. T'as rien de plus à me bonnir ?

— Votre problème se présente comment ?

La fliquerie lui revient au galop, l'apôtre. La nostalgie est bien toujours ce qu'elle était !

Je lui narre. L'Excellence suspendue par une pattoune dans la baignoire, les sévices affreux, la balle de fin de match, grosse comme un pruneau d'Agen.

— Bougez pas, s'écrie-t-il, je pense à quelque chose !

Dès lors, comme on dit puis en politique, je retiens mon souffle. Mais pas le plongeur nordaf, au fond du couloir. La mère Marthe, charitable, lui astique le pollux à tout va. Ce qu'est unique, chez la femme, c'est son abnégation. Pouvant pas se laisser beurrer le trésor ici, voilà que la brave caissière éponge les ardeurs du Nordaf à la mano, lui décrisper la glandaille, Moktar, qu'il reste opérationnel à son bac. Te le fourbit à l'énergie ! Que ça gicle ou que ça casse, bongu de bois ! Lui il est chibraqué de première. Alors il laisse voguer l'esquif de ses fantasmes, regard perdu, mâchoires crochetées. Et dame Marthe te lui moignonne le Nestor en trombe. C'est que dis : le temps presse. Deux employés absents de leur poste, ça pourrait éveiller les soupçons patronaux.

— A quoi penses-tu, Paul ?

— Les menottes, vous dites qu'il a été suspendu par des menottes ?

— Yes, mec, pourquoi ?

— Deux ou trois affaires d'assassinats, restées sans solution, mentionnaient l'utilisation de menottes. On en trouvait des traces aux poignets des victimes, car le meurtrier les récupérait avant de partir. Si vous voulez, je peux retourner aux archives faire des recherches ?