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— Ce ne sera pas long, promit-il.

— Tiens, celle-là, je ne l’avais encore jamais entendue. D’accord, amiral. Comptez-vous monter bientôt sur la passerelle ? » ajouta-t-elle sournoisement.

Il vérifia l’heure. « J’en ai encore pour un petit moment. Il n’y a pas de presse, n’est-ce pas ?

— Bien sûr que non », admit Desjani.

Aucun des deux ne savait exactement quand ça commencerait à bouger. Les incertitudes quant au temps que mettrait certain vaisseau pour traverser un autre système stellaire étaient trop nombreuses. Cela dit, le plan proposé par les représentants du général Drakon triompherait ou échouerait dans les douze heures qui suivraient.

Geary mit un point d’honneur à se baguenauder jusqu’à la passerelle. Il s’arrêta à plusieurs reprises pour bavarder avec des hommes d’équipage. La plupart lui demandaient « Quand partons-nous ? » ou quelque chose d’équivalent, et il leur promettait plus ou moins : « Bientôt. »

Sur la passerelle, Desjani lui adressa un signe de tête puis montra son écran. « Excellente mise au point, amiral. Vous voulez la diffuser ?

— Vous n’auriez pas une suggestion pour l’améliorer ? demanda Geary en prenant place, avant d’afficher sur son propre écran la situation du système stellaire.

— Non. C’est un de ces moments où les mots qui viennent spontanément du cœur sont les mieux accueillis.

— Alors transmettez à la flotte, je vous prie, commandant.

— Certainement, amiral.

— Aucune nouvelle du CECH Boyens aujourd’hui ? »

Elle eut un geste empreint d’indifférence. « Rien qu’une nouvelle plainte à propos de provocations de notre part. Que vous ayez placé de si nombreux vaisseaux sur une orbite éloignée de dix minutes-lumière seulement du portail lui fait apparemment l’effet d’une menace.

— Et de huit minutes-lumière de sa flottille, précisa Geary. Lui avons-nous adressé la réponse standard selon laquelle les autorités de Midway nous laissaient toute latitude pour manœuvrer dans ce système ?

— Il vous faudra le demander aux émissaires, laissa tomber Desjani, non sans une trace de dédain.

— Ce sera fait. » Son exaspération à l’encontre de Boyens n’avait cessé de croître à mesure que le CECH syndic lui faisait parvenir avec insistance des messages l’invitant prétendument à des négociations mais contenant surtout des allusions sarcastiques à son incapacité à quitter le système stellaire.

Mais, alors que la flottille syndic campait obstinément sur ses positions près du portail de l’hypernet, la présence de l’Alliance à proximité s’était gonflée de sept cuirassés, de onze croiseurs de combat, de dizaines de croiseurs lourds et légers et de quatre-vingts destroyers. Peu de ces vaisseaux étaient en excellente condition, mais tous disposaient au moins de la propulsion, de boucliers et des armes nécessaires à un affrontement. Geary avait donné à cette force le nom de formation Alpha et l’avait disposée en un gigantesque poing braqué sur l’ennemi.

Tandis que les bâtiments de l’Alliance prenaient position, la kommodore Marphissa avait entraîné les vaisseaux rescapés de la flottille de Midway et leur avait fait contourner celle de Boyens pour former une petite poche de défense bloquant toute manœuvre des Syndics vers l’étoile et limitant également leurs mouvements puisqu’elle menaçait aussi leur trajet jusqu’au plus proche point de saut.

« Il doit se rendre compte de ce qu’on fait », laissa tomber Desjani. Tant sa posture que sa voix laissaient entendre qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’il se passât aujourd’hui davantage que la veille ou l’avant-veille. « Boyens est peut-être un CECH syndic, mais ce n’est pas un imbécile.

— Il doit croire qu’en faisant mine de partir nous essayons de le bluffer, déclara Geary.

— N’est-ce pas exactement ce que nous sommes en train de faire ? » s’enquit-elle avec une feinte naïveté.

Si Geary avait été en train de boire, il aurait probablement avalé de travers. Par bonheur, une seconde plus tard, un événement lui épargnait toute velléité de réponse.

« Un autre vaisseau vient d’arriver au portail, rapporta le lieutenant Castries, dont la voix se fit soudain plus haut perchée, l’identité du nouveau venu lui devenant distincte. C’est le croiseur lourd de Midway qui a escorté son homologue jusqu’au point de saut pour Kane.

— Il est revenu par l’hypernet ? éructa le lieutenant Yuon. C’est…

— Pas très futé de sa part, affirma Desjani, toujours aussi calme et maîtresse d’elle-même. Il a dû croire que la flottille syndic avait décampé. Regardez ! Il la contourne pour piquer sur celle de Midway.

— Trop lentement, marmonna le lieutenant Castries. Commandant, les senseurs de la flotte estiment qu’il a perdu une unité de propulsion principale. On ne distingue pas de dégâts, c’est donc une panne de matériel.

— Les vaisseaux syndics ne disposent pas à leur bord d’autant de capacités à s’autoréparer que les nôtres, fit remarquer Desjani.

— Il est mal parti, confirma le lieutenant Yuon. Compte tenu de cette défaillance de sa propulsion, les systèmes de manœuvre évaluent les chances des Syndics de le rattraper bien supérieures à celle de la flottille de Midway.

— Vous semblez perplexe, lieutenant, lâcha Desjani. Pourquoi ?

— Je… » Yuon s’humecta les lèvres puis eut un geste d’impuissance. « J’ai comme l’impression qu’il est de notre côté, commandant. Même si c’est un croiseur syndic. S’il l’était, je veux dire.

— Ce n’est pas un croiseur syndic, convint Geary. Les Syndics l’ont sans doute construit, mais il appartient désormais à quelqu’un d’autre. Et des croiseurs qui, eux, répondent toujours aux autorités syndics sont en train de le pourchasser. » Il n’avait nullement besoin de se repasser les conclusions des systèmes de manœuvre. Rien qu’en étudiant à l’œil nu les trajectoires des vaisseaux sur son écran, il pouvait déjà affirmer que les croiseurs lourds et avisos syndics qui venaient de s’écarter d’un bond de leur cuirassé arriveraient à portée de tir du bâtiment isolé de Midway une demi-heure au moins avant qu’il n’eût rejoint ses camarades.

Geary tapota sur ses touches de com. « À toutes les unités de la formation Alpha, préparez-vous au combat. »

Il sentit se poser sur lui les regards stupéfaits de tous les occupants de la passerelle. Desjani elle-même feignait la surprise. À la seule exception de Tanya, ils n’avaient pas la première idée de la raison qui l’avait poussé à donner cet ordre. Pas encore. Il est trop tôt pour sortir le lapin du haut-de-forme.

« Parés au combat », ordonna Desjani à ses officiers. Des alarmes se mirent à brailler, appelant chacun à son poste de combat pendant que Geary continuait d’observer les autres vaisseaux puis décidait que le moment était venu de sa communication suivante. « Capitaine Desjani, je constate que ces croiseurs et avisos syndics qui visent une interception du croiseur de Midway nouvellement arrivé seront à portée de tir de leur cible dans huit minutes.

— C’est ce qu’affirment nos systèmes de combat, amiral.

— Établissez-moi un canal avec le vaisseau amiral syndic. »

Le cuirassé syndic à bord duquel se trouvait le CECH Boyens n’était plus qu’à huit minutes-lumière de l’Indomptable. Les croiseurs lourds et avisos s’en étaient déjà éloignés de près d’une minute-lumière et se rapprochaient rapidement du croiseur solitaire de Midway, en arrivant sur lui par-derrière et légèrement en surplomb. La flottille de Midway s’était ébranlée mais restait encore à plusieurs minutes-lumière de la position où les Syndics fondraient sur leur camarade.