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— N’espérez pas vous y soustraire, dit Tanya.

— J’espère que vous vous trompez, pour une fois. »

Mais, à mesure que les minutes défilaient, le vaisseau amiral de Boyens se maintenait obstinément sur la même orbite. Geary consulta les relevés des systèmes de combat et vit le compte à rebours descendre régulièrement vers l’instant où le cuirassé syndic se trouverait à portée des armes des vaisseaux de tête de l’Alliance. Un chiffre pour les missiles spectres, un autre pour les rayons de particules des lances de l’enfer, un troisième pour ces billes auxquelles on donnait le nom de mitraille et qu’on utilisait à courte portée et, enfin, un quatrième pour les générateurs de champs de nullité à très courte portée dont disposaient les croiseurs de combat et les cuirassés de l’Alliance.

Desjani étudiait son écran en secouant la tête. « S’il ne réagit pas dans les cinq minutes, nous le rattraperons avant qu’il n’atteigne le portail. »

Assise de l’autre côté de Geary, Rione prit la parole. « Pourquoi le CECH Boyens n’a-t-il pas cherché à communiquer avec nous ? s’étonna-t-elle. Pour nous accuser de l’avoir piégé, essayer de nous présenter ses excuses, n’importe quoi ? Oh, je sais !

— Consentez-vous à m’en faire part ? s’enquit Geary.

— Certainement, amiral. » Rione tendit une main, paume ouverte. « Les CECH syndics maintiennent leur pouvoir par la peur. Leurs subordonnées savent qu’ils ne doivent pas les contrarier. Mais, s’ils trouvent un de leur CECH en position de faiblesse, ils verront en lui une bête blessée. Une proie.

— Et des excuses ou une tentative pour esquiver notre attaque mettraient Boyens en position de faiblesse.

— D’extrême faiblesse, en même temps qu’il passerait pour un imbécile. » Rione forma un poing de sa main. « Il sait qu’on l’a piégé. L’admettre ouvertement serait enfoncer un dernier clou dans son cercueil.

— Il va rester et combattre, selon vous ?

— Ce serait du suicide. » Rione eut un geste marquant son indécision. « Mais le coût d’un échec à Midway pourrait être très élevé, et la colère engendrée par son humiliation pourrait le pousser à livrer un combat désespéré. Je ne saurais dire.

— Il lui reste encore deux minutes pour fuir, déclara Desjani. Nous devrions voir s’allumer dans les trente secondes les propulseurs de ces vaisseaux syndics, pour les positionner sur une trajectoire menant au portail. »

Trente secondes pour se demander si le plan retors et tortueux imaginé par les dirigeants de Midway n’allait pas exploser au nez de tout le monde. Sur la principale planète habitée, à des heures-lumière du portail de l’hypernet, la présidente Iceni et le général Drakon n’assisteraient aux événements que longtemps après qu’ils auraient eu lieu. Trente secondes pour se demander, en voyant s’égrener ces quelques secondes, ce qu’eux-mêmes en penseraient. Se sachant tombé dans le panneau, le CECH Boyens devait être furieux et frustré, conscient que son fiasco serait châtié par ses supérieurs hiérarchiques, mais aussi que, s’il perdait son cuirassé, ce châtiment serait certainement la mort. Trente secondes pour se demander s’il préférerait prendre ce risque à l’échec.

Dix secondes.

Cinq.

Trois

« Les propulseurs de manœuvre s’allument sur tous les vaisseaux de la flottille syndic, s’écria le lieutenant Yuon. Modification des vecteurs en direction du portail de l’hypernet.

— Nous y voilà, approuva Desjani. Il va attendre jusqu’à la toute dernière seconde pour activer ses propulsions principales.

— Et si Boyens calculait mal son coup ?

— Alors nous percerions quelques trous dans la peau de ce cuirassé pour lui rappeler qu’il devrait se donner à l’avenir une plus grande marge d’erreur. » Elle sourit à Geary. « Pas vrai ?

— Ouais. Celui qui pilote notre croiseur lourd “affrété” fait du sacrément bon boulot. »

Le croiseur lourd isolé avait continué de s’éloigner des croiseurs et avisos syndics qui le poursuivaient en accélérant à plein régime, tout en virant légèrement de côté et vers le bas afin de compliquer le plus possible leur traque aux missiles. Les yeux de Geary se reportèrent sur la flottille de Midway qui, elle aussi, virait de bord pour intercepter les croiseurs lourds lancés à ses trousses. « Ils ne simulent pas. Ils vont tenter de dégommer ces vaisseaux syndics. »

Desjani lui lança un regard en biais. « Les croiseurs lourds de Midway ne sont que trois contre les six syndics. Quelques croiseurs légers de plus ne rétabliront pas l’équilibre. Si la kommodore fonce dans le tas, la flottille de Midway va sévèrement se faire tanner le cuir.

— Probablement, admit Geary. Espérons qu’elle sera plus futée que cela. » Quelque chose retint soudain son attention : les Danseurs s’élançaient de leur dernière orbite et piquaient dans sa direction. « Je me demande à quoi pensent ceux-là en assistant à ce spectacle.

— S’ils nous observent depuis aussi longtemps que nous le soupçonnons, ils doivent probablement se dire : affaires courantes pour des humains.

— Ils ignorent encore beaucoup de nous, lâcha pensivement Charban. Je suis bien certain qu’ils observent de très près tous nos faits et gestes. »

Comparée à lui, Rione semblait amusée. « Il ne serait pas inintéressant de connaître leur interprétation de ce qu’ils ont pour l’instant sous les yeux. »

Geary ne répondit pas cette fois : ses yeux se rivaient de nouveau sur le défilement d’un compte à rebours. Si la flottille syndic n’allumait pas ses propulsions principales dans les vingt secondes à venir, la flotte de l’Alliance arriverait inexorablement à portée de tir de ses vaisseaux avant qu’ils n’aient emprunté le portail.

« Il ne s’accorde pas une très grande marge d’erreur, reconnut Tanya. Même s’il… Très bien. Pas trop tôt. » Elle avait l’air légèrement dépitée.

« Les unités de propulsion principales de tous les vaisseaux syndics viennent de s’allumer, déclara le lieutenant Castries. Accélération maximale.

— Sur le fil du rasoir, marmonna Desjani. Je me demande si…

— Si quoi ? s’enquit Geary.

— S’il s’agit vraiment de l’orgueil blessé de Boyens. Peut-être essaie-t-il de nous narguer une dernière fois en restant pratiquement hors de portée puis en s’engouffrant dans le portail avant que nous puissions le frapper.

— Ça reste un jeu dangereux. En la jouant trop subtile, il lui suffirait de rater son coup d’un cheveu pour s’en prendre plein la tête. »

L’écran de Geary parut onduler : une série de mises à jour venaient de s’y afficher. « Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Données tactiques transmises par la flottille de Midway, répondit Desjani. J’ai demandé à mes gens de ne pas les afficher en temps réel mais de les filtrer et de ne laisser passer que des mises à jour périodiques. »

Tu laisses passer les transmissions d’une flottille d’ex-vaisseaux syndics ? s’étonna Geary. Cela dit, il se rendait compte que ce lien tactique fournissait des renseignements utiles sur le statut des vaisseaux de Midway, tout comme, au demeurant, sur le croiseur lourd isolé qui fuyait les Syndics et dont l’identification lui apparaissait à présent : c’était le Manticore.

Les missiles tirés sur le Manticore avaient rectifié vitesse et trajectoire pour maintenir un cap d’interception après qu’il avait lui-même accéléré et manœuvré. Ils continuaient de se rapprocher, mais la lenteur relative avec laquelle ils gagnaient du terrain sur lui en faisait d’excellentes cibles pour l’armement de l’Indomptable. Geary vit les lances de l’enfer du croiseur de combat frapper les missiles de tête et en détruire quatre. Il n’en restait pas moins vingt.