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Desjani sourit à leur vue. « Excellent. Rien de tel que quelques fusiliers pour impressionner des Syndics. »

Elle pénétra en tête dans le dock, où la navette s’était posée et attendait, sa rampe encore fermée. « Ouvrez », ordonna-t-elle.

La rampe s’abattit et Geary s’approcha de son extrémité inférieure pour jeter un regard à l’intérieur.

Il ne fallut aux envoyés de Drakon que quelques secondes pour se présenter à son sommet. Geary les avait déjà vus tous les deux, debout derrière le général dans certains de ses messages. Un homme et une femme, l’un et l’autre en uniforme. Il éprouva comme une indéfinissable sensation d’inquiétude quand, d’un pas sobre et mesuré, ils entreprirent de descendre la rampe dans sa direction. Ils n’avaient pas l’air dangereux, néanmoins une petite voix lui soufflait de ne pas les sous-estimer.

Il remarqua du coin de l’œil que les fusiliers changeaient légèrement de posture, comme s’ils se préparaient à contrecarrer toute initiative imprudente des deux visiteurs.

Qu’il pût se retrouver confronté à une tentative d’assassinat contre sa personne de la part des représentants de Drakon ne lui était même pas venu à l’esprit. Négligence aussi fatale qu’impardonnable lorsqu’on rencontrait des Syndics ou d’ex-Syndics face à face, se rendait-il compte. Mais au moins Desjani avait-elle eu la prévoyance de mettre des fusiliers à sa disposition.

« Colonel Morgan », se présenta la femme comme si cela suffisait à lui apprendre tout ce qu’il y avait à savoir sur elle. Sur le ton qu’aurait pu employer Geary pour dire : « Je suis Black Jack. » Mais jamais il ne s’y aventurait, et il se demanda qui pouvait bien être cette femme pour qu’il émanât d’elle une telle aura d’arrogante compétence. Elle était indéniablement séduisante et évoluait avec toute la grâce inconsciente d’une ballerine ou de la pratiquante d’arts martiaux mortels. Le colonel Morgan semblait ignorer la présence des fusiliers – comme s’ils n’existaient pas –, et Geary eut la désagréable impression que, si on l’avait effectivement envoyée pour l’éliminer, ils ne l’auraient pas beaucoup entravée dans l’accomplissement de sa mission.

« Colonel Malin. » L’homme s’exprimait plus formellement et son attitude était aussi plus réservée, empreinte de la déférence à laquelle on pouvait s’attendre de la part d’un subordonné mais laissant néanmoins entendre qu’aucune tâche ne lui semblerait trop ardue. Il paraissait beaucoup moins dangereux que Morgan. Pourtant l’instinct de Geary lui soufflait qu’on ne pouvait pas tenir cet homme pour anodin.

Lui-même s’était formé du général Drakon une opinion assez précise au fil des conversations officielles qu’ils avaient tenues. Il n’y en avait pas eu d’officieuses, naturellement. Un professionnel, s’était-il convaincu. Guère différent peut-être d’un officier supérieur de l’Alliance.

Mais Drakon avait fait de ces deux-là ses plus proches aides de camp. En raison des méthodes auxquelles on recourait dans les Mondes syndiqués, ou bien parce que le général se sentait personnellement rassuré par la présence, à proximité de sa personne, de deux individus mortellement compétents ?

Geary répondit d’un hochement de tête à ces présentations en s’efforçant d’interdire à son visage de révéler ses pensées. Eux savaient certainement qui il était, de sorte qu’il se contenta de désigner Tanya de la main : « Le capitaine Tanya Desjani. »

Il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer comment Desjani, Morgan et Malin se toisèrent sans mot dire, comme pour se jauger après ces très brèves présentations. Tanya les zyeutait ainsi qu’elle aurait scruté une force ennemie. Elle voyait clairement en eux une menace.

Le trajet jusqu’à la salle de conférence sécurisée fut aussi bref que silencieux. Les fusiliers ne pipaient mot et les coursives avaient été dégagées comme l’avait ordonné Tanya.

Une fois à l’intérieur, Geary attendit que Tanya eût scellé l’écoutille, laissant les fusiliers dehors contre toute raison selon lui, avant de s’asseoir et d’adresser un signe de tête aux deux officiers sans leur proposer de siège. « Qu’est-ce qui est si important pour que votre général m’envoie deux de ses représentants personnels et pour qu’on ne puisse même pas me le transmettre par un canal sécurisé ? »

Au lieu de répondre aussitôt, Malin et Morgan tournèrent le regard vers Desjani : le défi brillait dans les yeux de la seconde, tandis que ceux du premier semblaient subtilement poser une question. « L’affaire ne concerne que vous seul, amiral, déclara Morgan.

— Ce sont nos ordres, ajouta Malin en lui jetant un coup d’œil manifestement agacé. J’espère que vous comprendrez, amiral. »

Geary se rejeta en arrière comme pour bien leur faire comprendre qu’il ne se sentait nullement menacé et restait le seul garant de son autorité. « J’espère que vous comprendrez vous-mêmes qu’on ne peut rien m’imposer sur mon propre vaisseau amiral. Le capitaine Desjani en est le commandant ainsi que mon plus fiable conseiller. Elle assistera à toutes les discussions. »

Malin se figea imperceptiblement puis acquiesça d’un hochement de tête.

Le regard de Morgan, comme amusé, se reporta de Geary sur Desjani. « Nous comprenons les relations… particulières », déclara-t-elle sur un ton qui fit se crisper les mâchoires de Tanya.

Le sous-entendu ne plut guère non plus à Geary, mais il n’allait certainement pas se défendre de sa relation avec son capitaine devant ces deux-là. « Poursuivez, en ce cas. »

Le colonel Malin reprit la parole sur le même ton déférent. « La présidente Iceni nous a demandé de vous transmettre sa requête personnelle d’une entrevue avec les Danseurs. »

Geary haussa les épaules. « Nous avons déjà dit à la présidente Iceni que les Danseurs avaient décliné tout contact direct avec elle comme avec tout autre représentant de Midway. Nous en ignorons la raison. Ils ne s’en sont pas expliqués. Je peux leur reposer la question, mais je ne m’attends pas à une réponse différente.

— Votre présidente n’aimerait peut-être pas rencontrer personnellement les Danseurs, ajouta sèchement Desjani.

— Nous avons vu les photos que vous nous avez fournies, répondit Malin avec l’ombre d’un sourire. Nous savons les Danseurs…

— Hideux, termina Morgan pour lui.

— Ils nous ont sauvé les fesses, affirma Desjani d’une voix trompeusement affable.

— Nous aimerions les remercier d’avoir détourné le bombardement des Énigmas visant notre planète, intervint Malin avant que Morgan eût pu reprendre la parole. Dans l’idéal, nous préférerions le faire en direct… si vous pouviez le leur expliquer.

— Je transmettrai, affirma Geary sans trop se mouiller.

— Le général Drakon, pour sa part, a une requête personnelle, amiral : il aimerait qu’on nous laisse accéder au vaisseau que vous avez baptisé l’Invulnérable.

— Non, répondit fermement Geary. Nous en savons beaucoup trop peu sur ce bâtiment. Votre général m’a appris que vous vous inquiétiez encore de la présence d’agents syndics opérant en sous-marin dans votre système stellaire. Je ne peux pas prendre le risque de laisser tomber le peu que nous en connaissons entre les mains des Mondes syndiqués. Je vais me montrer brutal, colonel : aucune de ces requêtes ne justifie l’extrême inquiétude pour votre sécurité qu’a soulevée votre visite. De quoi s’agit-il réellement ? »

Malin opina, non sans laisser transparaître son admiration pour un adversaire qui ne se laissait ni distraire ni endormir. « Une opportunité s’est présentée, amiral. Une occasion de résoudre un problème qui vous préoccupe tout autant que le général Drakon et la présidente Iceni. Tant que le CECH Boyens commandera ici à une flottille des Mondes syndiqués plus puissante que nos propres forces mobiles, nous ne serons pas en sécurité. En se fondant tant sur vos interventions précédentes que sur vos entretiens avec eux, nos supérieurs, le général Drakon et la présidente Iceni, estiment que vous devriez souhaiter vous aussi que le CECH Boyens et sa flottille quittent Midway avant votre propre départ.