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— Tu sais où elle va ? demanda-t-elle.

Alex hocha la tête avec un sourire entendu. L’infirmière chef ne leur accorda même pas un regard. Elle avala son café avant de disparaître. Ils l’entendirent s’éloigner dans les couloirs d’un pas pressé.

— Elle va retrouver son « homme mystère », dit-il.

Diane le fixa. À ce moment, il avait l’air d’un jeune garçon espiègle s’apprêtant à livrer son plus grand secret à son meilleur pote.

— C’est quoi, cette histoire ?

— Tout le monde sait que Lisa a un amant à Saint-Martin. Mais personne ne sait qui c’est. Personne ne l’a jamais vu avec elle. Quand elle sort comme ça, en général elle ne revient pas avant le matin. Quelques-uns ont déjà essayé de la taquiner là-dessus et de la faire parler, mais chaque fois elle les a envoyés sur les roses. Le plus étrange, c’est que personne ne les a jamais vus ensemble, à Saint-Martin ou ailleurs.

— C’est probablement un homme marié.

— Dans ce cas, sa femme doit avoir un boulot de nuit.

— Ou un métier qui l’amène à effectuer des déplacements loin de chez elle.

— À moins que ce ne soit quelque chose de beaucoup plus inavouable, suggéra Alex en se penchant par-dessus la table et en prenant un air démoniaque.

Diane s’efforçait d’avoir l’air détachée. Mais elle ne parvenait pas à faire abstraction de ce qu’elle savait et la tension ne la quittait pas.

— Comme quoi, par exemple ?

— Elle participe peut-être à des soirées libertines… Ou bien c’est elle l’assassin que tout le monde cherche…

Elle sentit un grand froid dans son ventre. Elle avait de plus en plus de mal à dissimuler l’inquiétude qui l’habitait. Son rythme cardiaque s’accéléra : Lisa Ferney dehors toute la nuit… C’était l’occasion ou jamais…

— Pas vraiment pratique le manteau blanc et le pull rose pâle pour trucider les gens, essaya-t-elle de plaisanter. Un peu salissant, non ? Et puis se maquiller comme ça pour…

— Elle les séduit peut-être avant de les zigouiller. Tu sais : le genre mante religieuse.

Alex avait l’air de beaucoup s’amuser. Diane aurait préféré en finir avec cette conversation. Son estomac ressemblait à un bloc de ciment.

— Et après elle va pendre sa victime sous un pont ? C’est plus une mante religieuse, c’est Terminator.

— Le problème avec vous les Suisses, c’est votre sens pratique, la taquina-t-il.

— Je croyais que tu appréciais notre sens de l’humour typiquement helvétique ?

Il rit. Diane se leva.

— Il faut que j’y aille, dit-elle.

Il hocha la tête en levant les yeux vers elle. Son sourire était un tout petit peu trop chaleureux.

— D’accord. Moi aussi, j’ai du boulot. À plus tard, j’espère.

À 18 h 30, Servaz avait bu tellement de mauvais café et fumé tant de cigarettes qu’il commença à se sentir carrément malade. Il fila dans les toilettes se rincer le visage à l’eau froide et il faillit vomir dans la cuvette des WC puis la nausée s’éloigna sans disparaître complètement.

— Putain, qu’est-ce qu’ils foutent ? demanda-t-il en revenant dans la petite salle d’attente pourvue de sièges en plastique où patientaient les membres de la brigade.

Diane referma la porte derrière elle et s’y adossa, le cœur battant.

La pièce baignait dans la même clarté gris-bleu que le bureau de Xavier la veille.

Un parfum entêtant. Diane le reconnut. Lolita Lempicka. Sur la surface lisse du bureau, un flacon accrochait la lueur pâle venue de la fenêtre.

Par où commencer ?

Il y avait des classeurs métalliques, comme dans la pièce de Xavier, mais d’instinct Diane décida de s’attaquer au bureau proprement dit.

Aucun tiroir n’était verrouillé. Elle alluma la lampe afin d’en examiner les contenus et découvrit un très curieux objet sur le sous-main — une salamandre en or jaune sertie de pierres précieuses : rubis, saphirs et émeraudes. Posé au vu et au su de tous, l’objet servait de presse-papiers et Diane se dit que, vu sa taille, il ne pouvait s’agir que de fausses pierres et de plaqué. Elle s’intéressa ensuite au contenu des tiroirs. Des classeurs de couleurs différentes. Elle les ouvrit. Tous concernaient le travail de l’infirmière chef à l’Institut. Notes, factures, rapports d’entretiens, suivis de traitements… Rien ne détonnait. Du moins jusqu’au troisième tiroir.

Une chemise cartonnée dans le fond…

Diane la sortit et l’ouvrit. Des coupures de presse… Toutes parlaient des meurtres de la vallée. Lisa Ferney avait soigneusement collecté les informations les concernant.

Simple curiosité — ou autre chose ?

Le vent mugit sous la porte et, pendant un instant, Diane interrompit ses recherches. La tempête se renforçait à l’extérieur. Un frisson la parcourut puis elle se remit au travail.

Les classeurs métalliques… Les mêmes dossiers suspendus que chez Xavier… Tandis qu’elle les ramenait dans la lumière et les examinait un par un, Diane se dit qu’elle perdait son temps. Elle ne trouverait rien parce qu’il n’y avait rien à trouver. Qui serait assez fou ou assez idiot pour laisser dans son bureau des traces de ses crimes ?

Tout en compulsant les papiers, son regard tomba de nouveau sur le bijou, la salamandre qui brillait de mille feux dans le halo de la lampe… Diane n’était pas une spécialiste mais c’était quand même une très belle imitation.

Elle fixa l’objet. Et si le bijou était authentique ?

À supposer qu’il le fût, qu’est-ce que cela lui disait au sujet de l’infirmière chef ? D’une part, que son pouvoir et son autorité étaient tels en ces lieux qu’elle savait que personne n’oserait pénétrer à son insu dans son bureau. D’autre part, que son amant était un homme riche, car, si ce bijou était authentique, il valait une petite fortune.

Diane médita ces deux aspects. Elle sentit instinctivement qu’elle tenait quelque chose.

Les deux représentants de l’inspection de la gendarmerie étaient en civil et leurs visages auraient pu être des masques de cire tant leurs traits étaient dépourvus d’expression. Ils saluèrent Cathy d’Humières et Confiant d’une brève et formelle poignée de main et demandèrent à interroger le capitaine Ziegler en priorité et seuls. Servaz allait protester mais la proc le devança en satisfaisant immédiatement à leur requête. Une demi-heure s’écoula avant que la porte de la pièce où était enfermée Ziegler ne s’ouvre à nouveau.

— À mon tour d’interroger le capitaine Ziegler seul, intervint Servaz à leur sortie. Je n’en ai pas pour longtemps. Ensuite, nous confronterons nos points de vue.

Cathy d’Humières se tourna vers lui et elle s’apprêtait à dire quelque chose lorsqu’elle croisa son regard. Elle se tut. Mais une des deux statues de cire s’anima.

— Un représentant de la gendarmerie n’a pas à être interrogé par un…

La proc leva une main pour l’interrompre.

— Vous avez eu votre temps, non ? Vous avez dix minutes, Martin. Pas une de plus. Après ça, l’interrogatoire se poursuivra en présence de tout le monde.

Il poussa la porte. La gendarme était seule dans un petit bureau, une lampe éclairait son visage de côté. Comme la dernière fois où ils s’étaient trouvés tous les deux dans cette pièce, des flocons descendaient derrière les stores dans la lueur d’un lampadaire. Il faisait nuit noire dehors. Il s’assit et la regarda. Avec ses cheveux blonds, sa combinaison de cuir sombre pleine de zips, de boucles et de protections renforçant les épaules et les genoux, elle ressemblait à une héroïne de science-fiction.