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— Nous ignorons encore s’il a agi contre nous, insista Iceni. Peut-être est-il en train de traquer celui qui a transmis l’information au Syndicat. »

Drakon laissa transparaître son scepticisme. « C’est sûrement la justification qu’il nous servira. Du moins s’il franchit jamais cette porte. Vous avez changé tous vos codes, si bien qu’il ne devrait plus en passer le seuil. »

Iceni secoua la tête. « Si Togo tient à se rendre quelque part, il finit toujours par y arriver. Plus les défenses seront coriaces, plus il lui faudra de temps, mais il en triomphera. » Elle tapota celle des manches de son blouson d’où Drakon avait vu un certain jour jaillir une arme avec une sidérante promptitude. « Si besoin, je peux me défendre et je tirerai pour tuer, mais, contre lui, si jamais il a été retourné, mes chances ne sont pas aussi bonnes que je le voudrais, loin de là.

— Vous faut-il davantage de surveillance ? s’enquit Drakon. Je peux vous envoyer des gens et du matériel.

— Moi ? » Iceni s’esclaffa. « Une protection supplémentaire ? Je suis invulnérable, général Drakon. On m’idolâtre.

— J’ai vu les vidéos. Vous aviez effectivement l’air invincible. » Pas moyen de décider ce que ça lui inspirait.

« Vous ne m’avez pas vue à mon retour dans mes bureaux », lâcha Iceni. Elle baissait sa garde. Il n’y avait littéralement personne d’autre à qui elle pouvait se confier. « Je suis morte de peur, Artur. »

Drakon se redressa. Sa visible inquiétude était gratifiante. « De quoi ?

— D’eux. Des gens. Pas comme des Syndics. J’ai peur de ce qu’ils seraient capables de faire pour moi, de ce que je pourrais exiger d’eux. Vous n’étiez pas là, Artur. Vous ne l’avez pas senti comme moi. » Elle se passa les mains dans les cheveux. « Je suis revenue ici juste après, et je vous jure que j’ai entendu les dieux me rire au nez. Avez-vous jamais tenu en main une arme si dangereuse que vous redoutiez de vous en servir ?

— Ça vous a vraiment fait cet effet ?

— Oui. Je sais maintenant que je peux faire de très grandes choses, Artur, mais ça signifie aussi que je peux commettre de très grosses erreurs. » Elle ferma les yeux et revit les foules innombrables. « Nous nous disions qu’en leur octroyant davantage de liberté et de droits ils ne risquaient pas de se révolter contre nous.

— Oui. Après les dernières élections, ils auraient dû se tenir tranquilles plus longtemps.

— Non ! » Elle rouvrit les yeux et le foudroya du regard. « Ils ne voulaient pas que je leur accorde plus de liberté. Ils voulaient un chef. Une protection, la sécurité et l’assurance de la sécurité. J’aurais pu rétablir toutes sortes de lois du Syndicat sur le moment et ils m’auraient encore ovationnée. »

Drakon se contenta de la dévisager puis : « Vous en êtes sûre ?

— Je suis positive. Ils feront tout ce que je leur demande, mais je ne peux toujours pas les y forcer. Ça paraît absurde, non ? Mais c’est la réalité. Jouons cartes sur table. Le colonel Rogero a dû vous apprendre que nous ne pouvions plus compter sur les forces terrestres pour faire appliquer la loi.

— Oui, reconnut-il. Ce qui veut dire que je peux déclencher un coup d’État contre vous. »

Elle baissa les mains et son regard s’assombrit encore. « Ce n’était pas mon propos. Pour moi, ça reste un partenariat.

— Même si vous n’avez plus besoin de le regarder comme tel ? » Drakon eut un mince sourire. « Merci bien. Ça en prenait le chemin depuis un bon moment. Je m’en suis rendu compte. Aux yeux des citoyens et des forces mobiles, c’est vous la dirigeante. Je ne suis que votre officier supérieur.

— Vous êtes mon associé, insista Iceni.

— Pas pour eux. Et vous venez à l’instant de parler du pouvoir qu’ils vous ont conféré.

— Ce n’est pas comme si je pouvais ordonner à mes vaisseaux de bombarder la planète ! Je ne parle pas de coercition ! Vous comprenez cela, au moins ?

— Très bien. » Drakon haussa les épaules. « Ça s’appelle le charisme. Le vrai. C’est ce qui a incité ma division à me suivre à Midway et à marcher derrière moi quand nous nous sommes insurgés contre le Syndicat. Avec les citoyens, vous avez construit quelque chose d’encore plus fort. Et, poursuivit-il, vous l’avez bien mérité. Affronter la populace sans que rien ne s’interpose entre elle et vous, c’était un geste incroyablement audacieux, quelles que soient les défenses que recèle votre costume.

— Contre autant de gens, ces défenses n’auraient eu d’autre résultat que d’exacerber leur colère. Merci. Au moins êtes-vous conscient de ce qu’il m’en a coûté.

— Et, de votre côté, vous devez comprendre l’effet que ça fait de savoir son codirigeant en mesure de se débarrasser de vous sans craindre un retour de bâton ni des troubles civiques. »

Consciente de la tournure qu’elle risquait de prendre, Iceni s’efforça de tempérer sa fureur. « Si vous croyez que je peux vous éliminer impunément en me moquant des éventuelles réactions de Rogero et de ses pareils, vous vous trompez grossièrement. Je le reconnais volontiers parce que, ayant comme vous gravi les échelons sous le système syndic, j’ai été forcée de me rendre compte que j’avais la possibilité de simplifier les dispositions juridiques de ce système stellaire. Mais, ajouta-t-elle, la voix soudain plus dure, vous comprenez sans doute, j’espère, que je vois très bien où peut nous mener cette prise de risque : nous ramener tout droit au régime du Syndicat, par exemple, quel que soit le nom que je lui donnerais. Je refuse cet héritage, Artur Drakon. Je ne veux pas non plus passer le temps qu’il me reste à vivre à réprimer tous ceux qui menaceraient mon contrôle sur Midway.

— Je n’ai nullement envie de me retrouver évincé, mais je ne menacerai pas non plus votre autorité, déclara Drakon. Je ne décrocherai pas les étoiles pour tenter de l’affaiblir. »

Elle ne répondit pas sur le coup car elle cherchait les mots justes. « Êtes-vous seulement conscient que je ne cherche pas non plus à affaiblir la vôtre ? »

Au tour de Drakon de tergiverser. « En réalité, vous l’avez fait. Cet affrontement avec la populace. Ces foules qui vous vénéraient. Il ne s’agissait que de vous seule. » Voyant qu’elle s’apprêtait à riposter vertement, il brandit une main comminatoire. « Mais… vous n’aviez pas le choix. Vous deviez faire en sorte que ça tourne autour de vous. J’en ai conscience. Ça me désole, mais je ne peux rien vous reprocher. Vous avez fait ce qu’il fallait et je crois que vous comprenez aussi bien que moi que nous pourrions mener ce système droit à l’abîme, vous et moi, si nous commencions à nous tirer mutuellement le tapis sous les pieds.

— Oui », répondit Iceni le plus laconiquement possible afin de s’interdire des paroles plus dures ou entachées d’erreur. Elle aurait aimé en disconvenir, mais aucune contradiction ne lui venait à l’esprit.

« Parlons plutôt de ce qui a agité le peuple, suggéra Drakon. Les agents du SSI en sont sûrement partie prenante, mais je ne peux pas me défaire de l’impression que d’autres cliques jouent le même jeu.

— J’ai la même impression. Si… Si Mehmet Togo œuvre en son propre nom, il pourrait être l’un de ces joueurs.

— Peut-être, admit Drakon. Mais pas le seul.

— Loin de là. Vous l’avez dit, nous devons rester unis. Toute division pourrait fournir une ouverture à ceux qui cherchent à détruire ce système stellaire. »

Drakon eut un sourire torve. « Mais pas nous montrer trop proches l’un de l’autre. Il circule déjà des rumeurs sur nous deux. » Il enchaîna avant qu’elle pût réagir. « Votre kommodore et moi, nous avons ramené du sang neuf. Beaucoup de gens. Nous en avons besoin, mais, manifestement, ils représentent aussi un danger potentiel. Ainsi qu’on me l’a rappelé récemment de façon répétée, les serpents sont prêts à payer n’importe quel prix pour placer un agent dans notre entourage proche.