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La formation syndic s’en était aussi aperçue. Elle négociait un virage vers le haut aussi serré que pouvait se le permettre son cuirassé, une large parabole dans l’espace dont Marphissa savait qu’elle décrirait un cercle complet. L’ennemi mettrait plus d’une demi-heure à boucler la boucle, mais, à son retour, le Manticore et le Busard se feraient tirer comme des canards.

Chapitre trois

« Pouvez-vous réparer votre propulsion principale ? demanda Bradamont à Marphissa et Diaz.

— La réponse est probablement non », marmonna Marphissa.

Diaz était en train de s’entretenir avec quelqu’un sur un canal interne et il mit fin à la conversation sur un juron. « Le levtenant Gavros est mort. Les techniciens en chef Kalil et Sasaki affirment que les circuits de commande sont frits.

— Mais les unités de propulsion principale sont intactes, non ? On ne pourrait pas réparer ou remplacer ces circuits ? s’enquit de nouveau Bradamont.

— Ce vaisseau est de facture syndic ! cracha Diaz de dépit. Il a été conçu pour l’efficacité. La taille même de son équipage a été optimisée dans ce but. On ne peut procéder à des réparations importantes que dans un chantier spatial de sous-traitance.

— Vos techniciens en chef ne pourraient-ils pas…

— Les techniciens en chef ne sont pas formés pour faire des réparations et ne sont pas non plus censés s’en charger ! Les circuits sont des boîtes noires ! On n’est pas supposé les réparer mais, au mieux, ôter celle qui a été brisée et lui en substituer une autre en état de marche. Nous en avons bien quelques-unes à bord, mais aucune qui soit exactement du même modèle. »

Marphissa fusilla Diaz du regard. « Ordonnez-leur d’essayer ! Dites à Kalil, Sasaki et aux autres techniciens de l’ingénierie que les anciennes règles du Syndicat interdisant les réparations ne sont plus en vigueur. Exhortez-les à ouvrir ces boîtes noires et à voir ce qu’ils peuvent faire. Qu’ils éventrent tous les circuits nécessaires ! Qu’ils bricolent, qu’ils bidouillent, qu’ils improvisent, reconnectent, n’importe quoi ! Si nous restons coincés ici encore une demi-heure, le Manticore volera en éclats ! »

Diaz inspira profondément. « Oui, pourquoi ne pas essayer ? Au pire, que pourrait-il arriver ? Une énorme explosion ? Nous mourrons de toute façon si nous ne tentons pas le coup. » Il appela l’ingénierie et passa les ordres. « J’aimerais y descendre en personne, kommodore. Je serai de retour dans vingt minutes, avant qu’un vaisseau syndic ne nous ait rejoints.

— Permission accordée. Giclez ! » Diaz s’éclipsant de la passerelle au pas de gymnastique, Marphissa fixa son écran d’un œil furibond ; sa main s’activait pour établir la prochaine manœuvre de la formation placée sous ses ordres, qui s’éloignait d’elle à grande vitesse. L’écran se figea à la moitié de la résolution du problème et les tripes de Marphissa se nouèrent, puis il se réactiva brusquement.

Pelé, Griffon et Basilic avaient finalement atteint la zone qui leur avait été attribuée et frappé l’arête inférieure de la formation syndic, diamétralement opposée à celle qu’avait visée la formation de Marphissa. Kontos avait eu plus de chance qu’elle ou il avait mieux évalué son approche. Le Pelé avait pilonné le croiseur lourd syndic qui tenait cet angle jusqu’à ce qu’il explose, tandis que Griffon et Basilic mettaient un autre croiseur léger hors de combat.

La CECH Boucher ignora cependant cet assaut. La formation du Syndicat poursuivait son chemin, qui la ramènerait sur le Manticore et le Busard. Peut-être n’aurais-je pas dû narguer personnellement Jua la Joie comme je l’ai fait, songea Marphissa. Elle veut sûrement ma mort maintenant. Cela dit, c’est Jua Boucher. Elle la voudrait probablement de toute façon. « À toutes les unités, continuez d’accélérer jusqu’à 0,08 c et virez de deux degrés sur bâbord et de cent quarante-sept vers le haut à T cinquante », transmit-elle.

Les vaisseaux syndics grimpaient toujours et se retournaient, leur formation s’inversant à mesure qu’ils finissaient de boucler la boucle qu’elle décrivait. Ceux de Marphissa pouvaient se retourner plus vite, encore que « vite » soit sans doute un terme relatif. Un observateur au sol dirait sans doute du rayon du virage qu’il était immense, mais l’essentiel c’était qu’il le fût moins que celui de la formation syndic encombrée d’un cuirassé. Cette nouvelle manœuvre ramènerait ses autres vaisseaux jusqu’à Marphissa en lui faisant survoler les Syndics au moment où ils atteindraient le sommet de leur boucle.

« Une chance que cette CECH soit inexpérimentée, marmotta Bradamont. Si elle s’était contentée de décélérer et de revenir sur nous pendant que nous flottons dans l’espace à demi morts, elle nous aurait rejoints plus vite. Mais elle a préféré s’offrir ce virage.

— Ça ne nous fait gagner que quelques minutes, fit remarquer Marphissa. Arrêter ce cuirassé sur sa lancée puis le faire repartir dans la direction opposée n’est pas si facile. » Elle adressa une transmission distincte au Kraken, son dernier croiseur lourd. « Kapitan Seney, prenez le commandement de la formation dès qu’elle réengagera le combat avec l’ennemi. Je serai trop éloignée pour procéder aux réajustements de dernière seconde. Ne vous approchez pas trop. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre le Kraken. »

Seney la fixa, l’air soucieux. « Je comprends et j’obéis, kommodore. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre de perdre le Manticore.

— Peut-être n’est-ce pas forcé, répondit-elle sans trop y croire. Cela étant, vous ne pouvez strictement rien faire pour empêcher la flottille syndic de nous rejoindre. Si le Manticore est détruit, placez-vous sous le commandement du kapitan Kontos, les autres vaisseaux et vous. Il restera kommodore par intérim sur mon ordre et jusqu’à la confirmation de la présidente Iceni.

— Kontos est très jeune, fit prudemment observer Seney.

— Nous le sommes tous pour faire cela, kapitan. Obtempérerez-vous ?

— Oui, kommodore. J’accepterai le kapitan Kontos pour mon kommodore par intérim si vous n’êtes plus en mesure d’assumer cette fonction. » Seney porta son poing droit à sa poitrine, à la mode du salut syndic toujours en vigueur. « Au nom du peuple ! »

Marphissa se redressa et lui rendit son salut. « Au nom du peuple ! »

Autre appel, celui-là pour Kontos. « Kapitan, si le Manticore est détruit, vous prendrez le commandement des vaisseaux de Midway en tant que kommodore par intérim, et ce jusqu’à confirmation par la présidente Iceni. Ne perdez pas de temps à vous occuper de nous. Vous ne pourrez pas arrêter la flottille syndic à temps. Concentrez tous vos efforts sur l’élimination des escorteurs du cuirassé, puis rognez ses défenses. »

Le Pelé se trouvait encore assez loin pour que la réponse de Kontos mît plusieurs secondes à lui parvenir. Le jeune kapitan semblait atterré mais déterminé. « Je comprends et j’obéirai, kommodore. Je ne vous laisserai pas tomber, ni vous ni la présidente Iceni. Au nom du peuple, Kontos, terminé. »

Son image s’effaçant, Marphissa soupira pesamment puis s’affaissa en arrière dans son fauteuil pour scruter son écran. Il n’y avait plus rien qu’elle pût faire pour le moment. « Comment réagirait Black Jack, capitaine Bradamont ?