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— C’est ce qui arrive à ceux qui nous écoutent parler boutique.

— Je m’en souviendrai. » Drakon les salua de la main puis prit la direction de sa cabine. Il n’arrivait pas à se rappeler la dernière fois où il s’était reposé convenablement, mais c’était assurément avant le débarquement à Ulindi.

Malgré tout, il eut encore besoin d’un patch de calmant pour s’apaiser et trouver le sommeil, et il finit par sombrer, hanté par des visions de bataille.

« Contente de vous voir de retour. » Iceni s’était efforcée de donner autant de sincérité que possible à ces derniers mots, mais elle n’eut droit qu’à un regard tendu de la part de Drakon.

« Je vous ai manqué à ce point ? demanda-t-il.

— C’était un tantinet agité par ici, répondit-elle en lui montrant une chaise. Pas autant que pour vous à Ulindi, bien sûr.

— Le colonel Rogero m’en a informé, fit Drakon en se posant. Nous avons tous évité la balle de peu ce coup-ci.

— Nos ennemis ont tissé un réseau plus vaste et plus subtil que nous ne l’imaginions, dit Iceni en croisant les mains devant elle sur son bureau, le temps de sonder l’humeur de son interlocuteur. Et nous nous sommes peut-être aussi crus plus malins que nous ne le sommes.

— Difficile de déjouer les manœuvres d’un adversaire qui sait quelles cartes vous avez en main, déclara Drakon d’une voix plate. Comme la kommodore vous l’aura certainement dit, le Syndicat en sait long sur nos plans. »

C’était donc là la raison de la crispation de Drakon. Allait-il l’accuser de trahison ? Croyait-il qu’elle l’avait doublé ? « Oui, lâcha Iceni, la voix grave mais détendue. Il disposait apparemment de nombreuses informations, dont des renseignements très précis sur le timing de l’opération.

— Non seulement il disposait de ces informations, mais il a encore basé son plan sur elles. Le traquenard des Syndics tout entier était échafaudé en partant du principe qu’ils sauraient synchroniser l’arrivée de leurs renforts en lui faisant précéder la nôtre de peu, de manière à ce que la flottille de la CECH Boucher ait le temps de se cacher derrière une géante gazeuse. Quelqu’un qui aurait assisté à notre départ n’aurait pas pu leur livrer cette information. Elle ne serait pas arrivée à temps à Ulindi. »

Drakon s’était penché pour tapoter le dessus du bureau de l’index afin de souligner ses paroles. « L’informateur du Syndicat a dû apprendre la date de notre départ dès que vous et moi l’avons fixée. Quelqu’un a peut-être assisté à nos préparatifs, mais nul n’aurait pu savoir à quel moment précis nous décollerions vers le point de saut pour Ulindi, parce qu’il dépendait de nombreux facteurs et de notre décision commune. Compte tenu du temps exigé pour transmettre le renseignement au Syndicat, tant à Ulindi que là où attendaient ses réserves, et de celui nécessaire à débarquer ces soldats syndics et à poster sa flottille, ils n’auraient tout bonnement pas eu le loisir de le faire assez tôt, à moins qu’on ne lui ait transmis cette date la veille du jour où nous avons pris la décision définitive. »

La voix d’Iceni se glaça légèrement. « M’accuseriez-vous de quelque chose ? »

Drakon se renfrogna, brièvement interloqué. « Vous ? Non. Ça… ne m’a même pas traversé l’esprit. »

Soit Drakon était un bien meilleur comédien qu’il n’avait paru jusque-là, soit il parlait sincèrement. « Alors qu’essayez-vous de me dire ?

— Que quelqu’un de très proche de vous ou de moi a livré cette information au Syndicat.

— Qui exactement dans votre équipe a connu assez prématurément la date exacte du départ ? demanda Iceni en s’efforçant de maintenir le général sur la défensive.

— Le colonel Malin, le colonel Kaï, le colonel Gaiene.

— Pas le colonel Morgan ?

— Comment l’aurait-elle apprise ? Elle était déjà à Ulindi quand nous avons arrêté la décision, et ce depuis des semaines. »

Iceni réussit à réprimer sa déception. Son espoir fugace de voir Morgan regardée comme le principal suspect venait de capoter, pour une simple question de temps et d’espace qui la blanchissait complètement. « Mais les informations qu’elle nous a envoyées étaient cruellement incomplètes, fit-elle remarquer.

— C’est vrai, convint Drakon, toujours quelque peu sur la défensive. Les dossiers que nous avons saisis quand l’état-major du Syndicat a abandonné le QG de la division ont confirmé que le CECH Haris lui-même n’était pas au courant du traquenard. Ulindi et lui servaient à nous appâter. Nous ignorions que le Syndicat allait l’évincer de ses projets, mais il faut dire aussi que nous n’avions pas compris non plus qu’en réalité il travaillait encore pour le Syndicat.

— Ç’aurait dû nous crever les yeux, déclara Iceni, tranchante, en voyant Drakon s’assombrir davantage. Oh, je ne vous le reproche pas, général. Je partage largement cette responsabilité. Haris s’était censément affranchi du Syndicat, mais il aurait entraîné derrière lui tout l’appareil du SSI d’Ulindi ? Entièrement intact ?

— Un leader assez charismatique en aurait été capable, rétorqua Drakon. Voulez-vous savoir ce que disaient ces dossiers sur leur informateur à Midway ? »

Iceni s’efforça de ne pas se raidir. Quelle bombe Drakon allait-il encore lâcher ? « Que disaient-ils ?

— Rien. »

À son tour de prendre la mouche. « Teniez-vous sérieusement à voir comment je réagirais à la suggestion que ces dossiers contenaient d’importants renseignements ? »

Drakon ferma les yeux pour répondre d’une voix lente mais véhémente. « Je me trouvais à Ulindi, coincé entre deux forces ennemies, conscient que mes chances de vaincre étaient en train d’être balayées et que c’était moi qui avais conduit mes gens dans ce piège. »

Iceni se pencha à son tour pour marteler chacune de ses paroles. « Croyez-vous vraiment que j’aurais pu vous tendre un tel piège ? Que j’aurais pu comploter pour vous anéantir, non seulement vous mais encore les deux tiers des forces terrestres dont dispose Midway ? Vous me croyez stupide à ce point ? » Parce que c’était là, en vérité, que le bât blessait. Elle pouvait être impitoyable. Jouer double jeu. Mais réduire à néant ses propres espérances par un tel massacre ? « Si j’avais voulu votre mort, je vous aurais fait assassiner et j’aurais gardé ces précieux atouts par-devers moi. Me prenez-vous pour une incapable ? »

Drakon avait rouvert les yeux pour la fixer et il éclata soudain de rire. « Oh, bon sang, vous croyez que je vous soupçonne ? Vous personnellement ? Pourquoi diable auriez-vous envoyé un cuirassé pour nous sauver la mise si le traquenard avait été de votre fait ? Non, je ne vous crois ni stupide ni incompétente, mais je crois en revanche qu’un de nos proches se joue de nous deux et qu’il voulait effectivement ma mort. »

Elle le dévisagea sans cesser de réfléchir. « Oui. Ce plan aurait débouché sur votre mort. Comme sur celle des colonels Kaï, Gaiene et Malin. Seul aurait survécu le colonel de votre état-major, Rogero. » À mesure qu’elle envisageait d’autres scénarios plausibles, son cerveau empruntait de nouvelles voies. « Il vous aurait remplacé, général. Le colonel Rogero serait devenu le plus haut gradé des forces terrestres et le commandant des seuls soldats professionnels qui me restaient loyaux. Il aurait très bien pu mettre en scène l’attentat contre sa personne. »

Au lieu de se retrouver de nouveau sur la défensive, Drakon se borna à secouer la tête. « Je n’ai pas donné à Rogero la date de notre départ par mesure de sécurité. Il n’avait pas besoin de la connaître.

— Il aurait pu l’apprendre par ailleurs. Il doit avoir des informateurs. Ou tout bonnement en bavardant avec Gaiene quand celui-ci était ivre.