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Ah ! ouais, les flics aident aussi les petites vieilles à traverser la rue. Enfin, c’est ce que je me suis laissé dire.

Un par un, j’entrai les noms de tous ceux qui avaient été en rapport avec Nikki, à commencer par son oncle, Bogatyrev. Les renseignements concernant le vieux Russe et Nikki recoupaient exactement ce que Okking avait fini par bien vouloir me dire sur eux. Je supposai que si Okking pouvait s’extraire du système, il pouvait tout autant modifier le reste des archives de bien des façons. Je ne trouverai ici rien d’utile, sinon par accident ou du fait d’une négligence d’Okking. Je poursuivis ma recherche, avec un espoir de succès qui s’amenuisait.

Chou blanc, en effet. Finalement, je changeai mon fusil d’épaule et lus les fiches concernant Yasmin, Papa et Chiri, les Sœurs Veuves noires, Seipolt et Abdoulaye. Leurs dossiers m’apprirent qu’Hassan était sans doute un hypocrite, parce que s’il se refusait à utiliser professionnellement les implants cérébraux pour motifs religieux, c’était également un pédéraste notoire. Ce n’était pas une nouvelle pour moi. Le seul conseil que je puisse lui donner un de ces jours, c’était que ce jeune Américain qui avait déjà la cervelle câblée lui serait bien plus utile comme machine comptable qu’à rester planté là sur un tabouret dans sa boutique vide.

Parmi mes connaissances, le seul fichier que je m’abstins de consulter fut le mien. Je n’avais pas envie de savoir ce qu’ils pensaient de moi.

Après avoir parcouru les dossiers pour avoir la biographie de mes amis, je fouillai dans les archives de la compagnie du téléphone pour relever les appels effectués du commissariat. Rien de bien renversant là non plus ; de toute manière, Okking ne se serait pas servi du poste de son bureau pour appeler Bond. J’avais l’impression de me trouver au milieu d’un carrefour où n’aboutiraient que des impasses.

Je repartis avec matière à réfléchir mais rien de neuf. Je savais déjà ce que les fichiers avaient à dire sur Hadjar et les autres ; et la réticence qu’ils montraient à l’égard d’Okking – et, mais ce n’était pas si mystérieux que ça, de Friedlander bey – était intellectuellement excitante, à défaut d’être informative. J’y réfléchissais tout en déambulant dans le Boudayin. Au bout de quelques minutes, j’étais de retour devant mon immeuble.

Pourquoi étais-je revenu par ici ? Eh bien, je n’avais pas envie de dormir à l’hôtel encore une nuit. Un assassin au moins savait que j’y étais. J’avais besoin d’une autre base d’opérations, une qui soit sûre pendant au moins un jour ou deux. À mesure que je m’habituais à laisser les papies m’aider à m’organiser, j’étais plus rapide à prendre mes décisions, je me laissais moins influencer par mes émotions. Je me sentais désormais entièrement maître de moi, parfaitement détendu, plein d’assurance. J’avais envie de transmettre un message à Papa puis de me trouver un autre gîte temporaire pour la nuit.

Mon appartement était exactement tel que je l’avais laissé. Certes, je n’étais pas parti longtemps, même si ça paraissait des semaines ; ma perception du temps était complètement distordue. Jetant le sac de sport sur le matelas, je m’assis et murmurai le code d’Hassan dans mon téléphone. Il répondit à la troisième sonnerie. « Marhaba », dit-il. Il avait l’air fatigué.

« Salut, Hassan, Audran à l’appareil. J’aurais besoin de rencontrer Friedlander bey et j’espérais que tu pourrais m’arranger un rendez-vous.

— Il sera ravi que tu montres de l’intérêt à faire les choses comme il faut, mon neveu. Sans aucun doute voudra-t-il te voir pour que tu l’informes des progrès de ton enquête. Veux-tu un rendez-vous cet après-midi ?

— Le plus tôt que tu pourras, Hassan.

— Je vais m’en occuper, ô habile ami, et je te rappelle pour te tenir au courant.

— Merci. Avant que tu raccroches, je veux te poser une question. Sais-tu s’il y a un rapport quelconque entre Papa et Lutz Seipolt ? »

Il y eut un long silence, tandis que Hassan élaborait sa réponse. « Plus maintenant, mon neveu. Seipolt est mort, n’est-ce pas ?

— Ça, je sais, fis-je avec impatience.

— Seipolt ne s’occupait que d’import-export. Et uniquement d’articles de bazar, rien qui puisse intéresser Papa.

— À ta connaissance, donc, Papa n’aurait jamais tenté de se tailler une part du marché de Seipolt ?

— Mon neveu, le marché de Seipolt valait à peine d’être mentionné. Ce n’était qu’un petit homme d’affaires, comme moi.

— Mais aussi, tout comme toi, il avait éprouvé le besoin d’avoir une deuxième source de revenus pour joindre les deux bouts. Tu travailles pour Friedlander bey et Seipolt travaillait pour les Allemands.

— Par la prunelle de mes yeux ! Est-ce possible ? Seipolt, un espion ?

— Je serais prêt à parier que tu le savais déjà. Enfin, peu importe. Et toi, as-tu déjà été en relation avec lui ?

— Comment ça ? » Son ton se durcit.

« Pour affaires. L’import-export. Vous avez ça en commun.

— Oh, eh bien, je lui passais commande de temps en temps, s’il avait à offrir certains articles européens particulièrement intéressants ; mais je ne crois pas qu’il m’ait jamais acheté quoi que ce soit. »

Cela ne me menait nulle part. À sa requête, je lui fournis un bref récapitulatif des événements depuis ma découverte du corps de Seipolt. Quand j’eus terminé, il était de nouveau complètement terrorisé. Je lui parlai d’Okking et du caviardage des rapports de police. « C’est pour cela que j’ai besoin de voir Friedlander bey.

— Tu as des soupçons ?

— Ce n’est pas simplement le fait qu’il manque des informations dans les dossiers, et que Okking soit un agent étranger. Je n’arrive tout bonnement pas à croire qu’il ait consacré toutes les ressources du service à l’élucidation de ces crimes sans être encore parvenu à en tirer pour moi un seul élément d’information utilisable. Je suis sûr qu’il en sait plus qu’il ne veut bien me dire. Papa a promis qu’il le forcerait à partager ses informations. J’ai besoin d’en avoir le cœur net.

— Bien entendu, mon neveu, ne te tracasse pas pour ça. Ce sera fait, inchallah. Donc, tu n’as aucune idée de ce que le lieutenant peut savoir au juste.

— C’est la manière des flics, dis-je en français. Il peut aussi bien avoir déjà réglé toute l’affaire qu’en savoir encore moins que moi. Il est passé maître dans l’art de vous mener en bateau.

— Il ne peut pas mener en bateau Friedlander bey.

— Il essaiera.

— Sans succès. Veux-tu encore de l’argent, ô mon habile ami ? »

Merde, ça pouvait toujours servir. « Non, Hassan, je me débrouille fort bien pour l’instant. Papa s’est montré plus que généreux.

— Si tu as besoin de liquide pour poursuivre tes investigations, tu n’auras qu’à me contacter. Tu accomplis un excellent travail, mon fils.

— Au moins, je ne suis pas encore mort.

— Tu as l’esprit d’un poète, mon chéri. Je dois te quitter. Les affaires sont les affaires, comme tu le sais.

— Exact, Hassan. Rappelle-moi dès que tu auras parlé à Papa.