Harry ramassa des livres qu’il jeta hâtivement dans sa valise. Tonks s’arrêta devant l’armoire ouverte et examina d’un œil critique son reflet dans la glace de la porte.
– Finalement, je ne crois pas que ce soit le violet qui m’aille le mieux, dit-elle d’un air pensif en tirant une mèche de ses cheveux pointus. Tu ne trouves pas que ça me donne mauvaise mine ?
– Heu…, dit Harry en la regardant par-dessus un volume intitulé Les Équipes de Quidditch de Grande-Bretagne et d’Irlande.
– Oui, sans aucun doute, assura Tonks d’un air décidé.
Elle plissa les yeux, le visage crispé, comme si elle s’efforçait de se rappeler quelque chose et, un instant plus tard, ses cheveux prirent une teinte rose chewing-gum.
– Comment avez-vous fait ça ? s’étonna Harry, l’air ébahi tandis qu’elle rouvrait les yeux.
– Je suis une Métamorphomage, dit-elle en tournant la tête pour se regarder dans la glace sous tous les angles. Ça signifie que je peux changer d’apparence à volonté.
Elle remarqua l’expression stupéfaite du visage de Harry qui se reflétait dans le miroir.
– Je suis née comme ça. J’ai eu les notes maximum en classe de dissimulation et déguisement quand j’ai suivi ma formation d’Auror. Et sans avoir besoin de rien étudier. C’était parfait.
– Vous êtes un Auror ? demanda Harry, impressionné.
Devenir un chasseur de mages noirs était la seule carrière qu’il avait jamais envisagé d’entreprendre après ses études à Poudlard.
– Ouais, répondit Tonks avec fierté. Kingsley aussi, à un niveau un peu plus élevé que moi. Je n’ai passé mon diplôme qu’il y a un an. J’ai failli rater l’épreuve de filature et tapinois. Je suis d’une maladresse abominable, tu m’as entendue casser l’assiette quand nous sommes arrivés ?
– On peut apprendre à devenir Métamorphomage ? lui demanda Harry qui s’était redressé, oubliant complètement sa valise.
Tonks eut un petit rire.
– J’imagine que ça ne te déplairait pas de cacher cette cicatrice de temps en temps, non ?
Ses yeux se posèrent sur la marque en forme d’éclair que Harry portait au front.
– Non, ça ne me déplairait pas du tout, marmonna-t-il en se détournant.
Il détestait qu’on regarde sa cicatrice.
– J’ai bien peur que l’apprentissage soit difficile, dit Tonks. On naît Métamorphomage, on ne le devient pas. C’est très rare, tu sais ? La plupart des sorciers doivent recourir à une baguette magique ou à une potion pour changer d’apparence. Mais il faut se dépêcher, Harry, nous étions venus faire tes bagages, ajouta-t-elle d’un ton coupable en regardant la pagaille alentour.
– Ah oui, c’est vrai, dit Harry.
Il ramassa quelques livres.
– Ne sois pas idiot, ça ira beaucoup plus vite si je… Failamalle ! s’écria Tonks qui décrivit avec sa baguette magique un grand arc de cercle au-dessus du sol.
Les livres, les vêtements, le télescope et la balance s’envolèrent aussitôt et retombèrent pêle-mêle dans la grosse valise.
– C’est un peu en vrac, dit Tonks en contemplant le fatras. Ma mère avait le don d’amener les affaires à se ranger d’elles-mêmes dans un ordre parfait – avec elle, même les chaussettes se pliaient toutes seules – mais je n’ai jamais compris comment elle s’y prenait. Question de tour de main.
Elle agita sa baguette dans l’espoir d’un meilleur résultat. L’une des chaussettes de Harry se tortilla un peu puis retomba mollement au milieu du fouillis.
– Bah, tant pis, dit Tonks en refermant la grosse valise d’un coup sec. Au moins, tout est dedans. Il faudrait aussi nettoyer ça.
Elle pointa sa baguette sur la cage d’Hedwige.
– Récurvite !
Quelques plumes et des fientes de hibou disparurent aussitôt.
– C’est un peu mieux, mais je n’ai jamais très bien su maîtriser tous ces sortilèges ménagers. Bon, on a tout ? Le chaudron ? Le balai ? Wouao ! Un Éclair de feu ?
Ses yeux s’écarquillèrent en se posant sur l’engin que Harry tenait dans sa main droite. C’était sa fierté et sa joie, un balai aux normes internationales, offert par Sirius.
– Et moi qui continue de voler sur un Comète 260, soupira Tonks avec envie. Enfin… Tu as toujours ta baguette dans ta poche ? Et tes deux fesses sont encore là ? O.K., alors, allons-y. Locomotor Barda !
La grosse valise s’éleva de quelques centimètres dans les airs. Sa baguette magique à la main dans un geste de chef d’orchestre, Tonks dirigea la valise vers le couloir en tenant la cage d’Hedwige de l’autre main. Harry, qui portait son balai, descendit l’escalier derrière elle.
Dans la cuisine, Maugrey avait remis son œil magique qui tournait si vite à présent, après un bon nettoyage, que Harry en eut le vertige. Kingsley Shacklebolt et Sturgis Podmore regardaient le four à micro-ondes et Hestia Jones s’amusait beaucoup en examinant un épluche-légumes qu’elle avait trouvé dans un tiroir. Lupin, lui, cachetait une lettre destinée aux Dursley.
– Parfait, dit Lupin lorsqu’il vit entrer Tonks et Harry. Je pense qu’il nous reste à peu près une minute. Nous devrions peut-être sortir dans le jardin pour nous tenir prêts. Harry, j’ai laissé un mot à ta tante et à ton oncle pour leur dire de ne pas s’inquiéter…
– Ils ne s’inquiéteront pas, assura-t-il.
– … que tu es en sécurité…
– Ça va les déprimer.
– … et que tu les reverras l’été prochain.
– C’est vraiment indispensable ?
Lupin sourit mais s’abstint de tout commentaire.
– Viens là, mon garçon, dit Maugrey d’un ton bourru en lui faisant signe avec sa baguette magique. Il faut que je te désillusionne.
– Que vous quoi ? s’inquiéta Harry.
– Que je te soumette à un sortilège de Désillusion, répondit Maugrey, sa baguette brandie. Lupin m’a dit que tu possèdes une cape d’invisibilité mais tu n’arriveras pas à la maintenir en place pendant le vol, il faut donc trouver un meilleur déguisement. Allons-y…
Il lui donna un bon coup de baguette sur le crâne et Harry éprouva aussitôt une étrange sensation, comme si Maugrey venait de lui écraser un œuf sur la tête. Un liquide froid semblait couler le long de son corps à partir de l’endroit où il avait reçu le coup.
– Beau travail, Fol Œil, dit Tonks d’un air appréciateur en contemplant Harry à hauteur de la taille.
Harry regarda son corps, ou plus exactement ce qui avait été son corps et qui n’avait plus du tout le même aspect. Il n’était pas devenu invisible mais avait pris la couleur et la texture de l’élément de cuisine qui se trouvait derrière lui. Il semblait transformé en caméléon humain.
– Venez, dit Maugrey en déverrouillant la porte de derrière d’un coup de baguette magique.
Ils sortirent sur la magnifique pelouse de l’oncle Vernon.
– La nuit est claire, grogna Maugrey, dont l’œil magique scrutait le ciel. J’aurais préféré un peu plus de nuages. Bon, toi, aboya-t-il à l’adresse de Harry, on va voler en formation serrée. Tonks restera devant, colle-toi dans son sillage. Lupin te couvrira par en dessous. Moi, je serai derrière. Les autres feront le cercle autour de nous. Pas question de rompre la formation pour quelque motif que ce soit, vous m’avez compris ? Si l’un de nous se fait tuer…
– Il y a un risque ? demanda Harry avec appréhension, mais Maugrey ne prit pas la peine de lui répondre.
– … les autres continuent, ne vous arrêtez pas et, je le répète, ne rompez pas la formation. S’ils arrivent à nous descendre tous et que tu survives, Harry, l’arrière-garde sera prête à prendre le relais. Continue à voler cap à l’est et ils te rejoindront.