Et alors Harry le vit, blanc comme marbre, flottant à quelques pouces de la surface. "Professeur !" dit-il, et il fut surpris par le propre écho de sa voix au-dessus de l'eau silencieuse.
"Harry ?"
"Je pense que j'ai vu une main dans l'eau… une main humaine !"
"Oui, je suis sûr que tu as raison." Dit calmement Dumbledore.
Harry regardé fixement dans l'eau, cherchant la main disparue, et un sentiment de malaise lui monta à la gorge.
" C'est cette chose qui a sauté hors de l'eau… ? " Mais Harry eut sa réponse avant que Dumbledore puisse le faire. La lumière de sa baguette glissait sur une petite surface de l'eau et lui montra , cette fois, un homme mort gisait, de face, quelques pouces sous la surface, ses yeux vaporeux comme au travers d'une toile d'araignée, ses cheveux et sa robe tourbillonnant autour de lui comme de la fumée. "Il y a des corps, ici !" dit Harry, et sa voix sembla beaucoup plus haute que d'habitude et très différente de la sienne.
"Oui," approuva placidement Dumbledore, "mais nous n'avons pas besoin de nous en préoccuper pour le moment."
"Pour le moment ?" répéta Harry, écartant ses yeux de l'eau pour les poser sur Dumbledore.
" Pas tandis qu'ils dérivent simplement paisiblement au-dessous de nous,"
dit Dumbledore. "Il n'y a pas de raison d'avoir peur d'un corps, Harry, pas plus que d'avoir peur de l'obscurité. Lord Voldemort, qui naturellement les craint secrètement tous les deux, ne serait pas d'accord. Mais de nouveau il indique par-là son propre manque de sagesse. C'est l'inconnu que nous craignons quand nous craignons la mort et l'obscurité, rien de plus."
Harry ne dit rien. Il ne voulait pas discuter, mais il trouvait que l'idée de corps qui flottaient autour d'eux et sous eux était horrible et, qui de plus, il ne croyait pas qu'ils n'étaient pas dangereux.
"Mais l'un d'entre eux a sauté." dit-il, essayant de faire en sorte que sa voix ait le même niveau de calme que celle de Dumbledore. "Quand j'ai essayé d'attirer le Horcrux, c'est un corps qui a sauté hors du lac."
"Oui, Je suis sûr qu'une fois que nous aurons pris le Horcrux, nous les trouverons moins pacifiques. Cependant, comme beaucoup de créatures qui demeurent dans le froid et l'obscurité, elles craignent la lumière et la chaleur, que nous appellerons donc à notre aide si le besoin s'en fait sentir. Le feu, Harry !" ajouta Dumbledore avec un sourire, en réponse à l'expression déconcertée de Harry.
"Oh... très bien..." dit rapidement Harry. Il tourna sa tête pour regarder la lueur verdâtre vers laquelle le bateau naviguait toujours inexorablement. Il ne pourrait pas feindre maintenant de ne pas être effrayé. Le grand lac noir, foisonnant de morts ... Il lui semblait que des heures et des heures s'étaient écoulées depuis qu'il avait rencontré le professeur Trelawney, depuis qu'il avait donné à Ron et à Hermione Felix Felicis... Soudain, il souhait, leur avoir mieux dit au revoir... et il n'avait même pas vu Ginny...
" On y est presque." indiqua Dumbledore gaiement. Assez sûrement, la lumière verdâtre devenait enfin plus grande, et en quelques minutes, le bateau fit halte, cognant doucement dans quelque chose que Harry ne put pas voir au début. Mais quand il leva sa baguette magique lumineuse il vit qu'ils avaient atteint une petite île de roche lisse au centre du lac. "Fais attention de ne pas toucher l'eau." dit Dumbledore encore comme Harry sortait du bateau.
L'île n'était pas plus grande que le bureau de Dumbledore, une étendue de pierre plate et sombre sur laquelle il n'y avait rien d'autre que la source de cette lumière verdâtre, qui semblait beaucoup plus lumineuse une fois vue de près. Harry loucha vers elle. D'abord, il pensa que c'était une lampe d'un genre particulier, puis il vit que la lumière venait d'un bassin en pierre plutôt comme la pensionne, qui était placé sur un piédestal. Dumbledore s'approcha du bassin et Harry le suivit. Côte à côte, ils regardèrent à l'intérieur du bassin. Le bassin était plein d'un liquide vert émettant une lueur phosphorescente.
"Qu'est-ce que c'est ?" demanda calmement Harry.
"Je ne suis pas sûr," dit Dumbledore. "Quelque chose de plus inquiétant que le sang et les corps, cependant." Dumbledore releva la manche du côté de sa main noircie et tendit le bout de ses doigts brûlés vers la surface de la potion.
"Professeur, non, ne touchez pas… !"
"Je ne peux pas y toucher." constata Dumbledore, souriant faiblement.
"Regarde ! Je ne peux pas m'approcher plus que ça. Essaie."
À son tour, Harry mit sa main dans le bassin et essaya de toucher la potion. Il rencontra une barrière invisible qui l'empêchait d'approcher à moins d'un pouce. Quelle que soit la façon dont il poussait, ses doigts ne rencontraient rien d'autre que de l'air plein et flexible.
" Écarte-toi, s'il te plaît, Harry, " dit Dumbledore. Il leva sa baguette et a fit des mouvements compliqués au-dessus de la surface du liquide, murmurant sans un bruit. Rien ne se produisit, excepté peut-être que la potion était plus lumineuse. Harry restait silencieux tandis que Dumbledore agissait, mais après un moment Dumbledore recula sa baguette, et Harry sentit qu'il pouvait de nouveau parler.
"Vous pensez que le Horcrux est dedans là, professeur ?"
"Oh oui." Dumbledore observa plus étroitement le bassin. Harry vit son visage se refléter, à l'envers, sur la surface douce de la potion verte. " Mais comment l'atteindre ? Cette potion ne peut pas être pénétrée par une main, ni disparaître, se séparer, s'écouler vers le haut, ou être siphonnée, ni peut-être se métamorphosée, charmée, ou toute autre action pouvant changer sa nature." Presque distraitement, Dumbledore releva sa baguette, la fit tournoyer une fois en l'air, et attrapa alors, le gobelet en cristal qu'il avait créé de nulle part. "Je peux seulement en conclure que cette potion est censée être bue."
"Quoi ?" dit Harry. "Non !"
"Oui, je le pense : On peut vider le bassin et voir ce qui se situe dans ses profondeurs, seulement en buvant."
"Mais que se passe-t-il si… si ça vous tue?"
"Oh, Je me doutais que cela fonctionnerait comme ça !" déclara simplement Dumbledore. "Lord Voldemort ne voudrait pas tuer une personne qui atteindrait cette île."
Harry ne pouvait pas le croire. Est-ce que c'était, une fois de plus, cette folle détermination de Dumbledore, à voir du bon dans tout ?
"Professeur !" dit Harry, essayant de garder une voix raisonnable,
"Professeur, c'est Voldemort que nous sommes…"
" Je suis désolé, Harry. Je devrais te l'avoir dit, il ne voudrait pas tuer immédiatement la personne qui arriverait sur cette île." expliqua Dumbledore. "Il voudrait la garder vivante assez longtemps pour découvrir comment elle est parvenue à pénétrer ses défenses et, plus encore, pour découvrir pourquoi voulait tant vider le bassin. N'oublie pas que Lord Voldemort croit être le seul à savoir qu'il a fait des Horcruxes."
Harry voulait encore parler, mais cette fois Dumbledore leva la main pour lui imposer le silence, fronçant les sourcils légèrement en direction liquide vert, réfléchissant visiblement très fort. "Assurément." conclut-il, "Ce breuvage magique doit agir de manière à m'empêcher de prendre le Horcrux.
Il pourrait me paralyser, me faire oublier pourquoi je suis ici, me provoquer de telles douleurs que je serais distrait de mon but, ou me rendre incapable d'une toute autre manière. Si c'est le cas, Harry, ce sera à toi de t'assurer que je continue à boire, même si tu dois verser la potion de force dans ma bouche. Tu comprends ?"
Leurs yeux se croisèrent par-dessus le bassin, leurs visages pâles éclairés par l'étrange lueur verte. Harry ne parla pas. Était-ce la raison pour laquelle, il avait été invité à venir… forcer Dumbledore à continuer à boire une potion qui pouvait lui causer des douleurs intenables ?