– Et tout ça, qu’est-ce que c’est ? demanda Harry en montrant trois énormes sacs posés tout autour d’Hermione.
– Cette année, j’ai pris davantage d’options que vous, expliqua-t-elle. Ça, ce sont mes livres d’Arithmancie, de Soins aux créatures magiques, de Divination, d’étude des Runes, d’étude des Moldus…
– Pourquoi étudier les Moldus ? s’étonna Ron en lançant un regard effaré à Harry. Tu es née dans une famille de Moldus ! Tes parents sont des Moldus ! Tu sais déjà tout sur les Moldus !
– Ce qui me passionne, c’est de les étudier du point de vue des sorciers, répondit Hermione avec le plus grand sérieux.
– Est-ce que tu as quand même l’intention de dormir ou de manger un peu, cette année ? demanda Harry tandis que Ron éclatait d’un rire goguenard.
Mais Hermione fit semblant de ne pas avoir entendu.
– Il me reste dix Gallions d’or, dit-elle. En septembre, c’est mon anniversaire et mes parents m’ont donné un peu d’argent pour m’acheter un cadeau d’avance.
– Tu pourrais t’offrir un livre, par exemple ? lança Ron d’un air faussement naïf.
– Non, je ne crois pas, répondit Hermione d’un ton posé. J’ai très envie d’un hibou. Harry a Hedwige, toi, tu as Errol…
– Je n’ai rien du tout, coupa Ron. Errol, c’est le hibou de la famille. Moi, tout ce que j’ai, c’est Croûtard.
Il sortit son rat de sa poche.
– Et il faudrait que je le fasse examiner, ajouta-t-il en posant l’animal sur la table. Je crois que l’Égypte ne lui a pas fait de bien.
Croûtard avait l’air plus maigre qu’à l’ordinaire et ses moustaches tombaient tristement.
– Il y a une boutique de créatures magiques, là-bas, dit Harry qui connaissait par cœur le Chemin de Traverse, à présent. Tu n’as qu’à aller voir s’ils ont un remède pour Croûtard, et Hermione pourra acheter son hibou.
Ils payèrent leurs glaces et traversèrent la rue pour aller à la Ménagerie magique.
La boutique n’était pas très grande et les murs étaient entièrement recouverts de cages. Il y régnait un vacarme permanent, accompagné d’une forte odeur. Les créatures qui occupaient les cages passaient leur temps à piailler, couiner, caqueter, siffler. Derrière le comptoir, une sorcière donnait des conseils à un client sur les soins à prodiguer aux tritons à double queue. Pendant ce temps, Harry, Ron et Hermione examinèrent les créatures enfermées dans les cages.
Deux énormes crapauds violets gobaient des cadavres de mouches à viande en émettant des bruits de succion. Une tortue géante à la carapace incrustée de pierres précieuses étincelait près de la vitrine. Des escargots venimeux de couleur orange rampaient lentement sur les parois de leur cage de verre et un gros lièvre blanc se métamorphosait sans cesse en chapeau haut de forme dans un bruit de pétard. Il y avait aussi des chats de toutes les couleurs, une cage pleine de corbeaux jacasseurs, un panier de petites créatures à fourrure qui chantonnaient bruyamment et, sur le comptoir, une grande cage remplie de rats noirs qui sautaient à la corde en se servant de leurs queues.
Le client au triton sortit de la boutique et Ron s’approcha du comptoir.
– J’ai des ennuis avec mon rat, dit-il à la sorcière. Il est un peu patraque depuis qu’on est allés en Égypte.
– Mettez-le-moi sur le comptoir, dit la sorcière en sortant une paire de grosses lunettes noires.
Ron extirpa Croûtard de sa poche et le déposa à côté de la cage remplie de ses congénères qui cessèrent aussitôt leurs jeux et se précipitèrent sur les barreaux pour le regarder de plus près.
Comme presque tout ce qu’il possédait, Ron l’avait hérité d’un de ses frères (il avait appartenu à Percy) et Croûtard n’avait jamais été très reluisant. À côté des rats au poil soyeux rassemblés dans la cage, il semblait particulièrement pitoyable.
– Mmhhh, grommela la sorcière. Il a quel âge, ce rat ?
– Je ne sais pas, dit Ron. Il est vieux, ça, c’est sûr. Avant, il appartenait à mon frère.
– Qu’est-ce qu’il a, comme pouvoirs ? demanda la sorcière en examinant soigneusement Croûtard.
– Hein ? dit Ron.
La vérité, c’était que Croûtard n’avait jamais manifesté le moindre don pour quoi que ce soit. Les yeux de la sorcière regardèrent l’oreille gauche en lambeaux de l’animal, puis sa patte de devant amputée d’un doigt.
– Il est au bout du rouleau, dit-elle en hochant la tête.
– Il était déjà comme ça quand Percy me l’a donné, répondit Ron, comme pour se défendre.
– Un rat ordinaire comme celui-là vit rarement plus de trois ans, dit la sorcière. Mais si vous cherchez quelque chose d’un peu plus résistant, vous pourriez peut-être essayer un de ceux-ci…
Elle montra les rats noirs qui recommencèrent à sauter à la corde.
– Des cabotins, marmonna Ron.
– Si vous n’en voulez pas d’autre, essayez ce Ratconfortant, c’est un tonique pour ratbougris, dit la sorcière en prenant un flacon rouge sous le comptoir.
– D’accord, dit Ron, c’est combien ? OUILLE !
Ron se plia en deux, les mains levées pour se protéger. Une chose énorme de couleur orange s’était élancée de la plus haute des cages, avait atterri sur sa tête, puis rebondi au milieu du comptoir en se précipitant sur Croûtard avec des sifflements furieux.
– NON ! ÇA SUFFIT, PATTENROND ! s’écria la sorcière.
Mais Croûtard lui avait glissé des mains comme un savon. Il atterrit sur le sol, les pattes écartées, et s’enfuit vers la porte de la boutique.
– Croûtard ! s’exclama Ron en se lançant à sa poursuite dans la rue.
Harry le suivit et il leur fallut près d’une dizaine de minutes pour retrouver Croûtard qui était allé se réfugier sous une poubelle, à proximité du Magasin d’Accessoires de Quidditch. Ron remit le rat tout tremblant dans sa poche et se redressa en se massant la tête.
– Qu’est-ce que c’est que ce truc qui m’est tombé sur le crâne ? dit-il.
– C’était soit un très gros chat, soit un petit tigre, suggéra Harry.
– Où est Hermione ?
– Sans doute en train d’acheter son hibou.
Ils revinrent sur leurs pas, parmi la foule qui se pressait sur le Chemin de Traverse. Lorsqu’ils furent de retour devant la Ménagerie magique, Hermione sortit de la boutique, mais ce n’était pas un hibou qu’elle serrait dans ses bras, c’était l’énorme chat orange.
– Ne me dis pas que tu as acheté ce monstre ! s’exclama Ron, bouche bée.
– Il est magnifique, tu ne trouves pas ? dit Hermione, rayonnante.
Question de goût, pensa Harry. La fourrure orangée du chat était épaisse et foisonnante, mais l’animal avait les pattes nettement arquées, et son museau étrangement écrasé, comme s’il avait heurté un mur de plein fouet, lui donnait l’air grincheux. À présent que Croûtard avait disparu de son champ de vision, le chat ronronnait paisiblement dans les bras d’Hermione.
– Hermione, cette chose m’a quasiment scalpé ! protesta Ron.
– Il ne l’a pas fait exprès, n’est-ce pas, Pattenrond ? dit Hermione.
– Et pour Croûtard, il ne l’a pas fait exprès ? s’indigna Ron en montrant la bosse que formait sa poche. Ce rat a besoin de repos et de tranquillité ! Il n’aura jamais la paix avec ce machin-là autour de lui.
– Ça me fait penser que tu avais oublié ton Ratconfortant, dit Hermione en lui glissant dans la main le petit flacon rouge. Et cesse de te faire du souci, Pattenrond dormira dans le dortoir des filles et Croûtard dans celui des garçons. Alors, je ne vois pas le problème. Pauvre Pattenrond, cette sorcière m’a dit qu’il est resté dans cette boutique pendant une éternité. Personne ne voulait de lui.