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Harry et Ron échangèrent un regard.

– La nature des Détraqueurs ne les porte pas à prendre en considération les excuses ou les sollicitations. Je conseille donc à chacune et à chacun d’entre vous de ne jamais leur donner l’occasion de vous faire du mal. Je m’adresse tout particulièrement aux préfets, ainsi qu’à notre nouveau préfet-en-chef et à son homologue féminin, pour qu’ils veillent à ce qu’aucun élève ne prenne l’initiative de contrarier les Détraqueurs.

Percy, qui était assis à quelques mètres de Harry, bomba le torse et regarda autour de lui d’un air qu’il voulait impressionnant. Dumbledore s’interrompit à nouveau en observant avec une extrême gravité les élèves attablés. Il régnait un silence total qu’aucun geste, aucune parole ne vint troubler.

– Pour continuer sur une note plus joyeuse, reprit-il, je suis heureux d’accueillir parmi nous deux nouveaux enseignants. Tout d’abord, le professeur Lupin qui a bien voulu se charger des cours de Défense contre les forces du Mal.

Il y eut quelques applaudissements plutôt tièdes. Seuls ceux qui s’étaient trouvés dans le compartiment avec le professeur Lupin applaudirent de bon cœur, Harry le premier. À côté de ses collègues vêtus de leurs plus belles robes de sorcier, Lupin avait l’air singulièrement miteux.

– Regarde Rogue ! souffla Ron à l’oreille de Harry.

Le professeur Rogue, qui enseignait l’art des potions, regardait fixement Lupin. Il était de notoriété publique que Rogue briguait le poste de professeur de Défense contre les forces du Mal, mais même Harry – qui détestait Rogue – fut surpris de voir l’expression de son visage. Plus que la colère, c’était le dégoût qui déformait les traits de son visage maigre et cireux. Harry connaissait bien cette expression : d’habitude, c’était à lui que Rogue la réservait, chaque fois qu’il croisait son regard.

– Quant à la seconde nomination, reprit Dumbledore lorsque les applaudissements se furent évanouis, je dois tout d’abord vous informer que le professeur Brûlopot, qui enseignait les Soins aux créatures magiques, a pris sa retraite afin de pouvoir s’occuper plus longuement des derniers membres qui lui restaient. Je suis cependant ravi de vous annoncer que cette discipline sera désormais enseignée par Rubeus Hagrid qui a accepté d’ajouter cette nouvelle responsabilité à ses fonctions de garde-chasse.

Harry, Ron et Hermione échangèrent un regard stupéfait puis ils se joignirent avec enthousiasme aux applaudissements tumultueux qui accueillirent la nouvelle, en particulier à la table des Gryffondor. Harry se pencha pour mieux voir Hagrid : le teint écarlate, les yeux baissés sur ses énormes mains, il avait un large sourire que dissimulait sa barbe noire et hirsute.

– On aurait dû s’en douter, s’exclama Ron en frappant du poing sur la table. Qui d’autre aurait pu nous faire acheter un livre qui mord ?

Lorsque Dumbledore reprit la parole, Harry, Ron et Hermione remarquèrent que Hagrid s’essuyait les yeux avec un coin de nappe.

– Je crois vous avoir dit l’essentiel, conclut Dumbledore. Que le festin commence !

Les assiettes et les gobelets d’or alignés sur les tables se remplirent alors de mets et de boissons. Harry, soudain affamé, se servit en abondance de tout ce qui passait à sa portée et se mit à manger gloutonnement.

Le festin fut délectable. La Grande Salle résonnait du bruit des conversations et des rires, auxquels se mêlait le cliquetis des couverts. Harry, Ron et Hermione avaient hâte cependant que la fête prenne fin pour pouvoir parler à Hagrid. Ils savaient ce que signifiait pour lui sa nomination à un poste de professeur. Hagrid n’avait pas tous ses diplômes de sorcier : il avait été renvoyé de Poudlard au cours de sa troisième année d’études, pour une faute qu’il n’avait pas commise. C’étaient Harry, Ron et Hermione qui avaient définitivement établi son innocence l’année précédente.

Enfin, lorsque les derniers morceaux de tarte à la citrouille eurent disparu des plats en or, Albus Dumbledore annonça qu’il était temps d’aller se coucher et ils en profitèrent pour se précipiter vers Hagrid.

– Bravo, Hagrid ! s’écria Hermione en arrivant à la table des professeurs.

– C’est grâce à vous trois, dit Hagrid qui essuyait son visage luisant à l’aide de sa serviette. Je n’arrive pas à y croire… Un grand homme, Dumbledore… Il est venu me voir dans ma cabane dès que Brûlopot a déclaré qu’il en avait assez… J’en avais toujours rêvé…

Submergé par l’émotion, il enfouit son visage dans sa serviette et le professeur McGonagall leur fit signe de partir.

Harry, Ron et Hermione rejoignirent le flot des élèves de Gryffondor et gravirent les marches de marbre, puis s’engouffrèrent dans un dédale de couloirs et d’escaliers jusqu’à l’entrée secrète de leur tour.

– Le mot de passe ? demanda le portrait d’une grosse femme vêtue d’une robe rose.

– J’arrive, j’arrive ! s’écria Percy au bout du couloir. Le nouveau mot de passe est Fortuna Major !

– Oh, non… soupira Neville Londubat avec tristesse.

Il n’arrivait jamais à se souvenir des mots de passe.

Les élèves franchirent le simple trou qui permettait d’accéder à la salle commune, puis les filles et les garçons montèrent les escaliers de leurs dortoirs respectifs. Harry escalada les marches sans rien d’autre en tête que la joie d’être de retour à Poudlard. Lorsqu’ils pénétrèrent dans leur dortoir familier, une grande pièce ronde remplie de lits à baldaquin, Harry regarda autour de lui d’un air satisfait : il se sentait enfin chez lui.

6. COUPS DE GRIFFES ET FEUILLES DE THÉ

Le lendemain matin, lorsque Harry, Ron et Hermione redescendirent dans la Grande Salle pour le petit déjeuner, ils virent Drago Malefoy occupé à raconter une histoire apparemment désopilante à tout un groupe d’élèves de Serpentard. Quand ils passèrent devant lui, il fit semblant de s’évanouir avec de grands gestes ridicules et tout le monde éclata d’un rire tonitruant.

– Ne fais pas attention à lui, dit Hermione qui se trouvait juste derrière Harry. Ne t’en occupe pas, ça n’en vaut pas la peine…

– Hé, Potter ! cria d’une petite voix aiguë Pansy Parkinson, une élève de Serpentard avec une tête de pékinois. Potter ! Les Détraqueurs arrivent ! Potter ! Ooooooooh, mon dieu, je défaille !

À la table des Gryffondor, Harry se laissa tomber sur une chaise à côté de George Weasley.

– Les emplois du temps des troisième année, dit George en les faisant passer. Qu’est-ce qui t’arrive, Harry ?

– Malefoy, dit Ron.

Il s’assit de l’autre côté de George et lança un regard furieux à la table des Serpentard.

George leva les yeux et vit Malefoy qui faisait à nouveau semblant de s’évanouir de terreur.

– Ce petit crétin, dit-il d’une voix calme. Il était beaucoup moins fier, hier soir, quand les Détraqueurs sont venus fouiller notre compartiment, tu te souviens, Fred ?

– Il a failli faire pipi dans sa culotte, dit Fred en jetant à Malefoy un regard de mépris.

– Je n’étais pas très à l’aise non plus, dit George. Ils sont vraiment horribles…

– On dirait qu’ils te gèlent les entrailles, tu ne trouves pas ? dit Fred.

– Mais toi, tu ne t’es pas évanoui ? demanda Harry à voix basse.

– Laisse tomber, Harry, dit George en essayant de le réconforter. Un jour, Papa a été obligé d’aller à Azkaban, tu te souviens, Fred ? Il nous a raconté que c’était l’endroit le plus effrayant qu’il ait jamais vu. Il en tremblait encore quand il est revenu… Ces Détraqueurs ont le chic pour désespérer tout le monde. La plupart des prisonniers deviennent fous, là-bas.