Il tourna à nouveau la tasse.
– Ça ressemble à un animal… Oui, voilà la tête… On dirait un hippopotame… non, un mouton…
Le professeur Trelawney s’approcha d’eux tandis que Harry laissait échapper un petit rire.
– Montrez-moi ça, dit-elle d’un ton réprobateur en arrachant la tasse de Harry des mains de Ron.
Tout le monde se tut et attendit. Le professeur Trelawney observait attentivement le fond de la tasse en la faisant tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
– Le faucon… mon pauvre chéri, vous avez un ennemi mortel.
– Tout le monde sait ça, dit Hermione dans un murmure parfaitement audible.
Le professeur se tourna vers elle.
– Tout le monde est au courant de l’histoire entre Harry et Vous-Savez-Qui, poursuivit Hermione.
Harry et Ron la regardèrent avec un mélange d’étonnement et d’admiration. Ils n’avaient encore jamais entendu Hermione parler de cette manière à un professeur. Le professeur Trelawney s’abstint de répondre. Elle reporta son attention sur la tasse de Harry et continua à la faire tourner entre ses doigts.
– La massue… Une attaque. Mon dieu, mon dieu, ce n’est pas une très bonne tasse…
– J’avais cru voir un chapeau melon, dit timidement Ron.
– La tête de mort… Il y a un grand danger sur votre chemin, mon pauvre chéri…
Comme paralysés, les élèves regardaient fixement le professeur Trelawney qui fit tourner la tasse une dernière fois, eut un haut-le-corps et poussa un cri.
Il y eut un nouveau bruit de porcelaine brisée : Neville venait de casser sa deuxième tasse. Le professeur Trelawney se laissa tomber dans un fauteuil, les yeux fermés, une main étincelante posée sur son cœur.
– Mon pauvre… pauvre garçon… Non, il vaut mieux ne rien dire… Ne me demandez rien…
– Qu’est-ce que vous avez vu, professeur ? demanda aussitôt Dean Thomas.
Tous les élèves s’étaient levés. Lentement, ils se rassemblèrent autour de la table de Harry et de Ron et s’approchèrent du professeur pour jeter un coup d’œil à la tasse.
– Mon pauvre chéri, dit le professeur Trelawney en ouvrant de grands yeux au regard tragique. Le Sinistros est sur vous.
– Le quoi ? dit Harry.
Il n’était pas tout à fait le seul à ne pas avoir compris. Dean Thomas le regarda en haussant les épaules et Lavande Brown avait l’air déconcerté. Mais presque tous les autres se tenaient la main devant la bouche, dans un geste horrifié.
– Le Sinistros, mon pauvre chéri, le Sinistros ! s’écria le professeur Trelawney qui semblait choquée que Harry n’ait pas compris. Le gigantesque chien fantôme qui hante les cimetières ! Mon pauvre chéri, c’est le pire des présages, un présage de mort !
Harry sentit son estomac se retourner. Ce chien sur la couverture du livre, dans la librairie du Chemin de Traverse… Ce chien dans l’obscurité de Magnolia Crescent… Lavande Brown, à son tour, plaqua la main devant sa bouche. Tout le monde avait les yeux tournés vers Harry, tout le monde sauf Hermione qui s’était approchée par-derrière du professeur Trelawney pour voir le fond de la tasse.
– Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un Sinistros, dit-elle d’une voix neutre.
Le professeur Trelawney contempla Hermione avec une hostilité grandissante.
– Excusez-moi de vous dire ça, ma chérie, mais je ne perçois pas une très grande aura autour de vous. Vous me semblez faire preuve d’une réceptivité très limitée aux résonances de l’avenir.
Seamus Finnigan balança la tête de gauche à droite.
– On dirait un Sinistros si on le regarde comme ça, dit-il les yeux à demi fermés, mais vu comme ça, on pense plutôt à un âne, ajouta-t-il en penchant la tête vers la gauche.
– Quand vous aurez décidé si je dois mourir ou non, vous me le direz, déclara Harry qui sembla surpris par ses propres paroles.
À présent, plus personne n’osait le regarder.
– Je crois que nous allons en rester là pour aujourd’hui, dit le professeur Trelawney de sa voix la plus mystérieuse. Vous pouvez ranger vos affaires.
Silencieux, les élèves rapportèrent leurs tasses au professeur, rangèrent leurs livres et refermèrent leurs sacs. Même Ron à présent évitait de regarder Harry.
– En attendant notre prochain cours, que la fortune vous soit favorable, dit le professeur Trelawney d’une voix faible. Ah, au fait, vous, ajouta-t-elle en montrant Neville, vous allez arriver très en retard la prochaine fois, alors essayez de travailler un peu plus pour rattraper.
Harry, Ron et Hermione descendirent l’échelle et l’escalier en silence puis ils prirent la direction de la salle où le professeur McGonagall devait donner son cours de Métamorphose. Ils avaient quitté le cours de Divination de bonne heure, mais ils mirent tellement de temps à trouver la bonne salle qu’ils faillirent arriver en retard.
Harry s’assit au fond de la classe. Il avait l’impression qu’un projecteur était braqué sur lui : les autres élèves ne cessaient de lui lancer des regards furtifs, comme s’ils s’attendaient à le voir tomber mort à tout instant. Il entendit à peine ce que le professeur McGonagall leur raconta sur les Animagi (les sorciers capables de se transformer en animaux) et ne regarda même pas lorsqu’elle se métamorphosa elle-même en chat tigré, en conservant la marque de ses lunettes autour des yeux.
– Enfin, qu’est-ce qui vous arrive, aujourd’hui ? s’étonna le professeur McGonagall qui reprit sa forme habituelle en émettant un « pop » semblable au bruit d’une bouteille de champagne qu’on débouche. C’est la première fois que mes métamorphoses ne déclenchent aucun applaudissement.
Tous les regards se tournèrent à nouveau vers Harry, mais personne ne dit rien. Hermione leva alors la main.
– Voilà ce qui s’est passé, professeur, dit-elle, nous avons eu notre premier cours de Divination, nous avons lu l’avenir dans les feuilles de thé et…
– Ah, je comprends, l’interrompit le professeur McGonagall en fronçant les sourcils. Inutile d’aller plus loin, Miss Granger. Dites-moi plutôt qui doit mourir cette année ?
Les élèves la regardèrent avec des yeux ronds.
– Moi, dit Harry.
– Je vois, dit le professeur McGonagall en fixant Harry de ses yeux brillants. Il faut savoir, Potter, que chaque année depuis son arrivée dans cette école, Sibylle Trelawney a prédit la mort de quelqu’un. Or, jusqu’à présent, tout le monde est resté bien vivant. Elle commence toujours l’année scolaire en décelant des présages de mort. Si je n’avais pas pour habitude de ne jamais dire de mal de mes collègues…
Le professeur McGonagall s’interrompit et chacun put voir que les ailes de son nez étaient devenues livides.
– La Divination est l’une des branches les plus nébuleuses de la magie, reprit-elle plus calmement. Je ne vous cacherai pas que j’éprouve un certain agacement devant ce genre de pratiques. Les voyants véritables sont extrêmement rares et le professeur Trelawney…
Elle s’interrompit à nouveau, puis continua d’un ton très naturel :
– Vous me paraissez en excellente santé, Potter, aussi j’ai le regret de vous annoncer que vous ne serez pas dispensé de faire votre prochain devoir. Mais si vous mourez, je vous promets que vous ne serez pas obligé de me le rendre.
Hermione éclata de rire et Harry se sentit un peu mieux. Loin des lueurs rougeâtres et des parfums anesthésiants du professeur Trelawney, les feuilles de thé n’inspiraient plus les mêmes angoisses. Pourtant, tout le monde n’était pas encore rassuré. Ron paraissait toujours inquiet et Lavande murmura : « Et la tasse de Neville, alors ? »