– Bien, dit Hagrid en se frottant les mains, le visage rayonnant, si vous voulez bien vous approcher un peu…
Mais personne ne semblait en avoir envie. Harry, Ron et Hermione s’avancèrent cependant vers la barrière avec beaucoup de prudence.
– La première chose qu’il faut savoir, c’est que les hippogriffes font preuve d’une très grande fierté, dit Hagrid. Ils sont très susceptibles. Surtout, ne les insultez jamais, sinon ce sera peut-être la dernière chose que vous aurez faite dans votre vie.
Malefoy, Crabbe et Goyle n’écoutaient pas. Ils parlaient à voix basse et Harry avait la désagréable impression qu’ils cherchaient le meilleur moyen de provoquer un incident.
– On doit toujours attendre que l’hippogriffe fasse le premier geste, poursuivit Hagrid. C’est une créature très attachée à la politesse. Il faut s’avancer vers lui, le saluer en s’inclinant et attendre. S’il vous salue à son tour, vous avez le droit de le toucher. Sinon, je vous conseille de filer très vite parce que, croyez-moi, leurs griffes font du dégât. Alors ? Qui veut essayer le premier ?
Pour toute réponse, la plupart des élèves reculèrent encore davantage. Même Harry, Ron et Hermione n’étaient pas très à l’aise. Devant eux, les hippogriffes secouaient la tête d’un air féroce en remuant leurs ailes puissantes. Ils ne semblaient pas beaucoup apprécier d’être attachés à la barrière.
– Vraiment personne ? dit Hagrid, le regard implorant.
– Je veux bien essayer, dit alors Harry.
Derrière lui, il entendit des exclamations étouffées puis Lavande et Parvati murmurèrent d’une même voix :
– Non, Harry, souviens-toi des feuilles de thé !
Mais il ne leur prêta aucune attention et enjamba la barrière de l’enclos.
– Bravo, Harry, rugit Hagrid. Bon, alors, voyons… c’est ça, tu n’as qu’à essayer avec Buck.
Il détacha l’une des chaînes, tira l’hippogriffe gris clair à l’écart des autres et lui enleva son collier de cuir. De l’autre côté de la barrière, les élèves retenaient leur souffle. Malefoy observait la scène en plissant ses petits yeux méchants.
– Attention, maintenant, Harry, dit Hagrid à voix basse. Tu as croisé son regard, essaye de ne pas ciller… Les hippogriffes se méfient quand on cligne des yeux trop souvent…
Harry sentit des picotements dans ses yeux, mais il s’efforça de ne pas les fermer. Buck avait tourné vers lui sa grosse tête pointue et ses yeux orange le fixaient d’un regard féroce.
– C’est ça, très bien, Harry, dit Hagrid. Maintenant, incline-toi…
Harry n’avait pas très envie d’exposer sa nuque à la créature mais il fit ce que Hagrid lui disait. Il inclina brièvement la tête, puis se redressa.
L’hippogriffe continua de le regarder d’un air hautain sans faire le moindre geste.
– Ah, dit Hagrid qui semblait contrarié. Bon… recule, maintenant. Il ne faut rien brusquer…
Mais à cet instant, à la grande surprise de Harry, l’hippogriffe plia soudain ses pattes de devant et s’inclina profondément.
– Bravo, Harry ! s’exclama Hagrid, enchanté. Vas-y, tu peux le toucher maintenant ! Caresse-lui le bec !
Harry estimait qu’il aurait bien mérité de repasser de l’autre côté de la barrière, mais il s’avança malgré tout vers l’hippogriffe et tendit la main. Il lui caressa le bec à plusieurs reprises et l’animal ferma paresseusement les yeux, comme s’il y prenait plaisir.
Les élèves applaudirent à tout rompre, sauf Malefoy, Crabbe et Goyle qui paraissaient terriblement déçus.
– Parfait, Harry, dit Hagrid, je crois qu’il va te laisser monter sur son dos, maintenant !
L’idée n’avait rien de séduisant. Harry était habitué à piloter des balais, mais il n’était pas sûr de pouvoir aussi facilement chevaucher un hippogriffe.
– Grimpe sur son dos, juste derrière les ailes, dit Hagrid, et fais bien attention de ne pas lui arracher de plume, il n’aimerait pas ça du tout…
Harry posa un pied sur l’aile de Buck et se hissa sur son dos. L’hippogriffe se releva, mais Harry ne savait pas à quoi se tenir : il n’avait que des plumes à portée de main et craignait d’en arracher une.
– Allez, vas-y, rugit Hagrid en donnant une tape sur l’arrière-train de la créature.
Et soudain, des ailes de quatre mètres d’envergure se déployèrent de chaque côté de Harry et se mirent à battre. Harry eut tout juste le temps de s’accrocher au cou de l’hippogriffe avant que celui-ci s’élève dans les airs. Ce n’était pas du tout la même chose qu’un balai et Harry sut immédiatement ce qu’il préférait : les ailes immenses qui battaient à ses côtés lui cognaient les jambes en menaçant de le désarçonner. Les plumes luisantes glissaient sous ses doigts, mais il n’osait pas serrer plus fort. Harry regrettait la souplesse de son Nimbus 2000. Il était ballotté en tous sens par l’arrière-train de l’hippogriffe qui montait et descendait au rythme de ses battements d’aile.
Buck décrivit un cercle au-dessus de l’enclos puis il piqua vers le sol. C’était le moment que Harry redoutait le plus. Lorsque la créature baissa le cou, il se pencha en avant avec l’impression qu’il allait glisser par-dessus sa tête. Il parvint cependant à se cramponner jusqu’à l’instant où il sentit un choc sourd : les pattes dépareillées de l’hippogriffe venaient de se poser par terre. Harry put alors se redresser, sain et sauf.
– Beau travail, Harry ! s’exclama Hagrid, tandis que tout le monde, sauf Malefoy, Crabbe et Goyle, applaudissait bruyamment. Quelqu’un d’autre veut essayer ?
Enhardis par le succès de Harry, les autres élèves pénétrèrent prudemment dans l’enclos. Hagrid détacha un par un les hippogriffes et, bientôt, tout le monde s’inclina devant les créatures avec une certaine appréhension.
Malefoy, Crabbe et Goyle avaient choisi Buck. Celui-ci s’était incliné devant Malefoy qui lui caressait le bec d’un air dédaigneux.
– C’est très facile, dit Malefoy de sa voix traînante, suffisamment fort pour être sûr que Harry l’entende. C’est forcément facile, si Potter y est arrivé… Je parie que tu n’es absolument pas dangereux, ajouta-t-il en s’adressant à l’hippogriffe. N’est-ce pas, espèce de grosse brute repoussante ?
Tout se passa alors en un éclair. La griffe de l’animal fendit l’air, Malefoy poussa un hurlement perçant et, une fraction de seconde plus tard, Hagrid s’efforçait à grand-peine de remettre son collier à Buck qui essayait de se jeter sur Malefoy. Ce dernier était recroquevillé dans l’herbe et une tache de sang s’élargissait sur sa robe de sorcier, sous le regard des autres élèves saisis de panique.
– Je meurs ! hurla Malefoy. Regardez, je meurs ! Cette bestiole m’a tué !
– Tu ne meurs pas du tout ! répliqua Hagrid qui était devenu livide. Aidez-moi, il faut le sortir d’ici.
Hermione courut ouvrir la porte de la barrière pendant que Hagrid hissait sans peine Malefoy sur son épaule. Harry vit une longue et profonde entaille dans le bras de Malefoy. Du sang coulait sur l’herbe et Hagrid se mit à courir en direction du château.
Bouleversé, le reste de la classe le suivit en se contentant de marcher. Les élèves de Serpentard se déchaînaient contre Hagrid.
– Ils devraient le renvoyer sur-le-champ ! dit Pansy Parkinson, en larmes.
– C’était la faute de Malefoy ! répliqua Dean Thomas.
Crabbe et Goyle gonflèrent leurs biceps d’un air menaçant.
Lorsque les élèves montèrent les marches de pierre, le hall d’entrée était désert.