Hermione leva aussitôt la main.
– C’est une créature qui change d’aspect à volonté en prenant toujours la forme la plus terrifiante possible.
– Je n’aurais pas pu donner une meilleure définition, approuva le professeur Lupin.
Hermione rayonnait.
– Ainsi donc, l’épouvantard qui s’est installé dans cette penderie n’a encore pris aucune forme. Il ne sait pas encore ce qui pourrait faire peur à la première personne qui se présentera de l’autre côté de la porte. Nul ne peut dire à quoi ressemble un épouvantard quand il est tout seul mais, lorsque je le laisserai sortir, il prendra immédiatement la forme qui fera le plus peur à chacun d’entre nous. Ce qui signifie que nous avons un énorme avantage sur lui. Pouvez-vous me dire lequel, Harry ?
Essayant de ne pas prêter attention à Hermione qui s’était dressée sur la pointe des pieds en levant le doigt vers le plafond, Harry tenta une réponse.
– Étant donné que nous sommes nombreux, il ne saura pas quelle forme prendre pour faire peur à tout le monde en même temps, dit-il.
– Exactement, approuva le professeur Lupin tandis qu’Hermione, déçue, baissait la main. Il vaut toujours mieux se trouver en compagnie de quelqu’un quand on a affaire à un épouvantard. Car alors, il ne sait plus quoi faire. Sous quelle forme apparaître ? Un cadavre sans tête ou une limace anthropophage ? Un jour, j’ai vu un épouvantard commettre une erreur. Il a essayé de faire peur à deux personnes à la fois et il s’est transformé en une demi-limace, ce qui n’avait rien de très effrayant. Il existe un moyen très simple de se débarrasser d’un épouvantard, mais qui exige une grande concentration mentale. Pour le neutraliser, il suffit en effet d’éclater de rire. Ce qu’il faut faire, c’est l’obliger à prendre une forme que vous trouvez désopilante. Pour commencer, nous allons nous exercer sans baguette magique. Répétez après moi… Riddikulus !
– Riddikulus, répéta le chœur des élèves.
– Très bien, très bien, mais ça, c’était le plus facile. Car le mot seul ne suffit pas. Et c’est là que vous allez intervenir, Neville.
La penderie se mit à trembler à nouveau, mais moins que Neville qui s’avança comme s’il allait à l’échafaud.
– Très bien, Neville, dit le professeur. Pour commencer, quelle est la chose qui vous fait le plus peur au monde ?
Les lèvres de Neville remuèrent mais aucun son n’en sortit.
– Désolé, je n’ai pas compris ce que vous m’avez dit, lança Lupin d’un ton joyeux.
Neville jeta un coup d’œil affolé autour de lui, comme s’il implorait de l’aide, puis il dit dans un souffle :
– Le professeur Rogue.
Il y eut un grand éclat de rire. Neville lui-même eut un sourire d’excuse. Lupin, lui, avait l’air songeur.
– Le professeur Rogue… Mmmmmh… Neville, vous habitez chez votre grand-mère, je crois ?
– Heu… oui, répondit Neville, mal à l’aise. Et je ne voudrais pas non plus que l’épouvantard prenne son aspect…
– Non, non, vous ne m’avez pas compris, dit le professeur Lupin avec un sourire. Pouvez-vous nous dire comment votre grand-mère s’habille généralement ?
Neville parut surpris.
– Heu… elle porte toujours un grand chapeau avec un vautour empaillé. Et une longue robe… verte, le plus souvent… avec parfois une étole de renard.
– Est-ce qu’elle a un sac à main ? demanda Lupin.
– Oui, un grand sac rouge, dit Neville.
– Parfait. Maintenant, pourriez-vous vous représenter ces vêtements très précisément, Neville ? Pouvez-vous les voir dans votre tête ?
– Oui, répondit Neville d’une voix mal assurée, en se demandant ce qui l’attendait.
– Lorsque l’épouvantard jaillira de cette penderie et vous verra devant lui, Neville, il prendra instantanément la forme du professeur Rogue, dit Lupin. À ce moment-là, vous lèverez votre baguette magique, comme ceci, et vous crierez : « Riddikulus » en pensant très fort aux vêtements de votre grand-mère. Si tout se passe bien, l’épouvantard, qui aura pris l’apparence du professeur Rogue, se retrouvera affublé d’un chapeau à vautour, d’une robe verte et d’un grand sac rouge.
À nouveau, les élèves éclatèrent de rire et la penderie trembla plus violemment que jamais.
– Si Neville réussit, il est probable que l’épouvantard s’intéressera à chacun d’entre nous à tour de rôle, poursuivit Lupin. Je voudrais donc que chacun de vous réfléchisse à ce qui lui fait le plus peur en imaginant le moyen de le transformer en quelque chose de comique…
Un grand silence s’installa. Harry réfléchit… Qu’est-ce qui lui faisait le plus peur au monde ?
Il pensa d’abord à Lord Voldemort – un Voldemort qui aurait retrouvé toute sa force. Mais avant qu’il ait pu songer au moyen de ridiculiser un épouvantard-Voldemort, une image terrifiante lui vint à l’esprit…
Une main luisante, putréfiée, se glissant sous une cape noire… Une longue respiration qui ressemblait à un râle… Et puis un froid si pénétrant qu’il avait l’impression de se noyer dans une eau glacée…
Harry frissonna et jeta un coup d’œil autour de lui en espérant que personne n’avait rien remarqué. Nombre de ses camarades avaient fermé les yeux pour mieux se concentrer. Ron marmonnait : « Il faut lui enlever les pattes. » Harry avait deviné à quoi il pensait : Ron avait une peur bleue des araignées.
– Tout le monde est prêt ? demanda le professeur Lupin.
Harry fut secoué d’un frisson de terreur. Il ne se sentait pas prêt. Comment faire pour rendre un Détraqueur moins effrayant ? Mais il ne voulait pas demander de délai supplémentaire : les autres, eux, étaient tous prêts à tenter l’expérience.
– Neville, vos camarades vont reculer pour vous laisser le champ libre, d’accord ? dit Lupin. Je vous appellerai ensuite un par un…
Les autres élèves reculèrent vers le mur du fond, laissant Neville seul devant la penderie. Il avait le teint pâle et semblait terrorisé, mais il avait remonté les manches de sa robe de sorcier et tenait sa baguette prête.
– Attention, Neville, je compte jusqu’à trois, dit le professeur Lupin qui pointait sa propre baguette magique sur la poignée de la porte de la penderie. Un… Deux… Trois… C’est parti !
Un bouquet d’étincelles, jailli de l’extrémité de la baguette de Lupin, vint frapper la poignée de la porte qui s’ouvrit brusquement. Le nez crochu, l’air menaçant, le professeur Rogue sortit aussitôt de la penderie en fixant Neville d’un regard flamboyant.
Neville recula d’un pas, sa baguette brandie, et remua les lèvres sans parvenir à prononcer la moindre parole. Rogue s’avança vers lui en cherchant sa baguette magique dans une poche de sa robe de sorcier.
– R… R… Riddikulus ! dit Neville d’une petite voix aiguë.
Il y eut alors un bruit semblable à un claquement de fouet. Rogue trébucha et se retrouva soudain avec une longue robe ornée de dentelles, un grand chapeau surmonté d’un vautour empaillé mangé aux mites et un énorme sac cramoisi qu’il tenait à la main.
Un grand éclat de rire retentit dans la salle. L’épouvantard hésita, visiblement déconcerté, et le professeur Lupin appela alors :
– Parvati ! À vous !
Parvati s’approcha, l’air décidé. Rogue se tourna vers elle, il y eut un nouveau claquement et une momie enveloppée de bandelettes ensanglantées apparut à sa place. La momie au visage aveugle s’avança lentement vers Parvati en traînant les pieds, elle leva ses bras raides et…