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Dans la salle commune, le tonnerre retentissait avec encore plus de force. Harry savait bien que le match ne serait pas annulé. On n’annulait jamais un match de Quidditch pour un simple orage. Il ressentait cependant une terrible appréhension. Dubois lui avait montré Cedric Diggory dans un couloir. Diggory était un élève de cinquième année, beaucoup plus grand que Harry. Les Attrapeurs étaient généralement légers et rapides mais avec un temps pareil, le poids de Diggory lui donnerait un avantage, car il risquait moins de dévier de sa trajectoire.

Harry attendit l’aube en contemplant le feu qui brûlait dans la cheminée. De temps à autre, il se levait pour empêcher Pattenrond de se glisser à nouveau dans l’escalier qui menait au dortoir. Enfin, après une attente interminable, Harry estima qu’il devait être l’heure de descendre prendre son petit déjeuner et il sortit à travers l’ouverture masquée par le portrait.

– Allons, en garde, bâtard galeux ! lui cria le chevalier du Catogan.

– Oh, vous, taisez-vous, ça suffit ! répliqua Harry en bâillant.

Il retrouva un peu de force en avalant son bol de céréales et lorsqu’il tartina son premier toast, les autres joueurs de l’équipe le rejoignirent dans la Grande Salle.

– On va avoir du mal, dit Dubois qui ne mangeait rien.

– Arrête de t’inquiéter, Olivier, dit Alicia d’un ton apaisant, ce n’est pas une petite pluie qui va nous arrêter.

Mais c’était beaucoup plus qu’une petite pluie. Le Quidditch était si populaire, cependant, que toute l’école vint voir le match comme d’habitude, cols relevés, têtes baissées, parapluies déployés. Juste avant d’entrer dans les vestiaires, Harry vit Malefoy, Crabbe et Goyle qui le montraient du doigt en s’esclaffant, à l’abri d’un immense parapluie.

Les joueurs de Gryffondor revêtirent leurs robes écarlates et attendirent l’habituel discours d’encouragement qu’Olivier leur réservait au début de chaque match. Cette fois-ci, pourtant, ils durent s’en dispenser. Dubois essaya bien de parler à plusieurs reprises, mais il ne parvint qu’à émettre quelques borborygmes et finit par hocher la tête d’un air résigné en leur faisant signe de le suivre.

Le vent était si violent qu’ils entrèrent sur le terrain en chancelant. Le vacarme du tonnerre couvrait les acclamations du public et la pluie ruisselait sur les lunettes de Harry. Comment pourrait-il jamais apercevoir le Vif d’or dans ces conditions ?

Les joueurs de Poufsouffle apparurent à leur tour à l’autre bout du terrain, dans leurs robes jaune canari. Les capitaines des deux équipes s’avancèrent l’un vers l’autre et se serrèrent la main. Diggory adressa un sourire à Dubois, mais celui-ci semblait avoir une crampe dans la mâchoire et il fut tout juste capable de lui faire un signe de tête. Harry lut sur les lèvres de Madame Bibine : « Enfourchez vos balais. » Il arracha son pied droit de la gadoue et passa la jambe par-dessus le manche de son Nimbus 2000. Madame Bibine donna un coup de sifflet qui parut lointain dans le vacarme de la tempête et les joueurs décollèrent.

Harry s’éleva rapidement, mais le vent faisait légèrement dévier son balai. Il essaya de maintenir son cap le mieux possible et décrivit une courbe en plissant les yeux sous la pluie qui tombait à verse.

En quelques minutes, il se sentit glacé et trempé jusqu’aux os. Il arrivait à peine à voir ses coéquipiers et encore moins le minuscule Vif d’or. Sillonnant l’espace au-dessus du terrain, il apercevait des formes rouges ou jaunes aux contours indécis, sans avoir la moindre idée de la façon dont se déroulait le match.

Le hurlement du vent l’empêchait d’entendre le commentaire et la foule des spectateurs était cachée sous un océan de capes et de parapluies. À deux reprises, Harry faillit être désarçonné par un Cognard. Avec ses lunettes ruisselantes de pluie, il ne les avait pas vus venir.

Il perdit toute notion du temps. Maintenir son balai droit devenait de plus en plus difficile. Le ciel s’assombrissait sans cesse, comme si la nuit avait décidé de tomber avec plusieurs heures d’avance. Il avait manqué d’entrer en collision avec deux autres joueurs sans savoir s’il s’agissait de coéquipiers ou d’adversaires. Ils étaient tous tellement trempés et la pluie était si dense qu’il n’arrivait plus à les distinguer les uns des autres.

Enfin, le sifflet de Madame Bibine retentit en même temps qu’un éclair illuminait le ciel. Harry aperçut la silhouette de Dubois qui lui faisait signe de descendre. L’équipe au complet atterrit sur le sol dans des éclaboussures de boue.

– J’ai demandé un temps mort ! rugit Dubois à ses coéquipiers. Venez là-bas…

Ils se rassemblèrent au bord du terrain sous un grand parapluie. Harry en profita pour ôter ses lunettes et les essuyer avec un pan de sa robe de sorcier.

– Où en est le score ?

– On a cinquante points d’avance, dit Dubois, mais si on n’attrape pas bientôt le Vif d’or, on y sera encore ce soir.

– Comment veux-tu que je le voie avec ça ? dit Harry d’un ton exaspéré en agitant ses lunettes.

Au même instant, Hermione apparut derrière lui. Sa cape par-dessus la tête pour se protéger de la pluie, elle semblait ravie.

– J’ai eu une idée, Harry ! dit-elle. Donne-moi vite tes lunettes !

Il les lui tendit et toute l’équipe stupéfaite la regarda tapoter les verres avec sa baguette magique en marmonnant : Impervius !

– Et voilà ! dit-elle en rendant ses lunettes à Harry. Désormais, elles vont repousser l’eau.

On aurait dit que Dubois allait se précipiter sur elle pour l’embrasser.

– Formidable ! lança-t-il d’une voix rauque tandis qu’Hermione disparaissait dans la foule. Bon, on y va !

Le sortilège d’Hermione avait réussi. Harry était toujours engourdi par le froid, toujours trempé de part en part, mais au moins il arrivait à voir normalement. Animé d’une nouvelle énergie, il fendit les remous de l’orage, jetant des coups d’œil de tout côté en quête du Vif d’or, évitant un Cognard, plongeant sous le balai de Diggory qui filait en sens inverse…

Il y eut un nouveau coup de tonnerre accompagné d’un éclair fourchu. Voler dans ces conditions devenait de plus en plus dangereux, il fallait se dépêcher d’attraper le Vif d’or.

Il prit un virage serré avec l’intention de revenir vers le milieu du terrain, mais au même moment, un autre éclair illumina les tribunes et Harry vit quelque chose qui détourna aussitôt son attention : sur le plus haut gradin, vide de spectateurs, la silhouette d’un énorme chien noir et hirsute se détachait nettement contre le ciel.

Harry sentit ses mains engourdies glisser sur le manche du balai et son Nimbus fit un bref plongeon. D’un mouvement de tête, il rejeta en arrière la mèche trempée qui lui barrait le front et plissa les yeux en regardant à nouveau dans les tribunes : le chien avait disparu.

– Harry ! hurla la voix angoissée de Dubois qui gardait les buts de Gryffondor, Harry, derrière toi !

Harry tourna la tête. Cedric Diggory filait à toute vitesse dans sa direction. Entre eux deux, un minuscule point doré scintillait sous la pluie.

Dans un brusque mouvement de panique, Harry se coucha sur son manche et fonça vers le Vif d’or.

– Allez, vas-y, murmura-t-il à son Nimbus, le visage fouetté par la pluie. Vite, plus vite !

Mais quelque chose d’étrange se produisait. Un silence inquiétant s’était soudain abattu sur le stade. Bien qu’il fût toujours aussi violent, le vent avait cessé de mugir. C’était comme si quelqu’un avait coupé le son, comme si, tout à coup, Harry était devenu sourd.

Il sentit alors une vague de froid l’envahir. Un froid qui le pénétra jusqu’au fond de lui-même. Un froid terriblement familier. Puis il eut conscience que quelque chose bougeait sur le terrain…