– Ah, bon, dit Ron, un peu déçu.
La première chose qu’ils virent en entrant dans la cabane de Hagrid, ce fut Buck qui était étendu sur le couvre-lit en patchwork. Ses ailes immenses repliées contre son corps, il se délectait d’un plat de musaraignes mortes. Détournant les yeux de ce spectacle peu ragoûtant, Harry vit un gigantesque costume marron et une horrible cravate jaune et orange accrochés à la porte de l’armoire.
– Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Harry.
– C’est pour mon audition devant la Commission d’Examen des Créatures dangereuses, répondit Hagrid. Nous sommes convoqués vendredi. On ira à Londres ensemble, tous les deux. J’ai réservé deux lits dans le Magicobus…
Harry éprouva un brusque sentiment de culpabilité. Il avait complètement oublié que le procès de Buck était si proche et Ron aussi, à en juger par son expression gênée. Ils avaient aussi oublié leur promesse de l’aider à préparer la défense de l’hippogriffe. L’arrivée de l’Éclair de Feu avait éclipsé tout le reste.
– Il faut que je vous parle de quelque chose, leur dit Hagrid en leur versant du thé.
Son ton était d’une gravité inhabituelle.
– De quoi ? demanda Harry.
– D’Hermione, dit Hagrid.
– Qu’est-ce qu’elle a ?
– Elle va mal, voilà ce qu’elle a. Elle est venue me voir souvent depuis Noël. Elle se sentait seule. D’abord, vous ne lui avez plus parlé à cause de l’Éclair de Feu, ensuite vous ne lui avez plus parlé parce que son chat…
– … a mangé Croûtard ! acheva Ron d’un ton furieux.
– … parce que son chat a agi comme tous les chats, poursuivit Hagrid sans tenir compte de l’interruption. Elle a souvent pleuré, si vous voulez savoir. Elle traverse une mauvaise passe en ce moment. À mon avis, elle a vu trop grand. Elle travaille trop. Mais elle a quand même trouvé le temps de m’aider à préparer la défense de Buck… Elle m’a trouvé des choses très utiles… Je crois qu’il a une bonne chance de s’en tirer, maintenant…
– Nous aussi, nous aurions bien aimé vous aider, Hagrid… Je suis désolé… dit Harry avec maladresse.
– Je ne vous en veux pas, répondit Hagrid. Dieu sait que vous avez eu suffisamment à faire. J’ai vu les séances d’entraînement de Quidditch, jour et nuit… Mais ce que je voulais vous dire, c’est que je croyais l’amitié plus importante pour vous qu’un balai ou un rat, voilà tout.
Harry et Ron échangèrent des regards gênés.
– Elle était vraiment bouleversée quand Black a failli te poignarder, Ron. Elle a du cœur, Hermione, croyez-moi… Et vous deux qui refusez de lui parler…
– Si elle se débarrassait de son chat, je recommencerais à lui parler, dit Ron avec colère. Mais elle y tient, à cet animal ! Elle ne supporte pas qu’on dise un mot contre lui, et pourtant, il est complètement fou !
– Parfois, les gens sont un peu stupides avec leurs animaux, dit Hagrid avec sagesse.
Derrière lui, Buck recracha quelques os de musaraigne sur l’oreiller.
La conversation s’orienta ensuite sur les chances de Gryffondor de remporter la coupe. Puis, à neuf heures, Hagrid les raccompagna au château.
Lorsque Ron et Harry retournèrent dans la salle commune, les élèves se bousculaient devant le panneau d’affichage.
– Pré-au-lard, le week-end prochain, annonça Ron en se hissant sur la pointe des pieds pour lire la note nouvellement placardée. Qu’est-ce que tu comptes faire ? ajouta-t-il à voix basse à l’adresse de Harry.
– Rusard n’a pas condamné le passage qui mène chez Honeydukes… chuchota Harry.
– Harry ! s’écria une voix à son oreille.
Harry sursauta et vit Hermione assise à une table derrière eux.
– Harry, si jamais tu retournes à Pré-au-lard… Je raconte l’histoire de la carte au professeur McGonagall ! dit-elle.
– Tu entends quelque chose, Harry ? grogna Ron sans accorder un regard à Hermione.
– Ron, comment peux-tu l’encourager à venir avec toi ? Après ce que Sirius Black a failli te faire ? Je parle sérieusement, je vais vraiment le dire…
– Alors, maintenant, tu essayes de faire renvoyer Harry ! s’exclama Ron avec fureur. Tu trouves que tu n’as pas encore fait assez de dégâts, cette année ?
Hermione ouvrit la bouche pour répondre, mais au même moment, Pattenrond bondit sur ses genoux. Elle sembla terrorisée par l’expression du visage de Ron et emmena aussitôt son chat dans le dortoir des filles.
– Alors, qu’est-ce que tu comptes faire ? répéta Ron, comme si rien ne les avait interrompus. Tu devrais venir, la dernière fois, tu n’as rien vu. Tu n’es même pas allé chez Zonko !
Harry regarda autour de lui pour vérifier qu’Hermione ne pouvait pas l’entendre.
– D’accord, dit-il, je viens. Mais cette fois, je prends ma cape d’invisibilité.
Le samedi matin, Harry glissa sa cape d’invisibilité dans son sac et la carte du Maraudeur dans sa poche, puis il descendit prendre son petit déjeuner avec les autres. À l’autre bout de la table, Hermione ne cessait de lui jeter des coups d’œil soupçonneux, mais il évitait son regard et s’arrangea pour qu’elle le voie remonter l’escalier de marbre tandis que les autres sortaient du château.
– Au revoir ! cria Harry à Ron. Amuse-toi bien. On se verra à ton retour !
Ron sourit et lui adressa un clin d’œil.
Harry se précipita au deuxième étage et sortit de sa poche la carte du Maraudeur. Il s’accroupit derrière la sorcière borgne, prononça la formule magique qui faisait apparaître le plan du château et vit un petit point noir qui avançait dans sa direction. Harry le regarda de plus près : une minuscule étiquette indiquait : « Neville Londubat ».
Il tapota aussitôt la statue de sa baguette magique en murmurant : « Dissendium » et lança son sac par l’ouverture. Mais avant qu’il ait pu s’y glisser lui-même, Neville apparut au coin du couloir.
– Harry ! dit-il. J’avais oublié que toi non plus, tu n’allais pas à Pré-au-lard !
– Salut, Neville, dit Harry en remettant la carte dans sa poche. Qu’est-ce que tu fais ?
– Rien, répondit Neville avec un haussement d’épaules. Tu veux jouer aux cartes ? Une petite Bataille explosive ?
– Heu… non, pas maintenant, je voulais aller à la bibliothèque faire mon devoir pour Lupin.
– Je viens avec toi, dit Neville, ravi. Moi non plus, je ne l’ai pas encore fait !
– Ah, mais attends, je me suis trompé, je l’ai fini hier soir ! dit soudain Harry.
– Parfait, comme ça, tu pourras m’aider, suggéra Neville avec une expression anxieuse sur son visage rond. Je n’ai rien compris à cette histoire d’ail qui éloigne les vampires… Est-ce qu’il faut leur en faire manger ou…
Neville s’interrompit et ouvrit de grands yeux en regardant par-dessus l’épaule de Harry. Rogue s’avançait vers eux. Neville se réfugia derrière Harry.
– Qu’est-ce que vous faites là, tous les deux ? demanda Rogue en les regardant alternativement. Drôle d’endroit pour se donner rendez-vous…
Harry vit avec inquiétude les yeux de Rogue regarder autour de lui puis se poser sur la statue de la sorcière borgne.
– Nous n’avions pas rendez-vous, dit Harry. Nous nous sommes simplement croisés…
– Vraiment ? dit Rogue. Vous avez la manie d’apparaître dans les endroits les plus inattendus, Potter, et il est rare que vous y soyez sans raison… Je vous suggère de retourner tous les deux dans la tour de Gryffondor où vous auriez davantage votre place.
Harry et Neville s’éloignèrent sans ajouter un mot. En tournant l’angle du couloir, Harry jeta un coup d’œil en arrière. Rogue était en train de passer la main sur la tête de la sorcière borgne, en l’examinant attentivement.