Harry absorba tout cela, traitant les informations. La rage noire se vida, et il réalisa qu'on l'écoutait avec respect, et que sa famille n'était pas en danger.
"Et comment expliquez-vous vos observations, Professeur McGonagall ?"
"Je ne sais pas", dit-elle. "Mais il est possible que quelque chose vous soit arrivé, quelque chose dont vous ne vous souvenez pas."
La furie monta à nouveau en Harry. Ça ressemblait beaucoup trop aux histoires de familles brisées qu'il avait lues dans les journaux. "Les souvenirs refoulées sont de la pseudoscience ! Les gens ne répriment pas leurs souvenirs traumatiques, ils ne s'en souviennent que trop bien pour le restant de leurs vies !"
"Non, M. Potter. Il existe un charme nommé Oubliettes."
Harry se figea. "Un sort qui efface les mémoires ?"
McGonagall acquiesça. "Mais pas les effets du souvenir, si vous voyez ce que je veux dire, M. Potter."
Un frisson parcouru la colonne vertébrale de Harry. Cette hypothèse... n'était pas simple à réfuter. "Mais mes parents ne pourraient pas faire ça !"
"Non," dit McGonagall. "Il faudrait quelqu'un venu du monde magique. Il n'y a... aucun moyen de le savoir, j'en ai peur - pas que je sache."
Les talent de rationaliste de Harry se remirent en route. "Professeur McGonagall, à quel point êtes vous certaine de vos observations, et quelles explications alternatives pourrait-il y avoir ?"
McGonagall ouvrit ses mains comme pour montrer qu'elles étaient vides. "Certaine ? Je ne suis certaine de rien, M. Potter. Si je considère votre individu dans son entier, alors je n'ai jamais rencontré une personne pareille de toute ma vie. Parfois vous ne paraissez tout simplement pas avoir onze ans ni même être vraiment humain."
Les sourcils de Harry s'élevèrent vers le ciel -
"Pardon !" dit vivement McGonagall. "Je suis vraiment désolée, M. Potter. J'essayais de démontrer un détail par de la rhétorique et j'ai peur que ça ait sonné différemment de la façon dont je l'avais à l'esprit -"
"Au contraire, Professeur McGonagall," dit Harry, et il sourit lentement. "Je prendrai cette remarque comme un très grand compliment. Mais objecteriez-vous à ce que je propose une explication alternative ?"
"Allez-y, je vous en prie."
"Les enfants ne sont pas censés être beaucoup plus intelligents que leurs parents," dit Harry. "Ou peut-être beaucoup plus sains d'esprit - mon père pourrait probablement se montrer plus malin que moi si il, vous savez, essayait vraiment, au lieu d'utiliser son intelligence d'adulte pour trouver de nouvelles raisons de ne pas changer d'avis -" Harry s'interrompit. "Je suis trop intelligent, McGonagall. Les enfants normaux ne sont tout simplement pas dans la même catégorie que moi. Les adultes ne me respectent pas assez pour me parler. Et franchement, même si ils le faisaient, ils ne diraient pas des choses aussi intelligentes que Richard Feynman, donc il vaut mieux que je lise quelque chose écrit par Richard Feynman. Je suis isolé, Professeur McGonagall. J'ai été isolé toute ma vie. Peut-être que ça produit quelques uns des effets qu'on ressent quand on est enfermé dans une cave. Je suis trop intelligent pour admirer mes parents de la façon dont les enfants sont censés le faire. Mes parents m'aiment, mais ils ne se sentent pas obligés de répondre à la raison, et parfois j'ai la sensation que ce sont eux les enfants - des enfants qui n'écoutent pas, et qui ont une autorité absolue sur toute mon existence. J'essaie de ne pas être trop amer à ce sujet, mais j'essaie aussi d'être honnête avec moi-même, et donc, oui, je suis amer. J'ai aussi un problème de contrôle de ma colère, mais j'y travaille. C'est tout."
"C'est tout ?"
Harry acquiesça avec ferveur. "C'est tout. Professeur McGonagall, l'explication normale mérite d'être prise en considération, même dans l'Angleterre magique, non ?"
Plus tard dans la journée, le soleil descendait sur un ciel d'été et les acheteurs commencaient à disparaître des rues. Certains magasins avaient déjà fermé ; Harry et McGonagall avaient acheté ses manuels chez Fleury et Bott juste avant la fermeture. Il y avait seulement eu une légère explosion quand Harry avait foncé droit vers le mot-clé "Arithmancie" et avait découvert que les livres de septième année ne contenaient rien de plus mathématiquement avancé que la trigonométrie.
Mais pour le moment, les rêves d'opportunités faciles étaient très loin de l'esprit de Harry.
Pour le moment, Harry et McGonagall sortaient de chez Ollivander's, et Harry fixait sa baguette. Il l'agita et produit des étincelles multicolores, ce qui n'aurait vraiment pas dû le choquer particulièrement après tout ce qu'il avait déjà vu, mais malgré tout -
Je peux faire de la magie.
Moi. Comme dans "Moi, personnellement." Je suis magique ; je suis un sorcier.
Il avait sentit la magie affluer dans son bras, et à cet instant il avait réalisé qu'il avait toujours eu ce sens, qu'il l'avait possédé toute sa vie, le sens qui n'était ni la vue ni le son ni l'odeur ni le goût ni le toucher mais seulement la magie. Comme d'avoir des yeux mais de les avoir toujours gardés fermés, et que vous ne vous rendiez pas compte que vous voyez du noir ; et le jour où les ouvriez, vous découvriez le monde. Le choc s'était déversé en lui, touchant plusieurs parties de son être, les réveillant, et disparaissant ensuite en quelques secondes ; ne laissant que la certitude qu'il était maintenant un sorcier, l'avait toujours été, et d'une certaine façon, qu'il l'avait toujours su.
Et -
"Il est en effet très curieux que vous soyez destiné à cette baguette, sachant que sa soeur, eh bien, sa soeur vous a donné cette cicatrice."
Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Il y avait des milliers de baguettes dans ce magasin. Bon, d'accord, ça pouvait être une coïncidence, il y avait six milliards de personnes sur Terre, des coïncidences à une chance sur mille avaient lieu tous les jours. Mais, Théorème de Bayes 101 : toute hypothèse raisonnable impliquant qu'il avait plus d'une chance sur mille que Harry se retrouve avec la baguette soeur de celle du Seigneur des Ténèbres avait un avantage.
McGonagall avait simplement dit comme c'est curieux et en était restée là, ce qui avait mit Harry en état de choc face à la pure, à l'écrasante inconscience des sorciers et sorcières. Harry n'aurait pu, dans aucun monde imaginable, simplement faire "Hm" et sortir du magasin sans même essayer de trouver une hypothèse expliquant ce qui s'était passé.
Sa main gauche s'éleva et toucha sa cicatrice.
Qu'est-ce qui... exactement...
"Vous êtes un sorcier complet à présent," dit McGonagall. "Félicitations."
Harry hocha la tête.
"Et que pensez-vous du monde magique ?"
"C'est étrange," dit Harry. "Je devrais être en train de penser à tout ce que j'ai vu de la magie... tout ce que je sais maintenant être possible, et tout ce que je sais maintenant être un mensonge, et tout le travail qui me reste à accomplir avant de vraiment comprendre. Et pourtant je me trouve distrait par de relatives trivialités telles que," Harry baissa la voix, "toute cette histoire de Survivant." Il ne semblait y avoir personne aux alentours, mais autant ne pas tenter le sort.