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"Est-ce que tu as un truc super rationnel que tu fais quand ton esprit se met à courir dans plein de directions à la fois ?" parvint-elle à dire.

"Mon approche est généralement d'identifier les différents désirs, de leur donner des noms, de les concevoir comme des individus différents et de les laisser débattre dans ma tête. Pour l'instant ceux qui persistent sont mes côtés Poufsouffle, Serdaigle, Gryffondor, et Serpentard, mon Critique Interne, mes copies simulées de toi, Neville, Draco, le professeur McGonagall, le professeur Flitwick, le professeur Quirrell, Papa, Maman, Richard Feynman et Douglas Hofstadter."

Hermione envisagea l'idée d'essayer avant que son Sens Commun ne la prévienne que ça pourrait être dangereux de faire ça. "Il y a une copie de moi dans ta tête ?"

"Bien sûr !" dit Harry. Le garçon sembla soudain un peu plus vulnérable. "Tu veux dire qu'il n'y a pas une copie de moi qui vit dans ta tête ?"

Elle se rendit compte qu'il y en avait une ; et pas seulement ça : elle parlait exactement avec la voix de Harry.

"C'est assez troublant maintenant que j'y pense," dit-elle. "J'ai effectivement une copie de toi dans ma tête. Elle me parle en ce moment même avec ta voix et elle soutient que c'est parfaitement normal."

"Bien," dit Harry avec sérieux. "Enfin je ne vois pas comment les gens pourraient être amis sans ça."

Elle continua alors de lire son livre et Harry sembla satisfait de continuer de lire les pages par-dessus son épaule.

Elle était allé jusqu'au numéro soixante-dix, Katherine Scott, qui avait apparemment inventé un moyen de transformer de petits animaux en tartes au citron, lorsqu'elle trouva enfin le courage de parler.

"Harry ?" dit-elle. (Elle s'était un peu écartée de lui, mais elle ne s'en était pas rendue compte). "S'il y a une copie de Draco Malfoy dans ta tête, est-ce que ça veut dire que tu es ami avec Draco Malfoy ?"

"Eh bien…" dit Harry. Il soupira. "Ouais, je comptais t'en parler de toute façon. J'aurais bien aimé t'en parler plus tôt. Bref, comment dire ça… je le corrompais ?"

"Qu'est-ce que tu veux dire, corrompait ?"

"Je le tentais pour qu'il rejoigne le côté clair de la Force."

Elle resta bouche bée.

"Tu sais, comme l'Empereur et Darth Vader, mais à l'envers."

"Draco Malfoy," dit-elle. "Harry, est-ce que tu as la moindre idée…"

"Oui."

"…du genre de chose que Malfoy a dit sur moi ? De ce qu'il a dit qu'il me ferait dès qu'il en aurait l'occasion ? Je ne sais pas ce qu'il t'a dit, mais Daphné Greengrass m'a répété ce que Malfoy dit quand il est à Serpentard. C'est indicible, Harry ! C'est littéralement indicible, au sens que je ne peux pas le dire à voix haute !"

"C'était quand ?" dit Harry. "Au début de l'année ? Est-ce que Daphné t'a dit quand c'était ?"

"Non," dit Hermione. "Parce que le quand n'a pas d'importance. Quiconque dit des choses - comme celles que Malfoy a dites - ne peut pas être quelqu'un de bien. Tes tentations n'ont pas d'importance, il reste quelqu'un de pourri, parce que quoiqu'il arrive quelqu'un de bien ne pourrait jamais

"Tu as tort," dit Harry en la regardant droit dans les yeux. "Je peux imaginer ce que Draco a menacé de te faire, parce que la deuxième fois que je l'ai rencontré, il parlait de le faire à une fille de dix ans. Mais est-ce que tu ne vois pas que le jour où Draco Malfoy est arrivé à Poudlard, il avait passé toute sa vie élevé par des Mangemorts. Il aurait fallu une intervention surnaturelle pour qu'il ait ta moralité étant donné son cadre éducatif…"

Harry secoua violemment la tête. "Non, Harry, personne n'a besoin de te dire que c'est mal de faire souffrir les gens. Ce n'est pas quelque chose qu'on ne fait pas parce que le professeur a dit que c'était interdit, c'est quelque chose qu'on ne fait pas parce que… parce qu'on quand les gens souffrent, ça se voit. Tu ne sais pas ça, Harry ?" Sa voix tremblait à présent. "Ce n'est pas… ce n'est pas une règle que les gens suivent comme les règles de l'algèbre ! Si tu ne peux pas le voir, si tu ne peux pas le ressentir ici," sa main frappa au centre de sa poitrine, pas tout à fait là où se trouvait son cœur, mais ça n'avait pas d'importance parce que tout se passait dans le cerveau de toute façon, "alors tu ne l'as pas !"

L'idée vint alors à Hermione que Harry ne l'avait peut-être pas.

"Il y a des livres d'Histoire que tu n'as pas lus," dit doucement Harry. "Il y a des livres que tu n'as pas lus et qui pourraient te faire voir les choses autrement. Il y a quelques siècles - je pense que c'était certainement encore en vogue au dix-septième siècle - c'était une forme d'amusement populaire au village que de prendre un panier en osier ou un ballot avec une dizaine de chats vivants à l'intérieur et…"

"Arrête," dit-elle.

"…de les brûler dans un feu de joie. Juste une fête ordinaire. Un plaisir sain. Et je leur accorderai ça : c'était plus sain que te brûler des femmes qu'on pensait être des sorcières. Parce que la façon dont les gens sont faits, Hermione, la façon dont les sentiments des gens sont faits…" Harry mit une main sur son propre cœur, à l'emplacement anatomique correct, mais il s'arrêta et déplaça sa main vers sa tête, au niveau de l'oreille, "… c'est qu'il souffrent quand ils voient leurs amis souffrir. Quand la personne entre dans leur cercle de préoccupation, quand c'est un membre de leur tribu. Cette sensation a un interrupteur, un bouton on-off étiqueté 'ennemi', 'étranger', ou parfois juste 'inconnu'. Les gens sont comme ça si on ne leur apprend rien d'autre. Donc non, le fait que Draco Malfoy a grandi en croyant que c'est drôle de faire souffrir ses ennemis ne veut pas dire qu'il est inhumain, ni même inhabituellement mauvais…"

"Si tu crois ça," dit-elle d'une voix instable, "si tu peux croire ça, alors tu es mauvais. Les gens sont toujours responsables de leurs actes. Ce qu'on te dit de faire n'a pas d'importance ; c'est toi qui agis. Tout le monde sait ça…"

"Non, tout le monde ne le sait pas ! Tu as grandi dans une société post-Seconde Guerre mondiale, dans laquelle tout le monde sait que les méchants disent 'je ne faisais qu'obéir aux ordres'. Au quinzième siècle, on aurait dit que l'accusé avait agit avec un sens du devoir honorable." La voix de Harry montait. "Est-ce que tu penses que tu, que tu es juste génétiquement meilleure que tous ceux qui vivaient à cette époque ? Que si tu avais été transportée à Londres au quinzième siècle quand tu étais bébé tu te serais rendue compte toute seule que c'est mal de brûler des chats, que c'est mal de brûler des sorcières, que l'esclavage est mal, que tous les êtres conscients devraient entrer dans ton cercle de préoccupation ? Est-ce que tu penses que tu aurais fini de comprendre tout ça à la fin ton premier jour à Poudlard ? Personne n'a jamais dit à Draco que c'est sa responsabilité personnelle de devenir plus éthiquement meilleur que la société dans laquelle il a grandi. Et malgré ça il ne lui a fallu que quatre mois pour en arriver au point où il attrappe une née-Moldue par la main pour l'empêcher de tomber d'un bâtiment." Les yeux de Harry étaient plus virulents qu'elle ne les avait jamais vus. "Je n'ai pas fini de corrompre Draco Malfoy, mais je pense que jusque là il s'en sort plutôt bien."