Sans personne pour le voir, les lèvres du professeur de Défense se recourbèrent en un fin sourire. Malgré ses petits hauts et bas, la journée avait été étonnamment bonne dans l'ensemble…
"IL EST LÀ. CELUI QUI DÉCHIRERA LES ÉTOILES DU CIEL. IL EST LÀ. IL EST LA FIN DU MONDE."
*Chapter 90*: Rôles, partie 1
Harry se tenait encore devant le corps de Hermione, il n'avait pas bougé et réfléchissait aussi vite que possible dans un sentiment de dissociation, de fragmentation temporelle. Devait-il faire quelque chose maintenant, une opportunité d'agir était-elle en train de lui échapper irrévocablement ? De réduire le niveau d'omnipotence magique dont il aurait besoin plus tard ? Un effet de balise temporelle pour marquer cet instant, dans l'idée d'un voyage temporel futur, s'il trouvait un jour un moyen de retourner plus de six heures dans le passé ? Il existait des théories sur le voyage temporel dans le cadre de la relativité générale (qui lui avaient semblées beaucoup moins plausibles avant qu'il ne rencontre les Retourneurs de Temps) et ces théories disaient que l'on ne pouvait revenir à avant la construction de la machine : une machine à remonter dans le temps fondée sur des principes relativistes maintenait un passage continu à travers le temps mais ne téléportait rien. Mais Harry ne voyait rien d'utile qu'il puisse accomplir avec les sortilèges dont il disposait, Dumbledore n'était pas très coopératif, et quoi qu'il en soit on était plusieurs minutes dans le Temps après l'instant crucial.
"Harry," chuchota le directeur en posant sa main sur l'épaule de Harry. Il avait disparu de là où il s'était tenu, au-dessus des jumeaux Weasley et était apparu à côté de Harry ; George Weasley s'était comme téléporté de sa position assise à une position agenouillée au côté de son frère, et Fred était à présent allongé bien droit, ses yeux grands ouverts, une grimace sur le visage à chaque respiration. "Harry, tu dois quitter cet endroit."
"Attendez," dit la voix de Harry. "J'essaie de voir si je peux faire autre chose."
La voix du vieux sorcier attestait de son impuissance. "Harry - je sais que tu ne crois pas aux âmes - mais que Hermione te regarde maintenant ou pas, je ne pense pas qu'elle souhaiterait te voir ainsi."
…non, c'était évident.
Harry dirigea sa baguette sur le corps de Hermione…
"Harry ! Qu'est-ce que tu…"
…et déversa tout ce qu'il avait le long de son bras, le long de sa main…
"Frigideiro !"
"…fais ?"
"Hypothermie," dit Harry d'une voix distante tout en chancelant. Cela avait été l'un des sortilèges avec lesquels, lors d'une vie antérieure, lui et Hermione avaient fait des expériences. Il était donc capable de le contrôler avec précision mais il lui avait fallu beaucoup de puissance pour affecter une telle masse. La corps de Hermione devait à présent être à exactement cinq degrés Celsius. "Des gens ont été réanimés après avoir été dans l'eau froide sans respirer pendant plus de trente minutes. Vous voyez, le froid vous protège des dommages cérébraux, il ralentit tout. Les docteurs moldus ont un dicton : on n'est pas mort tant qu'on n'est pas chaud et mort - je pense qu'ils refroidissent même le patient lors de certaines opérations, quand ils ont besoin d'arrêter le cœur de quelqu'un pendant un moment."
Fred et George commencèrent à sangloter.
Le visage de Dumbledore était déjà strié de larmes. "Je suis désolé," chuchota-t-il. "Harry, je suis tellement navré, mais tu dois arrêter de faire ça." Le directeur prit Harry par les épaules et le tira en arrière.
Harry se laissa être détourné du corps de Hermione, marcha en suivant les poussées du directeur qui l'éloignaient du sang. Le sortilège de refroidissement lui donnerait du temps. Des heures au moins, peut-être des jours s'il parvenait à continuer de lancer le sortilège sur Hermione ou s'ils entreposaient son corps dans un endroit froid.
Maintenant, il avait le temps de réfléchir.
Minerva avait vu le visage d'Albus et avait su que quelque chose n'allait pas ; elle avait eu le temps de se demander ce qui s'était passé, et même qui était mort : son esprit lui avait fait voir Alastor, Augusta, Arthur et Molly, les cibles les plus probables lors d'un retour de Voldemort. Elle avait pensé avoir trempé sa volonté dans l'acier, elle s'était crue prête au pire.
Puis Albus parla et tout l'acier la quitta.
Pas Hermione… pas…
Albus lui donna un bref moment pour pleurer puis lui dit que Harry Potter, qui avait vu Mlle Granger mourir, s'était assis devant le débarras de l'infirmerie où les restes de Mlle Granger étaient conservés, qu'il refusait de bouger, et qu'il disait à tous ceux qui lui adressaient la parole de partir afin qu'il puisse réfléchir.
La seule chose qui avait provoqué quelque réaction que ce soit chez le garçon avait été quand Fumseck avait essayé de chanter pour lui ; Harry Potter avait glapit au phénix de ne pas faire ça, que ses émotions étaient réelles et qu'il ne voulait pas que la magie essaie de les soigner comme si elles étaient une maladie. Après cela, Fumseck avait refusé de chanter.
Albus pensait qu'elle était peut⁻être celle qui avait le plus de chance de pouvoir atteindre Harry Potter.
Alors elle dut se reprendre, nettoyer son visage ; elle aurait le temps plus tard de vivre son deuil, en privé, quand ceux de ses enfants qui avaient survécu n'auraient plus besoin d'elle.
Minerva McGonagall récupéra les parties disloquées de son être, essuya ses yeux une dernière fois et mit la main sur la poignée de la section de l'infirmerie dont on utilisait maintenant le débarras - pour la seconde fois du siècle et pour la cinquième fois depuis la fondation de Poudlard - comme lieu de repos pour un jeune élève prometteur.
Elle ouvrit la porte.
Les yeux de Harry Potter la regardèrent. Le garçon était assis au sol devant la porte du débarras et avait sa baguette en main. Si son regard étaient endeuillé, s'il était vide, si même il était brisé, on ne pouvait le voir en regardant le visage du garçon. Il n'y avait pas de larmes séchées sur ces joues.
"Pourquoi êtes-vous là, professeur McGonagall ?" dit Harry Potter. "J'ai dit au directeur que je voulais être laissé seul un moment."
Elle ne sut pas quoi répondre. Pour vous aider - vous n'allez pas bien - mais elle ne savait pas quoi dire : il n'y avait rien dont elle puisse imaginer que le dire arrangerait les choses. N'ayant pas été au mieux de sa forme, elle n'avait rien prévu à l'avance avant d'entrer dans la pièce.
"À quoi réfléchissez-vous ?" dit-elle. Ce fut la seule phrase qui lui vint à l'esprit. Albus lui avait dit que Hary avait dit, encore et encore, qu'il réfléchissait ; et il fallait qu'elle parvienne à faire parler Harry d'une façon ou d'une autre.
Harry regarda, à moitié vers elle, à moitié à travers elle, et elle retint sa respiration lorsqu'une tension apparut sur le visage de ce dernier.
Harry mit un moment à parler.
"J'essaie de trouver s'il y a quoi que ce soit que je devrais faire maintenant," dit-il. "Mais c'est difficile. Mon esprit n'arrête pas d'imaginer comment le passé aurait pu se dérouler différemment, si j'avais réfléchi plus vite, et je ne peux pas éliminer la possibilité qu'une réponse se cache là."
"M. Potter…" dit-elle d'une voix hésitante. "Harry, je ne pense pas que ce soit sain que vous… pensiez comme ça…"
"Je ne suis pas d'accord. C'est quand on ne pense pas que les gens meurent." Les mots avaient été prononcés d'un ton monotone, comme s'il avait récité un texte appris dans un livre.
"Harry," dit-elle, réfléchissant à peine en prononçant ces paroles, "il n'y a rien que vous auriez pu faire…"