Quelque chose grésilla dans l'expression de Harry. Ses yeux semblèrent se poser sur elle pour la première fois.
"Rien que j'aurais pu faire ?" la voix de Harry s'éleva sur ce dernier mot. "Rien que j'aurais pu FAIRE ? J'ai perdu compte du nombre de façons dont j'aurais pu la sauver ! Si j'avais demandé qu'on ait tous des miroirs communicants ! Si j'avais insisté pour que Hermione soit évacuée de Poudlard et mise dans une école qui n'est pas dérangée ! Si j'étais sorti immédiatement de la grande salle au lieu d'essayer de discuter avec des gens normaux ! Si je m'étais souvenu du Patronus plus tôt ! Même à la dernière minute ça aurait pu ne pas être trop tard ! J'ai tué le troll, je me suis tourné vers elle et elle était encore EN VIE et je me suis juste agenouillé pour écouter ses derniers mots comme un IDIOT au lieu de relancer le Patronus et de dire à Dumbledore d'envoyer Fumseck ! Ou si j'avais juste vu tout le problème sous un autre angle - si j'avais cherché un élève avec un Retourneur de Temps pour envoyer un message dans le passé avant que je découvre si quelque chose lui était arrivé au lieu de me retrouver avec un résultat inaltérable - j'ai demandé au directeur de revenir dans le passé, de sauver Hermione et de tout simuler, de mettre un faux corps, de modifier les souvenirs de tout le monde, mais Dumbledore a dit qu'il avait déjà essayé ça une fois, que ça n'avait pas fonctionné et qu'au lieu de ça il avait perdu un autre ami. Ou si j'avais… si j'avais suivi… si, cette nuit là…"
Harry appuya ses mains sur son visage et lorsqu'il les retira, il était à nouveau calme et mesuré.
"Quoi qu'il en soit," dit Harry Potter d'une voix à nouveau monotone, "je ne veux pas réitérer cette erreur, donc je vais réfléchir jusqu'à l'heure du dîner pour voir s'il y a quelque chose que je devrais faire. Si je n'ai rien trouvé à l'heure du dîner, alors j'irai manger. Maintenant partez, s'il vous plaît."
Elle se rendait compte que des larmes coulaient maintenant le long de ses joues à elle. "Harry… Harry, vous devez croire que ce n'est pas de votre faute !"
"Bien sûr que c'est ma faute. Il n'y a personne d'autre ici qui pourrait être responsable de quoi que ce soit."
"Non ! Vous-Savez-Qui a tué Hermione !" Elle se rendait à peine compte de ce qu'elle disait, elle se rendait à peine compte qu'elle n'avait pas protégé la pièce contre d'éventuelles oreilles indiscrètes. "Pas vous ! Quoi que vous auriez pu faire, ce n'est pas vous qui l'avez tuée, c'est Voldemort ! Vous ne pouvez pas croire ça, sinon vous deviendrez fou, Harry !"
"Ce n'est pas comme ça que la responsabilité fonctionne, professeur." La voix de Harry était patiente, comme s'il expliquait quelque chose à un enfant qui allait certainement ne pas comprendre. Il ne la regardait plus, il regardait juste le mur sur sa droite. "Lorsque l'on procède à analyse des défaillances, il est inutile de porter le blâme sur une partie du système que l'on ne pourra pas changer : c'est comme de se laisser tomber d'une colline et de blâmer la gravité. La gravité n'aura pas changé la prochaine fois. Il est inutile d'essayer de tenir pour responsables des gens qui ne changeront pas leurs actes. Une fois qu'on regarde les choses sous cet angle, on se rend compte que blâmer ne sert jamais à rien sauf quand on se blâme soi-même, parce que l'on est le seul dont les actions peuvent changer suite à un blâme. C'est pour ça que Dumbledore a cette pièce pleine de baguettes brisées. Au moins, il comprend ça."
Une lointaine partie de l'esprit de Minerva nota d'attendre beaucoup plus tard pour aller parler très durement au directeur au sujet de ce qu'il montrait à de jeunes enfants impressionnables. Elle lui crierait peut-être même dessus, cette fois. Elle avait de toute façon songé à lui crier dessus, à cause de Hermione Granger…
"Vous n'êtes pas responsable," dit-elle, même si sa voix tremblait. "Ce sont les professeurs - ce sont nous qui sommes responsable de la sécurité des élèves, pas vous."
Les yeux de Harry revinrent à elle. "Vous êtes responsable ? Sa gorge semblait serrée."Vous voulez que je vous tienne pour responsable, professeur McGonagall ?"
Elle leva le menton et hocha la tête. Ce serait bien, bien mieux que de voir Harry se blâmer lui-même.
Le garçon se releva en appuyant sur le sol et fit un pas en avant. "Alors très bien," dit-il d'une voix monotone. "J'ai essayé d'être raisonnable quand j'ai vu que Hermione manquait à l'appel et qu'aucun des professeurs n'étaient au courant. J'ai demandé à des élèves de septième année de venir avec moi sur un balais volant et de me protéger pendant que l'on cherchait Hermione. J'ai demandé qu'on m'aide. J'ai supplié qu'on m'aide. Et personne ne m'a aidé. Parce que vous aviez donné à tout le monde l'ordre absolu de rester quelque part sous peine d'être exclu, sans excuses possibles. Peu importe les erreurs de Dumbledore, au moins il voit ses élèves comme des gens, pas comme des animaux qui doivent être menés dans un enclos et tenus hors de couloirs ; vous saviez que certains élèves étaient tactiquement et stratégiquement meilleurs que vous et vous nous avez quand même coincés dans une pièce sans rien laisser à notre discrétion. Alors, quand quelque chose que vous n'aviez pas prévu s'est produit et qu'il aurait été parfaitement sensé d'envoyer un élève de septième année sur un balais rapide à la recherche de Hermione Granger, les élèves ont su que vous ne comprendriez pas, que vous ne pardonneriez pas. Ils n'avaient pas peur du troll, ils avaient peur de vous. La discipline, la conformité, la lâcheté que vous avez insufflée en eux m'a retardé juste assez pour que Hermione meure. Non pas que j'aurais dû demander de l'aide à des gens normaux, bien sûr, et je vais changer, et je serai moins stupide la prochaine fois. Mais si j'étais assez stupide pour tenir pour responsable quelqu'un d'autre que moi, c'est ce que je dirais."
Des larmes coulaient sur les joues de Minerva.
"Voilà ce que je vous dirais si je pensais que vous pouviez être responsable de quoi que ce soit. Mais les gens normaux ne choisissent pas en fonction des conséquences, ils ne font que jouer des rôles. Il y a dans votre tête l'image d'une sévère adepte de la discipline et vous faites tout ce que cette image ferait, que ça ait un sens ou pas. Une adepte de la discipline ordonnerait à ses élèves de retourner dans leurs chambres, même avec un troll rôdant dans les couloirs. Une adepte de la discipline ordonnerait à ses élèves de ne pas quitter la grande salle sous peine d'expulsion. Et la petite image du professeur McGonagall que vous avez dans votre tête ne peut pas apprendre de ses expériences ou se modifier elle-même, donc cette conversation est inutile. Les gens comme vous ne sont pas responsables, ce sont les gens comme moi qui le sont, et quand nous échouons il n'y a personne d'autre à blâmer."
Le garçon avança pour se tenir directement face à elle. Sa main plongea dans ses robes et en ressortit la sphère dorée qu'était la coque protectrice fournie par le ministère de son Retourneur de Temps. Il parla d'une voix morne, neutre, sans aucune emphase. "Ceci aurait pu sauver Hermione si j'avais été capable de l'utiliser. Mais vous avez pensé que c'était votre rôle de me le refuser, de me barrer la route. Personne n'est mort à Poudlard depuis cinquante ans, vous avez dit cela quand vous l'avez verrouillé, vous vous souvenez ? J'aurais dû vous le demander à nouveau quand Bellatrix Black s'est échappée d'Azkaban, ou après que Hermione ait été accusée de tentative de meurtre. Mais j'ai oublié, j'ai été stupide. S'il vous plaît, débloquez-le maintenant avant qu'un autre de mes amis ne meure."
Incapable de parler, elle sortit sa baguette et s'exécuta, défaisant l'enchantement minuté qu'elle avait mêlé au loquet de la coque.