Il y eut des cris de surprise, de désarroi, et pas seulement venus de la table Gryffondor, tandis qu'au même instant le cœur de Harry gelait dans sa poitrine. Il fallait qu'il coure, qu'il dise quelque chose, il n'avait pas voulu que ça se…
Minerva respira et poursuivit. "Cependant, le directeur n'a pas accepté ma démission," dit-elle. "Je continuerai donc mon travail et essaierai de défaire ce que j'ai façonné. Je dois parvenir à trouver un moyen d'enseigner à mes élèves comment faire ce qui est juste. Pas ce qui est sûr, pas ce qui simple, pas ce qu'on nous dit de faire. Si tout ce dont je suis capable est de vous apprendre à rendre vos devoirs à l'heure, autant ne pas avoir de maison Gryffondor. Cette voie sera plus difficile pour moi, et peut-être pour nous tous. Mais je sais à présent que jusqu'ici, je ne faisais que suivre la voie de la facilité."
Elle s'écarta du pupitre et descendit pour rejoindre les jumeaux Weasley.
"Fred Weasley, George Weasley," dit-elle. "Vous n'avez pas toujours fait ce qui est juste. Le chemin vers la sagesse n'est pas semé de défis éhontés et inutiles envers l'autorité. Et pourtant, aujourd'hui, vous avez prouvé être les derniers de notre maison à avoir survécu à mes erreurs. Parce que c'était la bonne chose à faire, vous avez défié la menace d'expulsion et avez risqué vos vies face à un troll des montagnes. Pour votre courage stupéfiant, qui fait honneur à votre maison, je vous décerne à chacun deux cent points pour Gryffondor."
Encore cet air surpris sur leurs visages, encore la douleur, comme un lame à travers son cœur.
Elle se retourna pour faire face aux autres élèves.
"Je ne décernerai aucun point à Serdaigle," dit-elle. "Je devine que M. Potter n'en voudrait pas. Si j'ai tort, qu'il me corrige et prenne autant de points qu'il le souhaitera. Mais pour ce que ça vaut, M. Potter, je suis," elle hésita, "je suis désolée…"
"Arrêtez !" hurla Harry, puis, encore : "Arrêtez." Le mot râpait sa gorge. "Vous n'avez pas à faire ça, professeur." Quelque chose en lui se tordait, menaçait de s'ouvrir grand, comme des mains immenses qui l'auraient saisit pour l'ouvrir en deux. "Et, et vous ne devriez pas oublier Susan Bones et Ron Weasley… eux aussi ont aidé, ils devraient aussi recevoir des points…"
"Mlle Bones et le jeune Weasley ?" dit le professeur McGonagall. "Rubeus ne m'a rien dit de cela… qu'ont-ils fait ?"
"Mlle Bones a essayé d'étourdir M. Hagrid quand il a essayé de m'arrêter, et M. Weasley a tiré sur Neville quand Neville a essayé de m'arrêter. Ils devraient aussi avoir des points et, et Neville aussi," Harry n'avait pas pensé à y songer, à la façon dont Neville devait maintenant se sentir, mais à l'instant où il y pensa, il sut, "parce que Neville a essayé de faire quelque chose, même si ce n'était pas juste, faire ce qui est juste est la deuxième leçon, on peut commencer à la pratiquer après avoir appris à faire quelque chose, tout court…"
"Dix points pour Poufsouffle, Mlle Bones," dit le professeur McGonagall d'une voix qui se brisa à mi-phrase. "Dix points à Gryffondor, Ron Weasley, votre famille a de quoi être extrêmement fière, aujourd'hui. Et dix points à Poufsouffle pour Neville Londubat, pour avoir fait face à M. Potter et avoir fait ce qu'il pensait être juste…"
"Vous ne devriez pas !" hurla une jeune voix à la table Poufsouffle, suivie d'un unique hoquet.
Harry regarda dans cette direction et revint rapidement au professeur McGonagall avant de dire d'une voix aussi assurée que possible : "En fait Neville a raison, on ne peut pas décerner littéralement zéro points pour avoir agi correctement tout en envoyant le mauvais message, mais il était à mi-chemin alors il devrait plutôt avoir cinq points."
Le professeur McGonagall eut l'air, l'espace d'un instant, de ne pas savoir quoi dire ; puis ses yeux se dirigèrent vers Neville et elle dit : "Comme vous le souhaitez, M. Potter. Qu'y a-t-il, Mlle Bones ?"
Harry regarda et vit que Susan Bones s'était avancé, qu'elle s'essuyait les yeux, et la Poufsouffle dit : "En fait - professeur McGonagall - le général Potter ne l'a pas vu - mais le capitaine Weasley et moi n'avons pas été les seuls à tenter de nous interposer face à M. Hagrid après que Harry soit sorti. Avant que certains des élèves plus âgés ne nous arrêtent. Mais nous sommes parvenus à ralentir M. Hagrid pendant une minute pour que le général Potter puisse partir."
"Vous devez leur donner des points à eux aussi," dit Ron Weasley depuis la table Gryffondor. "Ou je n'en accepterai aucun."
"Qui d'autre ?" dit le professeur McGonagall d'une voix peu stable.
Sept autre enfants se levèrent.
Qui disait notre côté Serpentard, qu'il prédisait que rien ne fonctionnerait jamais ? dit Poufsouffle.
Quelque chose craqua en Harry, si bien qu'il dut faire usage de toute sa force pour se retenir.
Lorsque tout fut dit, lorsque tout fut fait, Minerva alla rejoindre Harry Potter. Bien que ce ne fut pas un domaine où elle excellait, elle lança une barrière afin de brouiller la vue, puis d'une autre pensée elle étouffa les sons.
"Vous, vous n'aviez pas à…" dit Harry Potter. "Vous n'auriez pas dû dire…" Il avait l'air de s'étrangler. "P-Professeur, tout ce que je vous ait dit, je cherchais à faire mal, à calmer ma haine, j'avais tort…"
"Je le savais déjà, Harry Potter," dit-elle. "Mais je souhaitais quand même m'améliorer." Il y avait une sensation de légèreté dans sa poitrine, très similaire à ce qu'on pouvait ressentir en sautant d'une falaise, quand les jambes n'avaient plus à soutenir le corps. Elle n'étais pas certaine de pouvoir faire ça, elle ne savait pas comment le faire ; et pourtant, pour la première fois, il lui sembla possible que Poudlard ne devienne pas une triste chimère de ce qu'elle était le jour où elle deviendrait sa directrice.
Harry la regarda puis émit un étrange son qui sembla avoir été forcé hors de sa gorge avant de couvrir son visage de ses mains.
Elle s'agenouilla et le prit dans ses bras. Peut-être que ça se passerait mal, mais peut-être que ça se passerait bien, et elle n'allait pas laisser cette incertitude l'arrêter ; il était temps qu'elle commence à apprendre le courage d'un Gryffondor afin qu'elle puisse ensuite l'enseigner.
"Avant, j'avais une sœur," chuchota-t-elle. Juste cela, rien de plus.
Juste pour être sûr, dit une partie de Harry, pendant que le reste sanglotait dans les bras du professeur McGonagall, ça ne veut pas dire qu'on a accepté la mort de Hermione, hein ?
NON dit tout le reste de son être, chaque partie de son esprit d'un accord unanime, le chaud, le froid, ainsi qu'un lieu caché fait d'acier. Jamais, à jamais.
Et un vieux sorcier pour qui cette barrière n'était rien les regarda tous deux, la sorcière et le jeune sorcier en larmes. Albus Dumbledore souriait, une étrange tristesse dans les yeux, comme quelqu'un qui aurait fait un pas de plus vers une destination prévue.
Le professeur de Défense les regardait tous deux, la femme et l'enfant qui pleurait. Ses yeux étaient très froids et très calculateurs.
Il ne pensait pas que cela suffirait.
Ce n'est que le lendemain matin qu'il fut découvert que le corps de Hermione Granger avait disparu.
*Chapter 94*: Rôles, partie 5
La première rencontre :
Le 17 avril 1992 à 6h07, le soleil se levait tout juste au-dessus de l'horizon du château de Poudlard, traversant les rideaux fermés du dortoir des premières années de Serdaigle, offrant une douce lumière rouge-orange d'aube peu altérée par le tissu blanc qui recouvrait les fenêtres et ne réveillant pas les garçons toujours endormis, encore habitués au rythme hivernal.