Pensée 4 : Puis-je faire confiance à ces souvenirs ?
Pensée 5 : Il y a clairement eu une sorte de débâcle à Azkaban, nous n'aurions pas eu besoin d'un missile si le professeur Quirrell ne s'était pas évanoui, et pourquoi se serait-il évanoui sinon à cause de …
Pensée 6 : Mais en fait, est-ce que j'ai déjà été à Azkaban ?
_Pensée 7 : J'ai clairement pratiqué mon contrôle sur les Détraqueurs avant d'effrayer celui du Magenmagot. Et ça, c'était dans les journaux._
Pensée 8 : Est-ce que je me souviens correctement de ce qu'ont dit les journaux ?
"Hm," répéta Harry. "Ce sortilège devrait vraiment être Impardonnable. Pensez-vous que le professeur Quirrell aurait pu lancer un sortilège de Faux Souvenirs…"
"Non. Je suis remonté dans le temps et j'ai placé certains instruments destinés à enregistrer la dernière bataille de Hermione, ne pouvant pas tout à fait supporter de l'observer moi-même." Le vieux sorcier semblait bien sombre. "Tu as deviné juste, Harry Potter. Voldemort a saboté tout ce que nous avions donné à Hermione pour sa protection. Son balais volant gisait entre ses mains. Sa cape d'invisibilité ne la masquait pas. Le troll marchait au soleil, indemne ; ce n'était pas une créature sauvage mais une arme affûtée et brandie. Et c'est bien le troll qui l'a tuée, par sa seule force, si bien que mes systèmes d'alarmes et mes toiles détectrices de magies hostiles ont été inutiles. Elle n'a jamais croisé la route du professeur Quirrell."
Harry déglutit, ferma les yeux, et réfléchit. "C'est donc une tentative de faire porter le chapeau au professeur Quirrell. On dirait. Cela semble effectivement être le mode opératoire de l'ennemi. Le troll a mangé Hermione Granger, que dit le système de sécurité ? Oh, regardez, en fait c'est le professeur de Défense, comme l'année dernière… non. Non, ça ne peut pas être ça."
"Pourquoi pas, M. Potter ?" dit le maître des potions. "Ça me semble assez évident…"
"C'est ça le problème."
L'ennemi est intelligent.
Les vapeurs du sommeil quittaient lentement l'esprit de Harry, et après une bonne nuit de repos son cerveau pouvait voir ce qui n'avait pas été évident la veille.
Selon les conventions habituelles de la littérature… l'ennemi n'était pas censé regarder ce qu'on avait fait, saboter les objets magiques qu'on avait distribués, puis envoyer un troll rendu indétectable par quelque moyen que les héros ne pouvaient pas deviner, même une fois le méfait accompli, si bien que le résultat aurait été le même en ne faisant rien pour se défendre. Dans un livre, le point de vue restait généralement sur les personnages principaux. Voir l'ennemi passer outre tout le travail des protagonistes grâce à des plans et des actes entrepris hors du champ de vision de l'histoire aurait constitué un diabolus ex machina et une source d'insatisfaction dramatique.
Mais dans la vraie vie, l'ennemi se verrait comme le personnage principal, il serait lui aussi malin, il penserait aux choses à l'avance, même si on ne le verrait pas faire. C'est pour cela que tout semblait si décousu, avec certaines parties inexpliquées et d'autre apparemment inexplicables. Qu'avait ressenti Lucius, quand Harry avait menacé Dumbledore de briser Azkaban ? Qu'avaient ressenti les Aurors d'Azkaban quand le balais s'était élevé au sommet d'une colonne de feu ?
L'ennemi est intelligent.
"L'ennemi savait parfaitement que vous retourneriez dans le temps pour voir ce qui était vraiment arrivé à Hermione, en particulier parce que l'arrivée d'un troll à Poudlard nous révèle que quelqu'un peut tromper le système de sécurité." Harry ferma les yeux, intensifia sa réflexion, et essaya de se mettre à la place de l'ennemi. Pourquoi lui ou son côté obscur aurait-il fait une chose comme… "Nous sommes censés en conclure que l'ennemi contrôle ce que le système de sécurité nous dit. Mais c'est en fait une chose que l'ennemi peut seulement faire avec difficulté ou dans des circonstances particulières ; il essaie de créer une apparence trompeuse d'omnipotence." Comme je le ferais. "Plus tard, le système de sécurité pourrait nous montrer le professeur Sinistra en train de tuer quelqu'un. Nous penserons que quelqu'un nous trompe à nouveau, mais en fait, le professeur Sinistra aura été victime d'une Légilimancie et aura tué quelqu'un."
"Sauf si c'est précisément ce que le Seigneur des Ténèbres veut que nous pensions," dit Severus Rogue, un sourcil froncé sous l'effet de la concentration. "Auquel cas il contrôle bien le système de sécurité et le professeur Sinistra sera innocent."
"Le Seigneur des Ténèbres fomente-t-il vraiment des plans avec autant de niveaux de méta…"
"Oui," dirent Dumbledore et Severus.
Harry hocha la tête, comme distrait. "Alors cela pourrait être une piège, soit pour nous faire croire que le système de sécurité dit la vérité quand il ment, soit qu'il ment quand il dit la vérité, selon le niveau de réflexion de notre part auquel l'ennemi s'attend. Mais si l'ennemi voulait que nous fassions confiance au système de sécurité… nous lui aurions fait confiance de toute façon si nous n'avions pas rencontré de raison de ne pas lui faire confiance. Il n'y avait donc pas besoin de faire l'effort de piéger le professeur Quirrell par une méthode dont nous allions comprendre que nous étions censés la découvrir, juste pour nous forcer à passer au niveau méta…"
"Pas tout à fait," dit Dumbledore. "Si Voldemort n'a pas un contrôle complet du système de sécurité, alors il fallait que le système croie que la main d'un professeur était à l'œuvre, sans quoi l'alarme aurait été sonnée à la première blessure de Mlle Granger et pas seulement au moment de sa mort."
Harry leva une main et se frotta un sourcil, juste sous ses cheveux.
Ok, question sérieuse. Si l'ennemi est aussi malin, pourquoi est-ce que je suis toujours en vie ? Est-ce que c'est vraiment si difficile que ça d'empoisonner quelqu'un, est-ce qu'il y a des sortilèges, des potions et des Bézoards qui peuvent me guérir d'absolument tout ce qu'on pourrait glisser dans mon petit déjeuner ? Le système de sécurité le détecterait-il, pourrait-il pister la magie du meurtrier ?
Ma cicatrice pourrait-elle contenir le fragment d'âme qui maintient le Seigneur des Ténèbres dans ce monde, si bien qu'il ne veut pas me tuer ? Alors il essaie plutôt d'éloigner tous mes amis pour m'affaiblir mentalement et prendre le contrôle de mon corps ? Ça expliquerait l'histoire de Fourchelang. Le Choixpeau ne pourrait peut-être pas détecter une philactère-de-liche-machinchose. Problème évident numéro 1 : le Seigneur des Ténèbres est censé avoir fait son philactère de liche-machinchose en 1943 en tuant machine et en faisant accuser M. Hagrid. Problème évident numéro 2, les âmes n'existent pas.
Quoi que Dumbledore pensait aussi que mon sang était un ingrédient particulièrement important pour nu rituel destiné à rendre toute sa force au Seigneur des Ténèbres, ce qui exigerait de me maintenir en vie jusqu'au moment où… oh, en voilà une pensée réjouissante.
"Eh bien…" dit Harry. "Je suis sûr d'une chose."
"Et quelle est-elle ?"
"On doit sortir Neville de Poudlard maintenant. C'est la prochaine cible évidente et aucun élève de première année ne peut survivre à une attaque de ce genre. On a de la chance que Neville n'ait pas été assassiné hier soir ; l'ennemi n'a pas à attendre qu'on ait fini notre deuil avant de jouer son prochain coup." Pourquoi l'ennemi n'a-t-il pas frappé pendant que nous étions distraits ?
Dumbledore eut un échange de regards avec Severus, puis, alors que le visage du professeur McGonagall se pinçait soudain. "Harry," dit le vieux sorcier, "si tu éloignes toi-même tous tes amis, c'est exactement comme si Voldemort…"