"Je m'en sortirai très bien sans Neville pendant deux autres mois, ce n'est pas comme si vous comptiez forcer mes amis à rester ici cet été, et ça ne suffit certainement pas à justifier qu'on le laisse se faire tuer ! Professeur McGonagall…"
"Je suis plutôt d'accord," dit la sorcière écossaise. Elle fronça les sourcils. "Je suis extrêmement d'accord. Je suis tellement d'accord que… j'ai quelque difficulté à l'exprimer, Albus…"
"Tellement d'accord que vous allez le sortir d'ici vous-même, peu importe ce que quiconque en dit, parce que ce ne sera pas une excuse de dire que vous obéissiez les ordres si Neville se fait tuer ?" dit Harry.
Le professeur McGonagall ferma brièvement les yeux. "Oui, mais il y existe certainement un moyen d'être responsable sans proférer des menaces d'actions unilatérales."
Le directeur soupira. "Pas besoin. Vas-y, Minerva."
"Attendez," dit le maître des potions alors même que le professeur McGonagall, d'un mouvement plutôt rapide, s'emparait d'une pincée de poudre verte dans un vase de cheminette. "Nous ne devrions pas attirer l'attention sur le garçon comme le directeur a attiré l'attention sur les jumeaux Weasley. Il serait plus sage, je pense, que la grand-mère de M. Londubat le sorte de Poudlard. Laissez-le rester dans la salle commune pour l'instant ; le Seigneur des Ténèbres ne semble pas capable d'agir autant à découvert."
Il y eut un long échange de regards entre eux quatre et Harry finit par hocher la tête, suivit par le professeur McGonagall.
"Quoi qu'il en soit," dit Harry. "Je suis sûr d'une autre chose."
"Et quelle est-elle ?" dit Dumbledore.
"J'ai vraiment besoin d'aller aux toilettes, et j'aimerais aussi quitter ce pyjama."
"Au fait," dit Harry quand lui et le directeur émergèrent de la cheminette dans le bureau vide du directeur de Serdaigle. "Une dernière petite question rapide que je voulais vous poser. Cette épée que les jumeaux Weasley ont sortie du Choixpeau. C'était l'épée de Gryffondor, n'est-ce pas ?"
Le vieux sorcier se retourna ; son visage était neutre. "Qu'est-ce qui te fait penser ça, Harry ?"
"Le Choixpeau a hurlé Gryffondor ! juste avant de la donner, elle avait un pommeau en rubis, des lettres d'or sur la lame, et le texte latin disait rien de mieux. Juste une intuition."
"Nihil supernum," dit le vieux sorcier. "Ce n'est pas tout à fait ce que ça veut dire."
Harry hocha la tête. "Mmmh. Qu'est-ce que vous en avez fait ?"
"Je l'ai récupérée et je l'ai mise dans un endroit sûr," dit le vieux sorcier. Il regarda Harry avec sévérité. "J'espère que tu n'as pas l'avarice de la désirer pour toi, jeune Serdaigle."
"Pas du tout, je voulais juste m'assurer que vous n'alliez pas en priver ses maîtres légitimes de façon permanente. Donc les jumeaux Weasley sont l'héritier de Gryffondor ?"
"L'héritier de Gryffondor ?" dit Dumbledore, l'air surpris. Puis le vieux sorcier sourit, ses yeux bleus étincelèrent. "Ah, Harry, Salazar Serpentard a peut-être construit une Chambre des Secrets dans Poudlard, mais Godric Gryffondor ne se laissait pas tant aller à de telles extravagances. Tout ce que nous avons vu, c'est que Godric a légué son épée à la défense de Poudlard, si jamais un élève de valeur devait faire face à un ennemi qu'il ne pourrait vaincre seul."
"Ce n'est pas comme de répondre non. Ne croyez pas que je n'ai pas remarqué que vous n'avez pas dit non."
"Je n'ai pas vécu à cette époque, Harry, et je ne sais pas tout ce que Godric Gryffondor a pu faire, ni ce qui est certain qu'il n'a pas fait…"
"Estimez-vous personnellement que la probabilité qu'il existe quelque chose de semblable à un héritier de Gryffondor et que l'un ou les deux jumeaux Weasley le soient est supérieure à cinquante pour cent ? Oui ou non, une évasion veut dire oui. Vous n'arriverez pas à me distraire, peu importe à quel point j'ai besoin d'aller aux toilettes."
Le vieux sorcier soupira. "Oui, Fred et George Weasley sont l'héritier de Gryffondor. Je te supplie de ne pas leur en parler, pas encore."
Harry hocha la tête et se retourna, se préparant à partir. "Je suis surpris," dit-il. "J'ai un peu lu l'histoire de la vie de Godric Gryffondor. Les jumeaux Weasley sont… eh bien, ils sont géniaux de plus d'une façon, mais ils ne ressemblent pas beaucoup au Godric des livres d'histoire."
"Seul un homme incroyablement fier et vaniteux," dit doucement Dumbledore en se retournant dans la cheminette qui rugissait de flammes vertes, "pourrait croire que son héritier devrait être comme lui plutôt que comme celui qu'il aurait aimé être."
Le directeur entra dans le feu vert, et il disparut.
La seconde rencontre (dans un coin à l'écart de la salle commune de Poufsouffle) :
Le visage de Neville Londubat était déformé par l'angoisse et il parlait comme si personne n'était là pour l'entendre, face au vide.
"Sérieux," lui répondit le vide. "Je porte une cape d'invisibilité avec des sortilèges de discrétion supplémentaires juste pour traverser les couloirs parce que je ne veux pas me faire tuer. Mes parents me feraient sortir de Poudlard immédiatement si le directeur le leur permettait. Neville, te faire sortir de Poudlard, c'est du bon sens, ça n'a rien à voir avec…"
"Je vous ai trahi, mon général," dit Neville, avec une voix aussi creuse qu'un enfant de onze ans pouvait raisonnablement en produire. "Je ne l'ai même pas fait à la façon Chaotique. J'ai obéi aux ordres et j'ai essayé de faire que tu leur obéisse toi aussi. Qu'est-ce que tu dis toujours, que dans la Légion du Chaos, un soldat uniquement capable de suivre les ordres est inutile ?"
"Neville", dit le vide d'un ton ferme. Le poids de deux mains drapées d'un fin tissu vinrent s'appuyer avec force sur les épaules de Neville et la voix s'approcha de lui. "Tu n'obéissais pas aveuglément aux ordres, tu essayais de me protéger. C'est vrai que dans notre monde chaotique, les soldats qui ne savent que suivre les ordres et les règles ne valent rien. Mais les soldats qui suivent les règles pour protéger leurs amis valent…"
"Un peu mieux que rien ?" dit Neville avec amertume.
"Beaucoup mieux que rien. Neville, tu as commis une erreur de jugement. Elle m'a coûté environ six secondes. Il se pourrait que les blessures de Hermione lui aient été tout juste fatales, mais même alors, je ne pense pas que six secondes auraient suffit au troll pour qu'il prenne une autre bouchée de Hermione. Dans le monde hypothétique où tu ne t'es pas interposé, Hermione meurt quand même. Maintenant, je pourrais rester ici et te faire la liste des dix façons dont j'aurais pu assurer la survie de Hermione si je n'avais pas été stupide…"
"Toi ? Tu lui as couru après. C'est moi qui ai essayé de t'arrêter. Si c'est la faute de quelqu'un, c'est la mienne," dit Neville d'un ton amer.
Le vide réagit par un silence qui dura un moment.
"Waoh," dit enfin le vide. "Waoh. Je dois dire que c'est une façon sacrément différente de voir les choses. J'essaierai de m'en souvenir la prochaine fois que je ressentirai l'envie de me blâmer pour quelque chose. Neville, le terme technique qui nous intéresse est 'biais égocentrique', c'est le fait que tu ressens tout ce qu'i ressentir de ta propre vie mais que tu ne peux pas ressentir tout ce qui se passe dans le monde qui t'entoure. Il s'est passé beaucoup, beaucoup de choses avant et après que tu ai déboulé devant moi. Tu vas passer des semaines à de souvenir de ce que tu as fait pendant six secondes, ça se voit, mais personne d'autre ne va prendre la peine d'y penser. Les autres passent beaucoup moins de temps à réfléchir à tes erreurs passées que toi, simplement parce que tu n'es pas au centre de leur monde. Je te garantis que personne à part toi n'a même envisagé de blâmer Neville Londubat pour ce qui est arrivé à Hermione Granger. Pas pendant une fraction de seconde. Tu te comportes, si tu me pardonnes l'expression, comme un petit idiot. Maintenant tais-toi et dis moi au revoir."