"Voldemort ?" murmura Harry. Ça aurait dû être drôle, mais ça ne l'était pas. Le nom brûlait avec froideur, impitoyable, d'une clarté de diamant, tel un marteau de titane pur s'abattant sur une enclume de chair sans défense. Un frisson parcouru Harry alors même qu'il prononçait le mot, et il décida ici et maintenant d'utiliser des termes plus sûrs, comme Vous-Savez-Qui.
Le Seigneur des Ténèbres avait mis l'Angleterre magique à feu et à sang, tel un loup enragé, déchirant, déchiquetant le tissu de leur vie. D'autres pays s'étaient tordus les mains, hésitant à intervenir à cause de leur égoïsme apathique, ou par peur, car le premier d'entre eux à s'opposer au Seigneur des Ténèbres verrait sa paix devenir la cible de sa terreur.
(L'effet du témoin, se dit Harry, songeant à l'expérience de Latane et Darley qui avait montré que vous aviez plus de chances d'être aidé si vous faisiez une crise d'épilepsie en présence d'une personne qu'en présence de trois. Diffusion de la responsabilité, chacun espérant que quelqu'un d'autre agisse en premier.)
Les Mangemorts avaient suivi le sillage du Seigneur des Ténèbres, et dans son avant-garde se trouvaient des vautours charognards qui rouvraient les blessures, ou des serpents pour mordre et affaiblir. Les Mangemorts n'étaient pas aussi épouvantables que le Seigneur des Ténèbres, mais ils étaient épouvantables ; et ils étaient nombreux. Et les Mangemorts maniaient plus que des baguettes ; et il y avait dans ces troupes masquées des fortunes, du pouvoir politique, et des secrets transformés en chantages afin de paralyser une société qui essayait de se protéger.
Un journaliste âgé et respecté, Yermy Wibble, avait réclamé une hausse des taxes et une conscription forcée. Il s'était écrié qu'il était absurde que la majorité se tapisse, effrayée par la minorité. Sa peau, seule sa peau, avait été retrouvée clouée au mur de la rédaction le matin suivant, à côté des peaux de sa femme et de ses deux filles. Chacun souhaitait que quelque chose soit fait, et personne n'osait prendre l'initiative. Le prochain à se démarquer deviendrait le prochain exemple.
Jusqu'au jour où les noms de Lily et James Potter atteignirent le haut de la liste.
Et ces deux-là auraient pu mourir la baguette à la main et n'avoir aucun regret, car c'étaient des héros ; mais ils avaient un nouveau né, leur fils, Harry Potter.
Les larmes montaient aux yeux de Harry. Il les essuya avec colère, ou peut-être avec désespoir, Je ne connaissais pas ces gens, pas vraiment, ce ne sont pas mes parents aujourd'hui, ce serait futile d'être triste pour eux -
Lorsque Harry eut fini de sangloter dans les robes de McGonagall, il releva la tête, et voir que des larmes se trouvaient aussi dans ses yeux à elle le fit se sentir un peu mieux.
"Le Seigneur des Ténèbres est venu à Godric's Hollow," dit McGonagall dans un souffle. "Vous auriez dû être à l'abri, mais on vous a trahi. Le Seigneur des Ténèbres a tué James, et il a tué Lily, et enfin il est parvenu jusqu'à vous, jusqu'à votre berceau. Il vous a jeté le sortilège de la Mort. Et tout était fini. Le sortilège de la Mort est fait de haine pure, et frappe directement l'âme en la séparant du corps. Il ne peut être arrêté. La seule défense est de ne pas être là. Mais vous avez survécu. Vous êtes la seule personne à avoir jamais survécu. Le sortilège de la Mort a été réfléchi, il a rebondi et a frappé le Seigneur des Ténèbres, ne laissant que la carcasse brûlée de son corps et une cicatrice sur votre front. C'était la fin de la terreur, et nous étions libres. Voilà, Harry Potter, pourquoi les gens veulent voir la cicatrice sur votre front, et pourquoi ils veulent vous serrer la main."
Le torrent de pleurs qui s'était déversé en Harry avait usé toutes ses larmes. Il ne pouvait plus pleurer à nouveau ; il avait fini.
(Et quelque part, enfoui sous ses pensées, se trouvait un léger, très léger sentiment de confusion, l'idée que quelque chose dans cette histoire ne collait pas ; et cela faisait partie de son art que de remarquer ce sentiment, mais il était distrait. Car il est une triste règle disant que c'est lorsqu'on a le plus besoin de son art de rationaliste qu'on risque le plus de l'oublier.)
Harry se détacha du flanc de McGonagall. "Je vais - avoir besoin d'y réfléchir," dit-il, essayant de maintenir un contrôle sur sa voix. Il fixa ses chaussures. "Euh, vous pouvez les appeler mes parents, si vous le souhaitez, vous n'avez pas à dire 'parents génétiques' ou quoi que ce soit. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas avoir deux mères et deux pères."
McGonagall fut silencieuse.
Et ils marchèrent ensemble en silence, jusqu'à ce qu'ils parviennent à un grand bâtiment blanc aux vastes portes de bronze.
"Gringotts," dit McGonagall.
*Chapter 4*: L'hypothèse du Marché Efficient
Avertissement : J.K. Rowling vous observe de là où elle a toujours attendu, dans le vide entre les mondes
Avis : Comme certains l'ont fait remarquer, les livres sont en contradiction les uns avec les autres pour ce qui est du pouvoir d'achat d'un Gallion ; je vais choisir une valeur fixe et m'y tenir. Cinq livres anglaises pour un Gallion ne cadre pas avec sept Gallions pour une baguette, ni avec des enfants utilisant des baguettes de seconde main.
"Domination mondiale est une phrase si laide. Je préfère l'appeler optimisation mondiale."
Des tas de Gallions d'or. Des piles de Mornilles d'argent. Des monceaux de Noises de bronze.
Harry se tenait là, la bouche ouverte, et regardait la chambre forte familiale. Il avait tant de questions qu'il ne savait pas par où commencer.
Depuis l'ouverture de la porte de la chambre forte, McGonagall le regardait avec l'air de s'appuyer négligemment contre le mur, mais ses yeux étaient attentifs. Bon, rien de surprenant. Se voir présenter un énorme tas de pièces d'or constituait un test de personnalité tellement pur que c'en était un stéréotype.
"Ces pièces sont-elles faites de métal pur ?" dit finalement Harry.
"Quoi ?" siffla le gobelin Gripsec qui attendait près de la porte. "Remettez-vous en question l'intégrité de Gringotts, M. Potter-Evans-Verres ?"
"Non monsieur," dit Harry d'un air absent, "pas du tout, navré si je me suis mal exprimé. C'est juste que je ne sais pas du tout comment votre système financier fonctionne. Je vous demande si les Gallions en général sont faits d'or pur."
"Bien sûr," dit Gripsec.
"Et n'importe peut les frapper, ou sont-ils produits par un monopole qui collecte ainsi un seigneuriage ?"
"Quoi ?" dit McGonagall, les yeux vides.
Gripsec grimaça, révélant des dents acérées. "Seul un idiot ferait confiance à autre chose qu'à une pièce gobeline !"
"En d'autres mots," dit Harry, "les pièces ne sont pas supposées valoir plus que le métal dont elles sont faites ?"
Gripsec regardait Harry. McGonagall semblait perplexe.
"Je veux dire que, imaginez que j'arrive ici avec une tonne d'argent. Pourrais-je repartir avec une tonne de Mornilles ?"
"Contre des frais, M. Potter-Evans-Verres." Le gobelin l'observait avec des yeux scintillants. "Contre des frais certains. Où trouveriez-vous une tonne d'argent, cela je me le demande.
"Je parlais hypothétiquement," dit Harry. Pour l'instant, en tout cas. "Donc... combien feriez-vous payer, en fraction du poids total ?"
Les yeux de Gripsec étaient fixés sur Harry. "Je devrais consulter mes supérieurs..."
"Donnez-moi une estimation. Je ne demanderai pas à Gringotts de s'y tenir."
"Un vingtième du métal paierait pour la frappe des pièces."
Harry hocha la tête. "Merci beaucoup, M. Gripsec."
Alors non seulement l'économie magique est totalement découplée de l'économie Moldue, mais personne ici n'a jamais entendu parler d'arbitrage. L'économie Moldue, plus grande, avait un taux d'échange fluctuant entre l'or et l'argent, si bien que chaque fois que le taux or-pour-argent des Moldus se trouvait à plus de 5% de différence avec le rapport de poids dix-sept-Mornilles-pour-un-Gallion, l'or ou l'argent aurait dû être drainé hors de l'économie magique jusqu'à ce qu'il devienne impossible de maintenir un taux d'échange. Amenez une tonne d'argent, échangez-la contre des Mornilles (et payez 5%), échangez les Mornilles contre des Gallions, amenez l'or dans le monde Moldu, échangez-le contre plus d'argent que ce que vous aviez au départ, et recommencez.