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Dumbledore se raidit et se tourna vers Harry. Il arborait l'air le plus effaré que Harry ait jamais vu chez quelqu'un, et encore moins chez quelqu'un portant une longue barbe d'argent. "Es-tu certain," dit le vieux sorcier après un moment, "que cette bonté que tu vois en lui n'est pas juste un vœu pieux de ta part, Harry ? J'ai peur que ce que tu vois ne soit que l'attrait, l'appât -"

"Hm, peu probable," dit Harry. "Je veux dire, s'il essaie de se faire passer pour un gentil alors il est sacrément nul. Ce n'est pas que Draco soit venu me voir, tout charmant, et que j'ai décidé qu'il devait avoir un noyau de bonté cachée au fond de lui. Je vise sa rédemption à lui en particulier parce qu'il est l'héritier de la Maison Malfoy, et que s'il faut choisir une personne à sauver, c'est forcément lui."

L'œil gauche de Dumbledore eut un léger mouvement convulsif. "Tu essaies de planter les graines de l'amour et de la gentillesse dans le cœur de Draco parce que tu t'attends à ce que l'héritier des Malfoy te soit utile ?"

"Pas seulement à moi !" dit Harry d'une voix indignée. "À toute l'Angleterre magique, si ça fonctionne ! Et il aura lui-même une vie plus heureuse et mentalement plus saine ! Écoutez, je n'ai pas le temps d'éloigner tout le monde du Côté Obscur, alors je dois trouver d'où la Lumière peut rapidement tirer le meilleur avantage -"

Dumbledore commença à rire. À rire beaucoup plus fort que ce à quoi Harry se serait attendu ; il hurlait presque. Ça semblait presque indigne. Un vieux et puissant sorcier se devait de glousser sur des tons caverneux, pas de rire tellement qu'il en manquait d'air. Harry était un jour littéralement tombé de sa chaise en regardant le film La Soupe au canard des Marx Brothers, et Dumbledore riait maintenant avec autant d'intensité.

"Ce n'est pas si drôle que ça," dit Harry après un moment. Il commençait de nouveau à douter de la santé mentale de Dumbledore.

Il fallut à Dumbledore un effort visible pour qu'il parvienne à se contrôler de nouveau. "Ah, Harry, l'un des symptômes de la maladie appelée sagesse est que l'on commence à rire de choses que personne d'autre ne trouve amusantes, parce que quand on est sage, Harry, on commence à comprendre ce qui est vraiment drôle !" Le vieux sorcier essuya des larmes de ses yeux. "Oh oh oh. La volonté du mal ruine en effet souvent le mal, à grand effet."

Le cerveau de Harry mit un moment à remettre en place les mots familiers... "Hé, c'est une citation de Tolkien ! Gandalf dit ça !"

"Plutôt Théoden," dit Dumbledore.

"Vous êtes né-Moldu ?" dit Harry, choqué.

"J'ai bien peur que non," dit Dumbledore, souriant de nouveau. "Je suis né soixante-dix ans avant que ce livre ne soit publié, cher enfant. Mais il semble que mes étudiants nés-Moldus ne pensent souvent de façon similaire. J'ai accumulé pas moins de vingt copies du Seigneur des Anneaux et trois collections complètes des œuvres de Tolkien, et je chéris chacun d'entre eux." Dumbledore dégaina sa baguette, la leva, et prit la pose. "Vous ne passerez pas ! De quoi j'ai l'air ?"

"Ah," dit Harry, proche de l'arrêt cérébral complet, "je pense qu'il vous manque un Balrog." Et les pyjamas roses et le chapeau champignon écrasé n'aidaient pas le moins du monde.

"Je vois." Dumbledore soupira et rengaina sombrement sa baguette dans sa ceinture. "J'ai peur qu'il y ait eu bien peu de Balrogs dans ma vie dernièrement. Ces temps-ci c'est surtout réunions au Magenmagot où j'essaie désespérément de les empêcher d'accomplir la moindre chose, et dîners officiels avec des politiciens étrangers qui se battent pour savoir qui pourra être l'idiot le plus borné. Et être mystérieux, et savoir des choses que je ne devrais pas savoir, prononcer des phrases cryptiques qui ne peuvent être comprises que rétrospectivement, et toutes les autres petites méthodes que les sorciers puissants ont pour s'amuser une fois qu'ils ont quitté la partie de l'histoire qui leur permettait d'être des héros. En parlant de ça Harry, j'ai quelque chose à te donner, quelque chose qui appartenait à ton père."

"Vraiment ?" dit Harry. "Dieu, qui l'aurait cru."

"Oui, c'est vrai," dit Dumbledore. "j'imagine que c'était un peu prévisible." Son visage devint solennel. "Néanmoins..."

Dumbledore revint à son bureau et s'assit tout en ouvrant l'un des tiroirs. Il y farfouilla des deux mains, et, forçant légèrement, tira de celui-ci un objet plutôt grand et à l'air assez lourd qu'il déposa ensuite sur son bureau de chêne avec un bruit sourd.

"Ceci," dit Dumbledore, "était le rocher de ton père."

Harry le fixa du regard. Il était gris clair, décoloré, d'une forme irrégulière, aux arêtes tranchantes, et ressemblait tout à fait à un grand rocher ordinaire. Dumbledore l'avait posé de façon à ce qu'il tienne sur sa face la plus grande, mais il oscillait toujours sur le bureau.

Harry releva les yeux. "C'est une blague, c'est ça ?"

"Pas du tout," dit Dumbledore, secouant la tête et prenant un air très sérieux. "Je l'ai trouvé dans les ruines de la maison de James et Lily, à Godric's Hollow, où je t'ai aussi trouvé ; et je l'ai gardé jusqu'à maintenant, jusqu'au jour où je pourrais te le rendre."

Dans le mélange d'hypothèses qui servait à Harry de modèle du monde, la démence de Dumbledore grimpait rapidement à l'échelle des probabilités. Mais il y avait toujours une quantité substantielle de probabilité allouée aux autres alternatives... "Euh, est-ce un rocher magique ?"

"Pas que je sache," dit Dumbledore. "Mais je te recommande avec la plus grande insistance que tu le gardes en permanence près de toi."

Très bien. Dumbledore était probablement dément, mais s'il ne l'était pas... eh bien, ce serait juste trop embarrassant que de se retrouver dans le pétrin parce qu'il avait ignoré le conseil d'un vieux sorcier impénétrable. Ça devait être en 4ème au position sur la liste des 100 Façons évidentes d'échouer.

Harry s'avança et mit la main sur le rocher, essayant de dénicher une prise permettant de le soulever sans se couper. "Je le mettrai dans ma bourse, alors."

Dumbledore fronça les sourcils. "Il se pourrait que ce ne soit pas assez proche de ta personne. Et si tu perds ta bourse en peau de Moke, ou qu'on te la vole ?"

"Vous pensez que je devrais juste transporter un gros rocher partout où je vais ?"

Dumbledore regarda Harry avec sérieux. "Ça pourrait s'avérer fort sage."

"Ah..." dit Harry. Le rocher semblait plutôt lourd. "Je pense que les autres élèves me poseront des questions à ce sujet."

"Dis-leur que je t'ai ordonné de le faire," dit Dumbledore. "Personne n'en doutera puisqu'ils pensent tous que je suis fou." Son visage était toujours parfaitement sérieux.

"Euh, pour être honnête, si vous vous mettez à ordonner à vos élèves de transporter de grands rochers, je peux plus ou moins voir pourquoi les gens penseraient une chose pareille."

"Ah, Harry," dit Dumbledore. Le vieux sorcier fit un geste courbe de la main qui semblait inclure tous les mystérieux instruments de la pièce. "Quand on est jeune, on croit tout savoir, et on croit donc que, si on ne trouve aucune explication à quelque chose, alors aucune explication n'existe. Quand on est plus vieux, on se rend compte que l'univers entier fonctionne selon un rythme et pour une raison, même si nous ne la connaissons pas. C'est seulement notre ignorance que nous prenons pour de la folie."

"La réalité suit toujours des lois," dit Harry, "même si nous ne connaissons pas ces lois."

"Précisément, Harry," dit Dumbledore. "Comprendre cela - et je vois que tu le comprends - est l'essence de la sagesse."