Harry essayait de toute ses forces de garder son sang-froid. La première réponse qui lui était venue à l'esprit était 'Abracadabra'.
"Essayons encore," dit Severus. "Potter, où iriez-vous si je vous disais d'aller me chercher un Bézoard ?"
"Ce n'est pas non plus dans le manuel," dit Harry, "mais j'ai lu dans un livre moldu qu'un trichinobézoard est une masse de cheveux solidifiée trouvée dans un estomac humain, et dans le passé, les Moldus croyaient que ça pouvait guérir tous les poisons -"
"Faux," dit Severus. "Un Bézoard se trouve dans l'estomac d'une chèvre, il n'est pas fait de cheveux, et il guérira de la plupart des poisons, mais pas de tous."
"Je n'ai pas dit que c'est ce qui se passerait, j'ai dit que c'était ce que j'avais lu dans un livre moldu -"
"Personne ici se s'intéresse à vos pathétiques livres moldus. Dernier essai. Potter, quelle est la différence entre le napel et le tue-loup ?"
C'en était trop.
"Vous savez," dit Harry d'un ton glacial, "dans un de mes fascinants livres moldus est décrite une étude dans laquelle des gens parvenaient à se donner l'air très intelligent en posant des questions au sujet de faits quelconques que eux seuls connaissaient. Apparemment, les spectateurs remarquaient seulement que ceux qui posaient la question savaient et que ceux qui essayaient d'y répondre ne savaient pas, et ils n'arrivaient pas à prendre en compte l'injustice profonde du jeu. Alors, professeur, pouvez-vous me dire combien d'électrons se trouvent sur l'orbite externe d'un atome de carbone ?"
Le sourire de Severus s'agrandit. "Quatre," dit-il. "Mais c'est une information inutile que personne ne devrait s'embêter à noter. Et pour votre gouverne, Potter, l'asphodèle et l'armoise font une potion de sommeil si puissante qu'elle est connue sous le nom de Goutte du Mort-Vivant. En ce qui concerne le napel et le tue-loup, il s'agit de la même plante, qui est aussi appelée aconit, comme vous le sauriez si vous aviez lu Mille Herbes et Champignons. Vous pensiez ne pas avoir besoin d'ouvrir le livre avant de venir, hein, Potter ? Tous les autres, vous devriez prendre note afin de ne pas être aussi ignorants que lui." Severus marqua une pause, l'air plutôt content de lui. "Et ce sera... cinq points ? Non, disons dix points retirés à Serdaigle pour impertinence."
Hermione s'étrangla, et de nombreux autres firent de même.
"Professeur Severus Rogue," mordit Harry. "Je n'ai connaissance d'aucun acte que j'aurais pu commettre pour mériter votre hostilité. S'il existe un problème dont je ne suis pas au courant, je suggère que nous -"
"Taisez-vous, Potter. Dix points en moins pour Serdaigle. Les autres, ouvrez votre livre page 3."
Il n'y eut qu'une légère sensation de brûlure à l'arrière de la gorge de Harry, et aucune humidité dans ses yeux. Si pleurer n'était pas une stratégie efficace pour détruire un professeur de Potions, alors il était inutile de pleurer.
Lentement, Harry s'assit bien droit sur sa chaise. Tout son sang semblait avoir été évacué et remplacé par de l'azote liquide. Il savait qu'il avait essayé de garder son calme mais il ne pouvait pas se rappeler pourquoi.
"Harry," chuchota frénétiquement Hermione, deux pupitres plus loin, "arrête, s'il te plaît, ce n'est pas grave, on ne le comptera pas -"
"Vous parlez en classe, Granger ? Trois -"
"Donc," dit une voix plus froide que le zéro absolu, "comment s'y prend-t-on pour déposer une plainte formelle au sujet d'un professeur abusif ? Faut-il en parler à la Directrice Adjointe, écrire une lettre au conseil d'administration... pourriez-vous m'expliquer comment cela fonctionne ?"
La classe était complètement figée.
"Retenu pour un mois, Potter," dit Severus, son sourire encore plus large.
"Je refuse de reconnaître votre autorité en tant qu'enseignant et ne me plierai à aucune retenue donnée par vous."
Des gens s'arrêtèrent de respirer.
Le sourire de Severus disparut. "Alors vous serez -" il s'interrompit.
"Renvoyé, alliez-vous dire ?" Harry, lui, souriait maintenant d'un air subtil. "Mais vous avez semblé douter de votre capacité à mettre à exécution la menace, ou craindre les conséquences que cela aurait entraînées. Moi, en revanche, je ne doute ni ne crains la perspective de trouver une école où se trouveraient des professeurs moins abusifs. Ou peut-être devrais-je engager des précepteurs, comme j'ai l'habitude de le faire, et prendre des cours à ma vitesse d'apprentissage maximale. J'ai assez d'argent pour ça dans mon coffre-fort. Quelque chose en rapport avec un certain Seigneur des Ténèbres que j'aurais vaincu. Mais il y a des enseignants à Poudlard que j'aime bien, donc je pense que ce sera plus simple si je trouve plutôt un moyen de me débarrasser de vous."
"Vous débarrasser de moi ?" dit Severus, souriant à son tour d'un air subtil. "Quelle idée amusante. Et comment comptez-vous faire cela, Potter ?"
"J'ai cru comprendre qu'il y a eu un certain nombre de plaintes vous concernant venant d'élèves et de leurs parents," c'était une conjecture, mais elle était assez prudente, "ce qui ne nous laisse qu'une seule question : pourquoi n'êtes-vous pas déjà parti ? Poudlard est-elle financièrement trop en difficulté pour s'offrir un vrai professeur de Potions ? Si c'est le cas, je pourrais participer. Je suis sûr qu'ils trouveraient un meilleur enseignant s'ils offraient le double de votre salaire actuel."
Deux rayons de glace généraient un hiver glacial au travers de la salle.
"Vous découvrirez," dit doucement Severus, "que le conseil d'administration ne sera pas le moins du monde réceptif à votre offre."
"Lucius..." dit Harry. "Voilà pourquoi vous êtes encore ici. Peut-être devrais-je en discuter avec Lucius. Je crois qu'il désire me rencontrer. Je me demande si j'ai quelque chose qu'il recherche ?"
Hermione secoua frénétiquement la tête. Harry le remarqua du coin de l'œil, mais son attention était toute sur Severus.
"Vous êtes un garçon insensé," dit Severus. Il ne souriait maintenant plus du tout. "Vous n'avez rien qui importe plus à Lucius que mon amitié. Et même si c'était le cas, j'ai d'autres alliés." Sa voix devint dure. "Et je commence à trouver très peu probable que vous n'ayez pas été réparti à Serpentard. Comment êtes-vous parvenu à rester hors de ma Maison ? Ah, oui, parce que le Choixpeau Magique a dit qu'il rigolait. Pour la première fois de l'histoire. De quoi parliez-vous vraiment avec le Choixpeau, Potter ? Aviez-vous quelque chose qu'il recherchait ?"
Harry fit face au regard froid de Severus puis se souvint que le Choixpeau l'avait mis en garde contre le fait de regarder des gens dans les yeux pendant qu'il pensait à - Harry baissa les yeux et fixa le bureau de Severus.
"Vous semblez étrangement réticent à me regarder dans les yeux, Potter !"
Un choc de compréhension soudaine - "Alors c'est contre vous que le Choixpeau Magique me mettait en garde !"
"Quoi ?" dit la voix de Severus, l'air sincèrement surprise, même si Harry ne voyait bien sûr pas son visage.
Harry se leva de son bureau.
"Asseyez-vous, Potter," dit une voix en colère venant d'un endroit qu'il ne regardait pas.
Harry l'ignora, et regarda le reste de la classe. "Je n'ai pas l'intention de laisser un enseignant si peu professionnel me gâcher ma scolarité à Poudlard," dit Harry avec un calme mortel. "Je pense que je vais prendre congé de ce cours, et soit engager un précepteur pour m'enseigner les Potions pendant que je suis ici, ou si le conseil d'administration est vraiment bouché, apprendre pendant l'été. Si un ou une d'entre vous décide qu'il ne souhaite pas être malmené par cet homme, mes sessions vous seront ouvertes."
"Asseyez-vous, Potter !"
Harry traversa la pièce et saisit la poignée.