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Il se frappa la poitrine.

— Personnellement j’ai été mêlé à de pareilles affaires. Vous comprenez ma méfiance ?

— Je ne peux quand même pas vous confier mes propres billets et attendre que vous ayez fini votre contrôle ?

— Voici ce que je vous propose. Nous relevons les chiffres et nous vous remettons nos propres moitiés. En échange vous nous donnez les vôtres.

Fang réfléchit quelques secondes puis s’inclina.

— Entendu.

— Pendant que vous allez chercher vos billets, nous relevons le numéro des séries. Il ne nous faudra pas une demi-heure.

Le Chinois se tourna une dernière fois vers le général. Ce dernier ouvrit les yeux et sa lèvre se retroussa légèrement sur ses dents gâtées. Tout son visage exprimait une ironie cinglante. Fang en tremblait de rage et Marsch le poussa vers la porte.

— Allez !

Puis il retira l’échelle et verrouilla la porte. Dans le poste de pilotage, Clifton était toujours sans connaissance dans son siège.

— Laissons-le là pour le moment.

Il vérifia les liens. La jeune fille les avait serrés moyennement et il tira dessus. Sara le regardait sombrement.

— Il faudrait le soigner. Je crains que votre coup n’ait été trop puissant.

Marsch haussa les épaules et tâta la blessure. Seule la peau avait éclaté sous le coup, mais l’os n’était pas atteint. Il alluma une cigarette et désigna la valise.

— Nous allons relever les numéros des moitiés de billets. Vous trouverez du papier et de quoi écrire dans ce compartiment-là. Je vais prendre les liasses une par une et vous citer le premier et le dernier numéro de la série. Je contrôlerai rapidement et nous passerons à une autre…

Pendant un quart d’heure ils travaillèrent sans autres paroles que les chiffres prononcés par Ludwig. À un certain moment la jeune femme releva les yeux et rencontra le regard flou de Clifton. Il sortait de son évanouissement et ne paraissait pas les apercevoir. Elle continua d’inscrire les numéros, suivant dans l’expression du pilote le retour de la lucidité.

Clifton poussa un soupir et Ludwig se retourna.

— Tu comptes ta fortune. Tu as livré le général ?

— Pas encore, mais ça va venir.

— Tu vois que j’avais raison.

Ludwig fronça les sourcils.

— Pourquoi ?

— Tu t’es contenté de m’assommer. C’est que tu as besoin de moi pour sortir cet avion d’ici. Mais écoute-moi bien. Je ne me mettrai pas aux commandes si le général ne se trouve pas dans l’appareil.

Marsch resta impassible en apparence. Seule la jeune femme se rendit compte que son visage se contractait.

— Et tu sais que rien ne pourra m’y obliger.

Ludwig redressa la tête. Il souriait.

— Hé bien, j’essayerai moi-même. Si je casse du bois, tu seras parmi les victimes.

— Non, dit doucement Clifton. Tu n’oseras pas. Parce que tu te sais incapable de ça.

Marsch se leva, mais Sara posa une main sur son bras.

— Laissez. Il veut vous mettre en colère et nous n’avons pas de temps à perdre.

Ils continuèrent leur énumération et trouvèrent le compte exact, moins cinq mille dollars. Il manquait les moitiés des deux cents cinquante billets donnés à Slade par Sara. Marsch se leva.

— Venez avec moi. Il ne risque pas de se libérer.

Fang revenait une serviette en cuir à la main, suivi par deux hommes. Marsch ne descendit pas l’échelle tout de suite.

— Donnez, dit Fang.

— Vous d’abord.

Le Chinois secoua la tête.

— Vous. Vous avez aussi le général.

Marsch se décida et laissa tomber la mallette. Le lieutenant l’ouvrit et compulsa les liasses. Les deux hommes attendaient un peu plus loin et ne pouvaient voir l’argent.

Fang sourit :

— Chez vous, il manque cinq mille dollars.

Ludwig lui en donna la raison. Le Chinois réfléchit puis leva la serviette à bout de bras.

Marsch se baissa pour la prendre.

— La vérification sera plus rapide cette fois, dit-il.

Il referma la porte. Puis alla jeter un coup d’œil par l’un des hublots. Fang s’était éloigné de quelques pas en compagnie de ses deux hommes.

Alors que précédemment il avait examiné les billets avec sang-froid, il ne put cette fois maîtriser sa joie. Ainsi cette somme fantastique était véritablement à sa portée. Les premiers numéros concordaient parfaitement. Plus il poursuivait les examens, plus il était pris d’un tremblement fébrile. Quand ils en eurent fait les trois quarts, la jeune fille proposa d’en rester là mais il éprouvait une satisfaction intense à manipuler cet argent et il tint à aller jusqu’au bout.

— Parfait, dit-il avec effort. Nous pouvons appeler Fang.

Il ouvrit la porte.

— Que vos hommes montent avec vous, mais sans armes. Ils feraient mieux de les abandonner sur-le-champ pour éviter tout incident.

Deux revolvers furent jetés dans l’herbe et Marsch baissa l’échelle. Une fois en haut, Fang lui tendit la mallette et il la passa à Sara.

— Vérifiez si rien n’a été touché.

Les deux hommes entraient dans l’avion et le général les regardait avec défi.

C’est alors qu’éclata la fusillade.

CHAPITRE VII

La réaction de Fang fut inattendue. Il plongea sur l’Allemand et lui arracha son arme. Ludwig blêmit, croyant à un piège. Mais les deux hommes avaient sauté à terre en direction de leur revolver.

Fang se précipita à la porte.

— Les soldats birmans sont revenus.

Brusquement un fusil-mitrailleur tira par saccades et le lieutenant jura. Un homme traversa le terrain d’aviation en courant en zigzag vers eux. Soudain il s’écroula et ne bougea plus. Sara poussa un léger cri.

Mais les irréguliers s’organisaient rapidement. Ils pouvaient les voir se cacher derrière les buissons et rendre coup pour coup.

Fang se tourna vers Ludwig.

— Désolé, monsieur, mais notre tractation est pour le moment interrompue. Veuillez me rendre ma serviette.

Dans l’œil valide de l’Allemand passa un éclair de colère.

— Que voulez-vous faire ?

— Aider mes hommes. Je vous conseille de rester ici. Les Birmans ne vous feront aucun mal. Ils ont certainement pensé que vous étiez en difficulté et que les rebelles en avaient profité pour vous assaillir.

Ludwig essaya de plonger une main dans sa poche, mais le Chinois tira à quelques centimètres de lui.

— Je vous en prie. N’essayez pas d’employer la force.

Avec un sourire froid il ajouta :

— Je vous laisse le général. Croyez bien que je vais mettre tout en œuvre pour que ma mission ne soit pas un échec.

Il prit la serviette des mains de Sara et sauta à terre. Ludwig courut à la porte, mais la jeune femme le rattrapa.

— Non. Vous gâcherez toutes nos chances.

D’ailleurs Fang et ses hommes avaient disparu vers l’arrière du D.C. 3. Marsch jura effroyablement et claqua la porte. Le visage du général était serein. Ludwig lui cracha dessus.

— Vieux polichinelle !

La main mutilée essuya doucement la joue souillée. Ludwig se dirigea vers le fond de l’appareil et prit la dernière bouteille de whisky dans le placard. Il l’ouvrit, la colla à ses dents et but. Au-dehors les coups de feu s’espaçaient. Les deux adversaires devaient s’étudier. Il revint dans la carlingue. Sara n’y était plus. Il passa devant le général sans lui accorder un regard.