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La jeune femme regardait au-dehors, à travers les vitres du poste de pilotage.

— Je suppose qu’ils veulent liquider les soldats birmans pour pouvoir emmener le général.

Marsch ne s’était pas posé cette question. Il ignorait comment Nangiang devait passer la frontière.

— Croyez-vous qu’ils vont porter le brancard à travers la jungle ? Le vieux n’y résisterait pas.

Par acquit de conscience, il vérifia les liens de Clifton. Celui-ci se laissait faire avec indifférence. Il récupérait lentement ses forces. Le départ n’était certainement pas pour l’immédiat. Ludwig aperçut la bouteille de whisky drogué et le gobelet. Il les emporta avec lui dans la carlingue. Il remplit le gobelet, l’approcha des lèvres du général tout en lui soulevant la tête.

— Buvez, ça vous fera du bien.

Nangiang serrait les dents. Il cala sa tête sur un de ses genoux et lui pinça violemment le nez. Le Chinois, à bout de souffle, ouvrit la bouche et il l’obligea à avaler tout le whisky drogué.

Tsin dormait toujours entre deux rangées de fauteuil. Il recommença la même opération. Le garde ouvrit des yeux flous et but parce que c’était de l’alcool. Il retomba ensuite dans son inconscience.

Ludwig jeta la bouteille dans le filet des bagages et alluma une cigarette. Il n’avait rien à craindre de ce côté-là. Pour plus de sûreté, il verrouilla la porte. Dans le poste Sara regardait toujours au-dehors.

— Ils ne tirent plus ?

— Je crois que les rebelles essayent de les encercler.

Clifton fixait les mains de Marsch.

— Je m’étonne que tu n’aies pas essayé de me faire boire de l’alcool drogué. C’est donc que tu as besoin de moi pour le décollage.

Marsch ne répondit pas. Il regarda sa montre. Onze heures.

— Voulez-vous préparer de quoi manger ? Il y a des conserves dans la soute et un petit réchaud à tablettes de méta.

La jeune femme obéit.

— Que se passe-t-il exactement ? demanda Clifton.

Marsch garda la bouche fermée.

— La négociation ne marche plus ?

— Ferme ça ou je te bâillonne.

— Donne-moi une cigarette et je me tais.

Marsch s’exécuta puis s’installa dans le siège du copilote. Des pensées maussades l’habitaient. Si Fang se faisait tuer et que la serviette soit perdue, tout cela n’aurait servi à rien. Il n’aurait plus que la ressource de fuir très loin pour échapper aux recherches. Que ferait-il du général, du garde et de Clifton ? Il pouvait toujours exiger une rançon des nationalistes de Formose. Mais ce serait certainement plus dangereux. Nangiang avait plus d’importance pour les gens de Pékin. Il pouvait leur donner des indications précieuses sur les maquis nationalistes. Tandis que ceux de Formose n’attendaient que de simples rapports sur la situation dans le Nord-Est de la Chine.

Au bout d’un moment il se leva et quitta le poste. Dans la soute, Sara faisait réchauffer une boîte de singe et avait ouvert un paquet de biscottes.

Ludwig l’observa, appuyé contre la porte. Elle avait de jolies jambes et il devinait la rondeur des cuisses sous la robe légère. La jeune femme se rendit compte de cet examen et rougit légèrement.

— Vous aurez du succès dans les grandes villes, dit-il d’un ton rauque.

Elle ôta la boîte du réchaud et jeta le couvercle sur la flamme qui s’éteignit.

— Nous pouvons manger, dit-elle.

Il s’approcha d’elle et glissa son bras autour de sa taille. Il s’attendait à ce qu’elle se débatte, mais elle resta impassible. Il la fit pivoter, la plaqua contre lui. Sa main descendit sur ses reins.

— Tu me plais ! murmura-t-il.

Puis il regarda ses yeux et faillit la rejeter loin de lui. Ils étaient froids et la fille était à cent lieues de là, indifférente.

— Tu te fous de tout, hein ?

Sara le regarda avec un peu de surprise. Il chercha sa bouche et elle se laissa embrasser. Il la força à s’allonger sur le sol de la soute. Avec une passivité déconcertante elle se laissa faire. D’un geste brusque il ouvrit sa robe sur ses seins. Elle ne portait pas de soutien-gorge. Il releva sa robe sur ses jambes.

Il ne prit avec elle qu’un plaisir médiocre, mais il avait calmé sa nervosité. Il quitta la soute tandis qu’elle remettait de l’ordre dans ses vêtements. Brusquement le souvenir de ce qu’il venait de faire l’écœura. Cette fille était comme toutes celles aux caresses tarifées. Il lui en voulait rageusement. Elle n’avait rien fait pour lui donner le sentiment qu’il lui plaisait, qu’ils n’étaient pas seulement liés par la perspective de toucher ces deux cent mille dollars.

Elle le rejoignit alors qu’il allait pénétrer dans le poste. Il crut à un regret de sa part. Mais elle arrivait portant un plateau sur lequel elle avait rangé la boîte de singe chaude, les biscottes et de la bière en boîte.

Une série de détonations les accueillit quand ils rejoignirent Clifton. Ce dernier paraissait suivre le combat avec attention, mais eux ne voyaient rien. Marsch finit par distinguer cependant un homme caché dans les branches d’un arbre. C’était lui qui tirait sur des adversaires invisibles.

— Ça peut durer des jours entiers, dit Clifton.

Marsch haussa les épaules, puisa dans le corned-beef avec la pointe de son couteau, et se servit d’une biscotte comme assiette.

— Voulez-vous manger ? demanda Sara à Clifton.

Le pilote parut surpris de cette proposition. Il regarda la boîte de singe avec dégoût.

— Non, merci. Boire s’il vous plaît.

Elle remplit un gobelet et l’aida à avaler la bière. Ludwig n’avait rien dit. Il mangeait goulûment en surveillant la lisière de la jungle. À combien se montait l’effectif des soldats birmans ? Étaient-ils capables d’anéantir la bande rebelle et de tuer le lieutenant Fang ? Dans ce cas, ils découvriraient les moitiés de billets et comprendraient que le reste ne pouvait se trouver que dans l’appareil. Leur cupidité passerait alors avant leur patriotisme.

Sara allumait une cigarette et la glissait entre les lèvres de Clifton. Il jura en lui-même. Il aurait parié que la jeune femme éprouvait une certaine sympathie pour Philip. Mais il y avait l’argent et elle devait préférer ça au plus bel homme du monde.

Brusquement il éprouva l’envie d’établir son autorité. Cette fille était à lui puisqu’il avait couché avec elle.

— Sara ! dit-il entre ses dents.

Elle se retourna vivement.

— Viens ici !

Clifton tirait doucement sur la Lucky. Il ne faisait même pas attention aux deux autres. Ce qu’il apercevait était autrement dramatique. Un soldat birman rampait parmi les buissons et se rapprochait du tireur embusqué dans l’arbre.

— Ici, je te dis. Tout à l’heure tu ne t’es pas fait prier pour t’allonger.

La jeune femme écrasa sa cigarette sous son pied.

— Vous n’avez pas le droit de me demander ça.

— Tu ne veux pas t’asseoir sur mes genoux ?

— Laissez-moi tranquille.

Ludwig ricana.

— Tu couches avec les hommes sans t’en rendre compte ?

La jeune femme détourna les yeux et regarda au-dehors. Elle ne vit pas le soldat birman que Clifton suivait du regard le cœur battant. L’homme était très habile et procédait par bonds pour se rapprocher du tireur. Il ne devait avoir qu’une arme de tir rapproché, et ne voulait pas manquer son but. Le rebelle, lui, épaulait souvent son fusil et chaque fois Clifton apercevait le léger recul de l’arme.

— Garce !

Marsch se leva et quitta le poste. La jeune femme jeta un regard inquiet au pilote, mais lui regardait toujours au-dehors. Elle crut que c’était une attitude.