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Marsch prit son arme dans la poche de sa combinaison. Il écumait.

— Sors de là !

— M… ! Tu ne tireras pas.

Ludwig vit rouge. Son index se contractait.

— Non ! cria Sara.

En même temps elle se ruait sur l’Allemand. Il tira mais la balle s’enfonça dans le calfeutrage du plafond. Il hurla des injures mais Clifton, profitant de l’intermède, lança ses mains liées, juste en pleine face de Ludwig. Ce dernier surpris par le coup tituba en avant. Clifton le frappa une seconde fois de ses deux poings formant une massue dangereuse.

Rapidement il se mit debout et, en sautillant, se rapprocha de l’Allemand. Ce dernier essaya de parer le troisième coup, mais Clifton l’assena de toutes ses forces et Ludwig hurla de douleur. Il n’était pas évanoui, mais ses réflexes devenaient flous. Sa main tâtonnait à la recherche de son revolver. Sara l’aperçut et le ramassa.

— Reprenez votre place, dit-elle à Clifton.

Il lui adressa un regard morne.

— Vous tireriez ?

— J’ai choisi. Je n’irai pas à Bangkok. Il n’a d’ailleurs jamais été question que je puisse accepter. Vous avez essayé de me duper.

À tout petits pas, il rejoignit son fauteuil. Ludwig se traîna un peu plus loin. Son œil de verre avait dû s’enfoncer dans son orbite car il y porta ses mains.

Mais pour le moment c’était Sara qui tenait son arme. Celle de Tamoï se trouvait dans l’habitacle-radio.

CHAPITRE VIII

Marsch se dirigea vers la porte, mais Sara le suivit.

— Au lieu de penser à tuer Clifton, vous devriez essayer de nous sortir de là, dit-elle.

Ludwig Marsch pivota sur ses talons. Son œil de verre enfoncé par un des coups de son ancien compagnon le faisait souffrir.

— Que voulez-vous que je fasse ? Courir au-devant des balles chercher la serviette ? Nous ne pourrons nous envoler. La mitrailleuse nous tirera dessus. Il faut attendre que Fang et ses hommes détruisent la section.

Sara gardait un visage méfiant.

— Et puis, ajouta Ludwig, Fang n’acceptera jamais que nous partions en lui laissant le général sur les bras. Il sait fort bien que Nangiang est parfaitement à l’abri tant qu’il restera dans l’avion, tant que les soldats Birmans auront des doutes sur la raison de notre atterrissage.

— Si les soldats birmans arrivent jusqu’ici ils découvriront Tsin inanimé.

— Vous auriez dû me laisser prendre les commandes. L’homme au fusil-mitrailleur est dangereux pour Fang et pour nous par suite logique.

Mais la jeune femme secouait la tête.

— Non. Il y a déjà trop de morts. J’en ai assez, assez. Je ne veux plus… Sans nous il n’y aurait pas eu cette bataille entre les soldats et les rebelles…

Marsch eut une moue sceptique.

— Ce ne sera ni la première ni la dernière escarmouche. Le véritable mobile n’est pas notre présence et vous le savez bien.

— Vous avez tué Tamoï et l’avez jeté dans le vide.

— Espériez-vous empocher vos deux cent mille dollars sans la moindre anicroche ?

Elle paraissait désespérée, soudain, et cette attitude inquiétait Marsch.

— Songez que si nous nous en sortons, nous aurons cent mille dollars chacun, dit-il durement.

Elle tourna les talons et rentra dans le poste. Il s’empara du revolver caché dans l’habitacle-radio. Mais il ne voulait pas rester seul dans la carlingue. Le général même endormi l’impressionnait. D’autre part il se méfiait de lui-même en présence de Clifton. Il le haïssait follement.

Dans la soute, il ouvrit la trappe d’homme et se laissa glisser sur le terrain. Rampant sous le fuselage, il s’approcha du train avant, progressa jusque sous le nez de l’appareil. Il distinguait la silhouette de l’homme au fusil-mitrailleur. Depuis quelques minutes il ne tirait plus. Mais il était vivant. Marsch surprenait les mouvements rapides de sa tête casquée tandis qu’il observait le terrain tout autour de lui.

Les rebelles avaient dû s’enfoncer dans la jungle, repoussant ses camarades devant eux. Le camion était toujours à la même place. Les deux armes automatiques couvraient une partie importante de l’aérodrome. Il était même étonnant que l’officier responsable n’ait envoyé personne pour discuter avec les occupants du D.C. 3.

L’Allemand apercevait distinctement le dos du fusil-mitrailleur. En se rapprochant d’une vingtaine de mètres, il pouvait l’atteindre à coup sûr avec le gros revolver de Tamoï. Fang pourrait envoyer deux hommes s’emparer du fusil-mitrailleur pour le braquer sur le camion.

C’était le meilleur plan pour bousculer les événements. Il était un peu plus de midi et les heures risquaient de passer sans événements nouveaux jusqu’à la nuit. À ce moment-là, la situation pourrait devenir dangereuse pour lui.

Plantant ses ongles dans la terre sèche, il fit avancer son corps par lentes tractions. Il ne voulait progresser qu’avec la plus grande prudence. Même s’il lui fallait une demi-heure pour parcourir les vingt mètres nécessaires. La condition essentielle était que le mitrailleur ne le remarque pas. Quant aux servants de la mitrailleuse, ils devaient scruter le mur de jungle qui les environnait.

Trois mètres plus loin, il s’arrêta. Il était sorti de l’ombre protectrice du D.C. 3. Il n’irait pas plus loin que les vingt mètres prévus. Au-delà, Sara et Clifton pourraient l’apercevoir et qui sait, l’Eurasienne l’empêcherait de mettre son projet à exécution.

Il était surpris de trouver la terre aussi sèche, l’herbe poussiéreuse comme les plantes d’un vieil herbier. Sans la protection des arbres et l’humus gras de la pourriture, le terrain devenait stérile. Mais la jungle grignotait chaque jour les abords de la piste et, dans quelques mois, aucun avion de l’importance d’un D.C. 3 ne pourrait plus atterrir.

Encore trois mètres et l’homme lui tournait toujours le dos. Marsch trouvait la situation pleine d’ironie. Le soldat n’attendait pas d’ennemis de ce côté. Il en était persuadé et ce serait sa perte. Entre le rebord du casque à l’américaine et le col de la chemise kaki, apparaissait une mince ruban de chair, celle de la nuque. C’était là que s’enfoncerait sa balle. Il lui faudrait viser soigneusement, ne tirer qu’à coup sûr. Seuls les hommes de la mitrailleuse pouvaient entendre le détonation, la localiser.

Oseraient-ils tirer dans cette direction au risque d’atteindre l’avion ? Il comptait sur cette hésitation pour revenir se mettre à l’abri.

Il lui restait une dizaine de mètres à parcourir. Il souhaita que l’homme au fusil-mitrailleur se mît à tirer. Il pourrait alors se rapprocher plus rapidement. De plus, l’interruption nette des rafales indiquerait à Fang qu’il s’était produit un fait inattendu.

Dans le poste de pilotage, l’homme et la femme restaient silencieux. De temps en temps Sara glissait une cigarette allumée entre les lèvres de Clifton qui la remerciait d’un signe. Le soleil transformait l’endroit en étuve et la jeune femme avait ouvert une des vitres à glissière. Le pilote s’étonnait de l’absence de Marsch mais ne s’en plaignait pas. L’Allemand devait être inquiet. Tant que les rebelles et les soldats resteraient dans l’expectative, il ne pourrait récupérer les moitiés de billets. Le temps s’écoulait perfidement, travaillant contre lui. Il y aurait bientôt deux heures qu’ils s’étaient posés sur le petit terrain. Ils auraient pu se trouver à cinq cents kilomètres au sud, dans la direction de Bangkok. Il songea aux envoyés chinois de Formose avec un léger sourire. Les petits hommes à allure empesée perdraient progressivement de leur calme quand l’heure d’arrivée serait dépassée. Discrètement ils exigeraient des recherches, mais en vain.